Abdelaziz Ait Ali : « On se dirige plutôt vers une reprise très graduelle et périlleuse »
Le monde entier est actuellement touché de plein fouet par une conjonction de crises majeures (sanitaire, économique). Les décideurs économiques et politiques tentent d’y voir clair dans les perspectives d’avenir. Abdelaziz Ait Ali analyse les différents scénarios de sortie de crise.
Challenge : Au départ de la crise du Coronavirus, il y avait le choix qui se posait à plusieurs pays de savoir s’ils privilégiaient l’éco-nomie et acceptaient un certain coût humain ou si au contraire, l’impératif de la préservation des vies humaines était tel, qu’il fallait accepter le coût économique, quelle qu’en soit l’ampleur et quelle qu’en soit l’importance. Quel a été le choix du Maroc ?
Abdelaziz Ait Ali : Les autorités marocaines ont été intransigeantes à ce sujet et ne se sont pas posées de question avant de trancher sur l’obligation de protéger le citoyen, quel qu’en soit le coût économique derrière. C’est une décision très louable qui témoigne, je dirai, de la clairvoyance des plus hautes autorités du pays. Encore plus, la réactivité des autorités marocaines à décréter la suspension des cours de tous les niveaux scolaires et les activités économiques jugées non-indispensables, se distingue à l’échelle internationale. Rappelons-le, les autorités nationales ont déclaré l’état d’urgence sanitaire et de confinement obligatoire à un stade précoce de la propagation du virus sur le territoire national, alors que d’autres pays, avancés et dotés de système de gouvernance de première qualité ont été plus réticents à l’idée de mettre en veille leur appareil productif. Ces pays en paient aujourd’hui le prix fort avec une morbidité élevée, mais également un ralentissement économique très marqué.
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Les dégâts économiques ne devraient pas prendre le dessus sur les considérations humaines et sociales dans un contexte pareil. En plus, l’histoire des crises nous a enseigné qu’à la suite d’un traumatisme aussi virulent, les structures productives parviennent à se ressaisir et retrouver leur vitesse de croisière au bout du compte. Elles sont à même de rattraper les pertes économiques au fil du temps, pourvu que les autorités publiques soient au rendez-vous, à travers la mise en place de politiques économiques adéquates en soutien à l’entreprise et au ménage. Au lendemain de la crise financière de 2008, qu’on compare souvent à la grande dépression de 1929, l’économie mondiale s’est engagée dans une des phases de croissance les plus longues de son histoire. Plus particulièrement, la croissance américaine qui a battu son record et enregistré la plus longue période d’expansion de son histoire. Un peu plus loin dans l’histoire, la deuxième guerre mondiale avec son héritage économique, humain, géopolitique et social très lourd, a été suivie par une expansion économique des plus vigoureuses du 20ème siècle, connu sous l’appellation des « Trente Glorieuses »…
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