Accord agricole : Un double camouflet pour le Maroc et l’UE !
Des liens uniques unissent le Maroc et l’UE, essentiellement pour le meilleur, et occasionnellement pour le pire. L’arrêt du tribunal de l’Union européenne (UE) au sujet du recours introduit contre l’Accord agricole avec l’UE augurerait d’un échange «à froid» entre les deux partenaires.
La révocation de l’Accord agricole «Maroc-UE», le 10 décembre, par la Cour de justice de l’UE a suscité une vive inquiétude auprès du Maroc, mettant dans l’embarras les pays membres de l’UE. Une décision que les ministères marocains des Affaires étrangères et de la Coopération et celui de l’Agriculture et de la Pêche qualifient dans leurs communiqués d’étonnante et d’incompréhensible. Et pour cause. Ledit accord, en vigueur depuis octobre 2012, entre dans une phase de maturité «censée l’orienter vers une plus grande ouverture». Il se voit aujourd’hui compromis par «cette décision incohérente qui va à l’encontre de l’esprit de partenariat historique entre le Maroc et l’UE», dixit le département de Aziz Akhannouch, ministre en charge de l’Agriculture. Le communiqué des Affaires étrangères affirme pour sa part que «le Maroc s’interroge légitimement sur l’opportunité du maintien de l’édifice contractuel que les deux parties ont réussi à construire sur de longues années dans les domaines politique, économique, humain et sécuritaire dans un esprit de partenariat et de respect des valeurs internationalement reconnues», ajoutant que «le Royaume s’attend à ce que l’UE prenne les mesures appropriées en vue de trouver une issue définitive à cette procédure». Il est fait référence ici à la position distinguée qu’occupe le Maroc au sein de la Politique Européenne de Voisinage puisqu’il a été le premier pays à bénéficier d’un Accord de bon voisinage lui conférant le Statut de partenaire privilégié. Situation la plus proche de «membre associé», consacrée par le Statut avancé, signé en 2008. Les raisons de ce statut résident dans le regard favorable que l’UE porte sur les réformes entamées par le Royaume. Des réformes qui vont dans le sens de la constitution d’un État moderne et de l’intégration de son économie dans le commerce international. Mais aussi et surtout en vue des intérêts de quelques États membres. Ce partenaire voisin est le premier partenaire commercial du Maroc, importations et exportations confondues. En plus d’être son plus grand investisseur étranger. La France, premier pays de l’UE à réagir à cet arrêt de tribunal «considère que l’accord de libéralisation réciproque de certains produits agricoles entre le Maroc et l’Union européenne est un élément important du partenariat primordial entre les deux parties», a indiqué vendredi 11 décembre le Quai d’Orsay.
Accord agricole, quèsaco !
Pour rappel, l’Accord agricole promettait une évolution notable pour deux secteurs d’activité exportateurs, à savoir l’agriculture et la pêche. Les exportations du Maroc vers l’UE peuvent depuis porter sur tous les produits agricoles, augmentant les quotas à l’exportation de certains fruits et légumes en élargissant la liste des produits bénéficiant du libre accès sans limitation de quantités. Il y a cependant lieu de distinguer trois catégories de produits. Primo, ceux dits libres d’entrée, sans droits de douane ni quotas. Secundo, ceux dits libres, non limités par un quota, mais devant s’acquitter de droits de douane (prix d’entrée). Parmi ces produits, on trouve les abricots, les oranges, les artichauts, les raisins de table et les pêches notamment. Enfin, la 3e catégorie de produits porte sur ceux dits sensibles pour l’UE (liste négative). Ils sont au nombre de six, dont la tomate est le produit phare. Pour les produits de la liste négative, les restrictions portent sur des contingents pouvant être exportés à prix préférentiels. Concernant les produits de la mer, l’UE est aussi le principal récipiendaire du Maroc. Dans le cadre du Statut avancé, les dernières négociations, tenues en novembre 2012, se sont annoncées positives. Trois questions fondamentales restaient cependant à régler. Il s’agit d’abord de l’accord sur l’interdiction de pêche des espèces en danger. Ensuite, il faut résoudre la problématique de mesure de l’impact de la pêche sur les territoires. L’idée est de trouver un moyen pour territorialiser les statistiques, et montrer que ça touche l’ensemble du territoire marocain. Le troisième élément est relatif au prix, dans la mesure où l’ancien coût a été considéré comme étant trop élevé par rapport à la moyenne des autres accords de pêche.
L’arrêt qui fâche !
Le jeudi 10 décembre, la huitième chambre au sein de la Cour de justice de l’UE, saisie par les représentants du Front Polisario, s’est prononcée en ce qui concerne la légalité de la procédure de conclusion de l’accord agricole de 2012. L’arrêt estime que le Conseil de l’UE devait s’assurer lui-même qu’il n’existait pas d’indice d’une exploitation des ressources naturelles du territoire du Sahara sous contrôle marocain susceptible de se faire au détriment de ses habitants et de porter atteinte à leurs droits fondamentaux. Le tribunal a en effet jugé que «la souveraineté du royaume du Maroc sur le Sahara occidental n’est reconnue ni par l’Union et ses États membres ni, plus généralement par l’ONU», affirmant «l’absence de tout mandat international susceptible de justifier la présence marocaine sur ce territoire».