Abdelmalek Alaoui : « Le Maroc et l’Europe ont un intérêt stratégique et économique commun »
Dans une interview accordée au Trends-Tendances, magazine économique et financier publié en Belgique francophone, Abdelmalek Alaoui, CEO-Fondateur de Guépard Group, société de conseil en stratégie, a abordé la question du modèle de développement en repensant notamment l’importance que devraient revêtir les relations entre l’Europe et le Maroc.
Abdelmalek Alaoui est économiste, auteur de nombreux ouvrages dont autant de Best-Sellers, et CEO-Fondateur de Guépard Group, société de conseil en stratégie, ainsi qu’éditorialiste du journal économique français « La Tribune ». Dans une interview accordée au Trends-Tendances, Abdelmalek Alaoui affirme que : « le Maroc a les attributs de la puissance sur le plan diplomatique et de l’influence régionale », tout en soulignant les insuffisances sur le plan économique : « au niveau économique, cela reste un acteur de taille moyenne aux revenus intermédiaires ». « C’est un pays disposant de 120 milliards de dollars de PIB mais dont le rayonnement, l’influence et peut-être même le positionnement ont fait qu’il a réussi à se démarquer ces dernières années tout en maintenant une croissance économique soutenue. »
« Au Maroc, il y a une stabilité institutionnelle, oui, incarnée par le roi du Maroc: c’est la plus ancienne monarchie régnante exécutive au monde. Cette stabilité a été indubitablement un facteur essentiel. Le passage d’un « printemps arabe négocié » a joué un rôle majeur, avec une transition constitutionnelle dans laquelle le roi a abandonné les pouvoirs législatifs et redistribué une part importante de son pouvoir exécutif ».
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L’économiste est revenu par la suite sur l’essor tardif, mais notable, du Maroc, dont l’accélération est venue avec le nouveau siècle et les investissements dans les infrastructures. L’économiste explique qu’ » à partir de 2006-2007, on a assisté à une internationalisation du tissu industriel. Le signal de cette entrée dans la mondialisation, c’est l’arrivée de Renault qui a choisi de s’installer au Maroc plutôt qu’en Turquie, avec la construction presque concomitante du port Tanger Méditerranée, devenu le plus important d’Afrique ».
« Le Maroc est devenu le premier investisseur privé en Afrique de l’Ouest et le deuxième dans toute l’Afrique«
Abdelmalek Alaoui évoque la stratégie d’intégration régionale du Maroc en Afrique : « le Maroc est devenu le premier investisseur privé en Afrique de l’Ouest et le deuxième dans toute l’Afrique. Cela a généré une dizaine d’entreprises qui font chacune plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires sur le continent, principalement dans les services. De plus, le Roi du Maroc a mené une soixantaine de visites d’Etat dans toute l’Afrique avec des délégations économiques, en restant parfois sur place plusieurs semaines: c’est décisif pour créer une communauté de destins avec les partenaires africains du Maroc. »
Si le revenu des Africains n’augmente pas, leur pouvoir d’achat n’augmentera pas.
Pour lui, l’Afrique et l’UE sont liés par des intérêts stratégiques et économiques communs : « Si les investissements ne se poursuivent pas dans nos zones pour des industries qui n’ont pas vocation à être en Europe où le coût du travail ou de l’énergie est trop cher, si l’on poursuit les barrières à l’entrée ou la taxe carbone dont nous sommes aujourd’hui les victimes alors qu’il s’agit d’un règlement de comptes avec la Chine ou les Etats-Unis, cela empêchera 400 ou 500 millions d’Africains d’accéder à la classe moyenne et d’acheter des produits européens demain ».
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Sur la relation du Maroc avec la Chine, l’auteur estime que » l’avantage qu’a la Chine dans sa relation avec le Maroc, c’est que les agendas concordent: ils sont tous les deux dans le long terme, l’un pour des raisons démographiques, l’autre pour des raisons dynastiques ».
Au sujet des perspectives d’avenir, il pense que le Maroc doit : » continuer à creuser le sillon de l’automobile, et notamment de l’automobile électrique. Devenir l’un des producteurs d’énergie propre pour l’Europe et il y a une fenêtre d’opportunité parce que l’Europe a du mal à mobiliser du foncier, que ce soit pour le solaire ou l’éolien, et que le Maroc a une côte atlantique très importante ». « Le secteur des services, et notamment celui du coding, est un autre secteur d’avenir pour le Maroc qui produit énormément d’ingénieurs de très bonne qualité tous les ans ».
Diplômé de Science Po Paris, Titulaire d’un MBA de HEC Paris et d’un troisième cycle de l’école de Guerre Economique, M. Alaoui est un spécialiste reconnu du développement économique en Afrique et des stratégies de croissance. Son dernier ouvrage « Le Temps du Maroc » est le livre le plus vendu au Maroc en 2021. A travers son livre, il émet des réflexions sur sa destinée potentielle ou ses relations avec le monde, au fil des deux années exceptionnelles marquées par la pandémie de covid.