« A contre-courant » par ( Jamal Berraoui )
La presse a largement commenté les déclarations de Lahcen Daoudi lors d’une rencontre avec les journalistes de la MAP. J’ai toujours eu des relations de respect malgré nos divergences jamais démenties, parce que ce n’est pas un excité. Dans ses déclarations, il y a deux aspects très différents, le premier que d’aucuns ont trouvé scandaleux, c’est quand il déclare que « les bourses des pauvres ont été augmentées parce que ce sont eux qui voteront pour nous ». Moi, cela ne me choque nullement et j’aimerai bien que cela corresponde à une vérité, c’est-à-dire une véritable politique en faveur des couches défavorisées, par le biais d’un impôt sur la fortune par exemple. Ce n’est pas le cas, mais qu’un parti politique s’attache à des couches sociales plutôt qu’à d’autres, parce que la lutte des classes n’est pas une invention de Marx, mais une réalité.
Daoudi a osé parler de la gratuité avec un argumentaire que je partage totalement. Le maintien de la gratuité absolue signifie des universités à deux vitesses. L’une publique, gratuite, pour les pauvres totalement dévalorisée. A côté, un secteur privé, censé être plus performant, ce qui est loin d’être acquis, pour les fils de familles nanties.
J’ai rappelé dans un récent billet, un éditorial de feu Nadir Yata qui posait ce débat il y a vingt ans. Malheureusement, on ressort aujourd’hui contre Daoudi, les mêmes arguments avec la même véhémence. Le droit à l’accès au savoir est un droit fondamental. Il n’est pas question d’empêcher les fils du peuple d’accéder au supérieur. Mais, réfléchissons juste un instant. Les familles marocaines, dès qu’elles en ont les moyens, mettent leurs enfants au privé. Elles sont disposées à payer contre une certaine qualité, qui nécessite des moyens. C’est justement l’équation qu’il faut résoudre, renforcer la qualité sans privatiser non seulement l’université, mais l’école marocaine parce que tout le cursus est concerné.
Daoudi a déclaré « si je ne le fais pas, mon successeur sera obligé de le faire ». Je suis opposant, socialiste, attaché au service public. Mais je suis aussi contre toute forme de populisme qui ne fait qu’empêcher le pays d’avancer. Alors, contre mes amis socialistes, je dis oui à la fin de la gratuité généralisée, parce que c’est l’unique moyen de trouver les ressources nécessaires à une réforme qu’il faut imaginer. Le vrai débat, c’est sur la nature de la réforme qu’il doit porter et il est probable que Daoudi et moi on ne soit plus d’accord.
Le dogme de la gratuité n’est pas responsable de la faillite de l’école publique. Mais sa fin est une partie de la solution. Refuser d’en discuter, jeter les anathèmes, c’est juste s’interdire tout espoir d’une véritable réforme.