« La cohésion sociale mérite des efforts de contribution ! »
Quelques semaines après le dépôt du projet de Loi de Finances 2013 au Parlement, le ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du Budget, ·livre son point de vue sur la philosophie générale du projet gouvernemental, ainsi que sur les polémiques qu’il a suscitées.
Challenge. Quelles sont vos impressions suite aux premières journées d’études du projet de Loi de Finances 2013 au Parlement ?
Idriss El Azami El Idrissi. En gros, il s’agit d’un débat très sérieux qui se fait autour du PLF 2013 au Parlement. Les deux premières journées d’études ont donné lieu à des discussions très objectives et porteuses de valeur ajoutée. Il y a eu certainement des critiques, mais la grande majorité des parlementaires a été favorable au PLF 2013. En tout cas, c’est l’avis de la majorité qui m’intéresse.
C. Quels sont les sujets qui ont le plus accaparé les débats au Parlement?
I.E.E Les débats ont mis en avant ce que peut apporter réellement ce PLF sur le plan économique et social, ainsi que les importantes réformes qu’il prévoit. Par ailleurs, ils ont critiqué certaines insuffisances du projet. Dans le lot, la durabilité financière des fonds dédiés à la cohésion sociale et la nouvelle taxe de solidarité appliquée sur les hauts revenus (les revenus supérieurs à 25.000 DH). Ainsi, le sens et la philosophie générale de ce projet gouvernemental,ont été au cœur des débats.
C. Comment définiriez-vous la philosophie qui a animé l’élaboration du PLF 2013 ?
I.E.E Notre philosophie consistait en la conception d’un projet de Loi de Finances équilibré qui répondra à la grande partie des problématiques économiques et sociales du pays. Pour atteindre nos objectifs, nous nous sommes basés sur quatre axes fondamentaux. D’abord, la création de richesses qui ne peut se réaliser qu’à travers un soutien sérieux aux investissements privés et publics productifs, et à la compétitivité de l’économie et de l’entreprise marocaine. Ensuite, le renforcement de la cohésion sociale via les aspects régionaux et sociaux. Enfin, redynamiser les réformes stratégiques engagées: la justice, le projet de la régionalisation, la réforme fiscale, la réforme du système de compensation et des retraites. Nous envisageons également de rétablir un équilibre macro-économique afin de donner plus de visibilité aux opérateurs économiques et sociaux, mais aussi pour garder la main sur les décisions souveraines en matière économique.
C. Pour relever un point en particulier, que pouvez-vous nous dire de la polémique sur la taxation des hauts revenus ?
I.E.E C’est une polémique qui s’est focalisée sur le plancher de 25.000 DH, considérant que les ménages qui vivent avec un revenu de cet ordre font partie de la classe moyenne. Pour notre part, nous avons décidé de ce seuil par conviction. Nous estimons qu’un revenu supérieur à 25 000 DH positionne au-delà de la classe moyenne et permet de participer aux efforts de solidarité. En somme, la question de la cohésion sociale mérite des efforts de contribution de la part des personnes physiques et morales ayant de hauts revenus. Car, il faut prendre en considération que ces fonds collectés seront destinés à des projets sociaux très intéressants.
C. On constate que dans les textes présentés dans la note de présentation du PLF 2013, la taxation des hauts revenus se fera sur la fraction du salaire supérieur à 25 000 DH, alors que les déclarations officielles expliquent que la taxation s’appliquera sur le montant total. Pouvez-vous lever cette confusion ?
I.E.E Les textes du PLF 2013 sont clairs. La taxation se fera à partir du premier dirham pour les deux contribuables (particuliers et entreprises).
C. Quid du fonds de solidarité et de ses objectifs ?
I.E.E Le fonds de solidarité représente la nouvelle logique de mobilisation de fonds pour la cohésion sociale. Nous visons à travers ce fonds l’amélioration des conditions de vie quotidienne de la population nécessiteuse, notamment en matière de santé et de scolarité.
C. Quels sont les critères à remplir et les conditions à respecter afin de bénéficier des aides du fonds de solidarité ?
I.E.E Le fonds de solidarité prévoit deux sortes d’aides. Les aides non conditionnées qui concernent les services médicaux offerts dans le cadre du programme RAMED. Alors, pour bénéficier de ce programme dédié à la population pauvre, les personnes concernées se présentent pour remplir un questionnaire qui sera par la suite examiné par une commission spécialisée afin de décider qui pourra y participer. Le deuxième volet concerne les aides directes conditionnées. C’est le cas de Tayssir, un programme contre la déperdition scolaire. Il s’agit d’une aide directe versée à des familles situées dans des localités lointaines, conditionnée par le maintien des enfants à l’école.
C. Dans quelle mesure le fonds de solidarité et la Caisse de Compensation peuvent coexister?
I.E.E Le fonds de solidarité et la réforme de la Caisse de Compensation sont deux projets qui vont aller de pair. Nous envisageons à travers ces deux fonds, sur lesquels le gouvernement a travaillé et continue de travailler, d’aboutir à une réforme globale qui respecte trois principes fondamentaux. Premièrement, arriver à un niveau budgétaire supportable par les caisses de l’Etat. Deuxièmement, le ciblage des couches sociales les plus défavorisées. A ce niveau, nous sommes en phase d’élaboration d’une étude afin de définir les critères de ciblage, d’identification et de sélection pour permettre à ces populations de bénéficier des aides directes. Le troisième et dernier point consiste à la réalisation d’une étude d’impact pour repérer les populations et les secteurs les plus touchés par la baisse du niveau du soutien. Mais aussi pour concevoir la politique d’accompagnement la plus adéquate. En somme, le but est d’avoir une réforme «gagnant-gagnant», dans la mesure où le budget aura une enveloppe supportable et prévisible qui donnera au gouvernement une marge de manœuvre pour mener les politiques d’investissements, et ceux de développements.
C. Que répondez-vous aux critiques d’exonérations fiscales de certains secteurs, notamment l’agriculture et l’immobilier?
I.E.E La question de l’exonération fiscale a été soulevée par le gouvernement bien avant la préparation du PLF 2013. Elle a été également soulignée par quatre partis du gouvernement. Pour répondre à cette problématique, nous organisons les Assises fiscales en 2013. L’objectif de cet évènement est de revoir le système fiscal, de simplifier les procédures, de renforcer la confiance entre l’administration fiscale et le citoyen, d’ élargir l’assiette, en interpellant les niches fiscales. En effet, Il ne s’agit pas d’annuler toutes les exonérations accordées par l’Etat, mais plutôt d’examiner la rentabilité économique, financière et sociale de ces exonérations.
SON PARCOURS
ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du Budget, il est titulaire du diplôme des études supérieures de l’Institut d’Administration des Entreprises de l’Université de Paris en 2006 et du diplôme des études financières, économiques et bancaires de Marseille. En 2001, il a décroché le diplôme des études économiques à la Faculté des Sciences Juridiques et Economiques de l’Université Mohammed V de Rabat, et du diplôme du cycle supérieur de l’Ecole Nationale d’Administration de Rabat en 1997. Il est également le représentant du Maroc au Conseil d’administration de la Banque Arabe pour le développement en Afrique (BADEA).
SON ACTU
Il vient de présenter, il y a quelques semaines le projet de Loi de Finances 2013 au Parlement. Ce PLF se veut prioritairement social, ne manque pas de susciter la polémique, notamment en ce qui concerne la surtaxation des hauts revenus.