Portrait

24 ans, et déjà directeur régional d’Avito!

Il a les traits juvéniles de ses vingt quatre ans. Pourtant, malgré son jeune âge, Eyass Shakrah compte  parmi les directeurs d’un site de e-commerce qui s’impose déjà comme un acteur incontournable de  la place. PAR NOREDINE EL ABBASSI


L
es choix qu’on fait dans la vie façonnent souvent la personne que l’on devient au fil des années. Eyass Shakrah est de ceux qui ont décidé de prendre des risques et sans passer forcément par des chemins  tracés, censés mener à la réussite. De prime abord, il a les manières courtoises, et un style résolument jeune, malgré un classicisme forgé  lors de son passage dans  le domaine très policé de la banque d’affaires. Une chemise à carreaux et une veste sombre sur un pantalon beige, complètent l’ensemble. La touche de  jeunesse se “manifeste”  dans les chaussettes jaunes fluorescentes qu’il porte, lors de notre entrevue.

 Il est né en 1988, à Uppsala, ville universitaire située non loin de la capitale suédoise, Stockholm. Il est le dernier né des quatre enfants d’un couple d’interprètes auprès  des tribunaux suédois. Ses parents sont arrivés dans le pays peu de temps avant la naissance de leurs enfants. Son père est syrien, et sa mère koweitienne.  Tous deux se sont installés en Suède lorsque le pays comptait encore une faible immigration venue des pays arabes. Même si Uppsala  est une petite ville, elle a été la capitale du pays, et en demeure la troisième par ordre d’importance. Comme toujours dans ce type de localité, la ville  compte une forte classe moyenne et tout le monde se connaît: “la Suède est un pays très socialisant. Il n’y a pas d’énormes écarts de richesse entre les  classes sociales et c’est un système basé sur l’égalité des chances”, explique Eyass. Il grandit donc dans les années 90 dans un environnement stable.

Il explique que c’était  dans un quartier “Ikea”, où les meubles ne sont pas luxueux, et l’ensemble est plus fonctionnel que fastueux. Sur le plan familial, étant le dernier né, il doit donc s’imposer  face à ses grands frères, dans une ambiance de saine émulation. “Nous étions constamment en compétition les uns vis-à-vis des autres. Que ce soit en cuisine, ou en  lutte, nous essayions de nous  dépasser”, se remémoret- il, sans se départir de son éternel sourire. Eyass s’exprime en anglais, et ses paroles sont empreintes de l’accent rugueux de ceux plus habitués à parler les  langues de l’Europe du Nord que celles du contour de la Méditerranée. Nous sommes au début des années 90, et Internet “débarque” dans la région.  

Le jeune Eyass se passionne  immédiatement pour ce nouvel outil. Il comptera parmi les premiers jeunes qui se lancent dans le e-commerce. Constamment entre deux projets, il ne fait pourtant pas des milles,  et le jeune geek est loin du millionnaire internet. A l’école, il fréquente des gens studieux et intègre la prestigieuse Cathédral School. Pour les loisirs, il est assez individualiste  et pratique la boxe. Pour se dépasser, précise-t-il. Pendant l’été, la famille part en vacances en Espagne: “tous les suédois se rendent dans les mêmes régions. Il fait tellement froid qu’on  essaye juste de s’échapper et de partir pour le soleil. On va dans des “all inclusiv” à  peu de frais, et on bronze au soleil,” explique-t-il. Mais les études restent sa priorité, et  ses performances scolaires jouent en sa faveur. Le jeune Eyass est tout naturellement admis à la Stockholm School of Economics en 2007.

Entrée dans la vieprofessionnelle

Comme souvent, parmi les jeunes suédois, Eyass prend une année sabbatique après  ses études secondaires. Il travaille alors comme manutentionnaire et occupe plusieurs petits boulots. Il en profite pour s’évader et aller à la découverte du monde. Il se rendra ainsi dans les  Caraïbes. Mais l’année écoulée, il retourne sur les bancs de l’école. Là encore, il fait comme beaucoup de jeunes de sa génération: il travaille dans des banques d’affaires en parallèle,  pour développer ses compétences. Il étudie trois années durant et obtient son bachelor. Entre-temps, il aura déjà travaillé dans trois différents établissements bancaires. “Dans le monde  professionnel, le plus important est de tisser des contacts directement dans les entreprises que l’on cible. C’est plus parlant qu’un CV qui, même s’il comporte un  diplôme de la meilleure école du pays, ne renseigne pas pour autant sur les qualités personnelles du postulant,” analyse-t-il. Dans le système universitaire suédois, les cours ne sont pas  obligatoires. Il peut donc préparer les examens en ayant travaillé les cours de manière autonome, chez lui. Cela lui réussit, et il obtient le fameux sésame en 2011. Sans trop tarder, Eyass est  recruté par la prestigieuse  banque d’affaires Goldman Sachs, qui compte nombre de ses anciens cadres dans les plus hautes fonctions dans les pays développés, tels les Etats Unis. Il  déménage alors pour Londres et continue de travailler dans le domaine du conseil en fusion acquisitions dans la capitale britannique.

Il alterne des heures interminables de  travail, et une vie riche en rencontres et expériences. La capitale britannique est une métropole cosmopolite où il fait bon vivre. Mais rapidement, mais, peut-être en raison de sa jeunesse,  il a soif d’aventures et de découvrir le monde. L’un de ses amis le recommande alors au site d’annonces en ligne, avito: “mon ami était sans doute la personne la plus  intelligente du campus, qui s’est orienté vers le business internet. A l’époque, avito était implanté en Russie et cherchait à se développer. J’ai donc été pris pour m’occuper de la zone MENA, plus  particulièrement le Maroc et l’Egypte,” développe-til. Il quitte donc la banque d’affaires, après dix mois en Grande-Bretagne. Deux jours après son recrutement, il est en Egypte où il prend  ses fonctions. Depuis 2012, il est basé à Casablanca, et l’entreprise ne cesse de gagner en parts de marché. Un parcours déjà prometteur. Mais, n’estil pas dit, que la valeur  n’attend point le nombre des années ? ■ 

 
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