A quand le bout du tunnel ?
L’hémorragie se poursuit dans le secteur de l’immobilier. Sur les trois premiers mois de 2019, l’Indice des prix des actifs immobiliers de Bank Al-Maghrib montre des baisses conséquentes sur plusieurs segments. Décryptage.
La crise dans le secteur immobilier semble s’installer dans la durée. Et les récentes statistiques de Bank Al-Maghrib sur le secteur confirment bien cela. En effet, l’indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) sur les trois premiers mois de 2019 montre, en glissement trimestriel, un repli de 0,7%, recouvrant des replis de 1,1% pour les prix du résidentiel et de 0,4% pour ceux du foncier ainsi qu’une hausse de 0,9% pour ceux des biens à usage professionnel.
En ce qui concerne le volume des transactions, on note une décroissance de 12,7% traduisant des baisses de l’ensemble des catégories, avec des taux de 13,4% pour les biens résidentiels, de 12,2% pour les terrains et de 8,5% pour les actifs à usage professionnel. Il est à souligner aussi qu’en glissement annuel, les prix ont connu un repli de 0,2%, reflétant des baisses de 0,3% pour le résidentiel et de 0,5% pour le professionnel, les prix des terrains s’étant accrus de 0,3%.
Aussi, en ce qui concerne les transactions, leur nombre a progressé de 1,1%, avec un accroissement de 4,5% pour le résidentiel. Cependant, constate BAM dans l’IPAI, les ventes des terrains et des biens à usage professionnel ont reculé de 7,4% et de 4% respectivement. «Nous partageons, bien entendu, le constat général de poursuite de la crise. Il y a même lieu de parler de l’aggravation de la situation pour certains segments », confie Ghali Chraibi, directeur général de CAFPI, numéro 1 du courtage en immobilier au Maroc.
« Les indicateurs de mises en chantier, de vente de ciment ou des crédits à la promotion immobilière confirment cette tendance malheureuse. Depuis 2016, la stratégie publique de soutien au secteur s’est orientée essentiellement vers un objectif de baisse de prix (mesures telles que le référentiel DGI) et d’aménagement urbain par une politique stricte de gestion du foncier urbain. Nous constatons aujourd’hui que ces mesures n’ont pas encore permis au secteur de sortir de son atonie. Plusieurs causes classiques ont été avancées pour expliquer cela telles que la résistance des prix à la baisse ou l’inadéquation des produits proposés avec les attentes des acheteurs. Nous pouvons néanmoins regretter quelques éléments et insister sur ces solutions novatrices mises en place dans les pays européens depuis 2014 et qui ont créé la croissance de l’immobilier en Europe que l’on connaît: la promotion de l’ancien, les niches fiscales immobilières et le soutien aux acquéreurs», poursuit-il.
Des mesures d’incitation
L’IPAI de BAM montre aussi que sur le résidentiel, les prix ont connu un repli de 1,1%, reflétant des baisses de toutes les catégories d’actifs avec des taux de 0,9% pour les appartements, de 1,3% pour les maisons et de 5,1% pour les villas. «En glissement annuel, les actifs se sont dépréciés de 0,3%, en liaison avec les replis des prix de 0,2% pour les appartements et de 1,4% pour les maisons, ceux des villas n’ayant pas connu de variation. Concernant les ventes, elles ont augmenté de 4,5%, avec des accroissements de 4,4% pour les appartements, de 6,6% pour les maisons et de 2,7% pour les villas », précise Bank Al-Maghrib.
L’Indice a également fourni des statistiques au niveau de plusieurs villes importantes du Royaume. Ainsi, à Rabat, on apprend que sur les trois premiers mois de 2019, les prix se sont repliés de 3,3% en glissement trimestriel, avec des baisses de 2,4% pour le résidentiel et de 11,9% pour les terrains. De même, les transactions ont baissé de 11,9%, recouvrant des replis des ventes de 14,8% pour le résidentiel et de 22,5% pour les terrains et une croissance de 28,6% pour les biens à usage professionnel. Même tendance baissière au niveau de Casablanca où les prix ont diminué de 1,6% d’un trimestre à l’autre, incluant des reculs respectifs de 1,4 et de 6,2% pour le résidentiel et le foncier, et une hausse de 3,9% pour les biens à usage professionnel.
Sur le plan des ventes, on note un recul de 6,5% traduisant essentiellement des diminutions de 7,8% pour les biens résidentiels et de 3% pour les actifs à usage professionnel. Et enfin, à Marrakech, l’IPAI montre que les prix ont augmenté de 1% au premier trimestre 2019, intégrant des appréciations de 0,4% pour les actifs résidentiels et de 1% pour les terrains, ainsi qu’une baisse de 0,5% des prix pour les biens à usage professionnel.
Aussi, les transactions se sont contractées de 34,9%, avec notamment des reculs de 33,3% pour le résidentiel et de 40,4% pour le foncier. Pour renverser la tendance, Ghali Chraibi insiste sur le fait que les autorités doivent renforcer les mesures d’incitation fiscale pour, entre autres, favoriser l’émergence du logement ancien, qui est le moteur de la liquidité du marché et de la rotation des biens, dans les transactions au Maroc.
«Combiner ces mesures fiscales avec un marché de l’ancien dont les prix sont plus abordables que le neuf permettrait de dynamiser ce segment de marché et orienter les promoteurs vers l’acquisition d’immeuble, la remise à niveau et la revente des appartements. Il est aussi nécessaire de prendre des mesures de soutien direct à une frange de population telles que les primo-accédants via des subventions, des exonérations des frais d’enregistrements et aussi l’hypothèque pour les jeunes acquéreurs d’avoir des prêts à taux 0 %… », conclut Chraibi.