8 raisons d’une rechute, selon Arturo Bris
Arturo Bris, directeur du World Competitiveness Center, affirme que l’économie mondiale fait face à ses plus importants défis depuis 2008. Il évoque huit causes probables d’une nouvelle crise pouvant survenir dès 2015.
Beaucoup d’observateurs estiment que l’économie mondiale est tirée d’affaires, mais pas Arturo Bris, professeur de finance à l’IMD Business School et directeur du Centre Mondial de la Compétitivité. Il a récemment prédit qu’une crise pourrait survenir dans l’économie mondiale, alors qu’il n’y a pas suffisamment d’actions entreprises pour écarter une telle éventualité. Il affirme que, d’après les données statistiques, le monde pourrait être confronté à une crise financière dès avril 2015, pour prendre fin une année plus tard, en mars 2016. Bris soutient que la cause de la crise pourrait venir de huit scénarii.
Une bulle financière européenne
Durant l’année écoulée, «les marchés boursiers ont connu une performance irréaliste et, d’une certaine façon, ils ne sont pas à l’abri d’une explosion», explique-t-il. Et d’ajouter que : «en 2014, les analystes ont été déçus parce que les réalisations des entreprises durant le premier trimestre ne sont pas en ligne avec leurs attentes». Cela signifie que si le marché devait subir une certaine correction pour revenir à un niveau normal, en perdant notamment une partie des gains, il devrait y avoir une chute des marchés boursiers de l’ordre de 30 à 35%, toujours selon lui. Evidemment, au Maroc, on est loin de cette bulle financière que décrit Arturo Bris, car la place de Casablanca n’a pas du tout progressé depuis 2008. Elle a même reculé tout au long de cette période, même si certains analystes estiment que la correction n’a pas été suffisante. Et d’ailleurs, c’est une opinion discutable, puisque les entreprises marocaines, à l’image de l’économie nationale, connaissent des taux de croissance nettement plus importants que le reste des entreprises. C’est ce qui explique qu’une valeur marocaine présentant un price earning ratio (PER) de l’ordre de 20 peut être jugée plus intéressante qu’une action européenne avec un PER de 11.
Si ce n’est pas l’Europe, c’est donc la Chine
Aujourd’hui, la bourse de Casablanca traite avec un PER supérieur à 15, contre une moyenne de 12 pour la plupart des bourses européennes. Il n’empêche que, investir à Casablanca, peut s’avérer plus intéressant si l’on s’en tient à la croissance des résultats et des dividendes futurs. De plus, d’après Arturo Bris, il faut commencer à se méfier des places financières occidentales, alors que l’on ne peut pas en dire autant de la place marocaine. Et si ce ne sont pas les bourses européennes qui s’effondrent, cela risque d’être les banques chinoises.
Car faut-il le rappeler, affirme Arturo Bris, «une crise sévère pourrait provenir de ce l’on appelle le «shadow banking» ou finance de l’ombre, ce système qui consiste à prêter essentiellement aux institutions gouvernementales dont les performances financières ne sont pas suffisamment maitrisées et qui ne sont pas ouvertes à la concurrence. Si jamais ce système s’effondre, cela se répercutera négativement sur l’économie mondiale».
Pas à l’abri d’une nouvelle crise énergétique
Et d’aventure, le Maroc échappe à la bulle financière occidentale, ou encore à l’effondrement des banques chinoises. Il devrait subir un choc venant d’une éventuelle crise énergétique. En effet, «il faut noter surtout que les Etats-Unis qui sont les plus gros producteurs de gaz au monde, pourraient être à l’origine d’une crise», affirme le professeur Bris. «S’ils commencent à exporter vers le reste du monde, la Russie pourrait se sentir menacée, ce qui sera à l’origine d’une tempête géopolitique. Les Etats-Unis auraient alors un contrôle sur les prix des énergies et pourraient alors exercer plus de pression sur des pays comme la Grande Bretagne, l’Inde ou le Japon».
Une autre bulle immobilière
Cela rappelle étrangement que la crise de 2008 est venue essentiellement des Etats-Unis, même si c’est un autre secteur qui était en cause, à savoir l’immobilier. Et justement, prévient Arturo Bris, «une autre crise immobilière n’est pas écartée, mais ayant leur soubassement dans d’autres pays». En effet, il y a un risque de voir se former une bulle immobilière dans des pays comme le Brésil, la Chine, le Canada, voire l’Allemagne. Les prix sont en train de progresser à deux chiffres, à cause de la disponibilité de l’offre de crédit. De plus, les acquéreurs se montrent irrationnels dans la proposition des prix exorbitants sans se soucier qu’ils ne correspondent pas à la juste valeur des biens.
Une crise du rating: quand le BBB remplace le AAA
De toute évidence, la qualité de signature de la plupart des établissements et entreprises est en train de se détériorer. En effet, la plupart des grandes entreprises occidentales présentent un état de surendettement, et la nouvelle norme c’est de se contenter d’une note BBB. Aux Etats-Unis, par exemple, il n’y a plus que trois entreprises qui ont une note AAA, à savoir Exxon Mobil, Microsoft et Johnson&Johnson. Si les taux d’intérêt augmentent de 2%, la moitié du secteur privé risque de mettre la clé sous la porte.
Un conflit armé qui pourrait dégénérer
Pratiquement partout dans le monde, excepté dans certaines parties de l’Europe et des Etats-Unis, on est confronté à un risque majeur de tensions géopolitiques, affirme Arturo Bris. Des événements comparables à la crise en Crimée pourraient aboutir vers une crise financière, même s’il n’y a pas de guerre du tout.
Une pauvreté toujours plus criarde
Par-dessus tout, la pauvreté mondiale est en hausse et partout, les pauvres deviennent plus pauvres. «Il est donc légitime de s’attendre des conflits sociaux», affirme-t-il. Cela rappelle étrangement le printemps arabe qui n’a pas du tout profité aux populations. De même, la croisade contre la pauvreté et les inégalités sociales pourraient également affecter l’innovation et la croissance, en réduisant notamment les apports de l’innovation et en bridant des pans entiers de l’économie.
Surliquidité et hyperinflation
Enfin, le surplus de liquidités que beaucoup de Banques centrales ainsi que beaucoup d’entreprises détiennent peut porter l’estocade à l’économie mondiale. La Banque centrale européenne (BCE) prête aux institutions financières qui le redéposent dans les caisses de cette même Banque centrale, ce qui est un cercle vicieux. Depuis aujourd’hui, Google pourrait se permettre d’acheter la majorité des actions de la bourse Irlandaise et Microsoft est en mesure d’acheter plus de 50% de Singapour. «Ce qui est d’une moralité douteuse», conclut-t-il.