Administration judiciaire : le système de coordination mis en place
Terrain de rencontre de deux pouvoirs (exécutif et judiciaire) censés être indépendants, l’administration des tribunaux fera l’objet de coordination entre le ministère de la Justice et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ).
La consécration de l’indépendance du pouvoir judiciaire par la Constitution de 2011 n’a pas donné lieu à la sortie du pouvoir exécutif de l’enceinte des tribunaux et du secteur de la justice en général. Loin de là, le gouvernement continue de jouer, à travers ses différents canaux, en particulier celui du ministère en charge de la justice, un rôle important dans le fonctionnement de l’administration judiciaire. Le résultat est que l’appareil judiciaire se trouve actuellement dirigé par trois organes : le ministère de la Justice, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et la Présidence du Ministère public.
Certes, le champ d’intervention de chaque acteur est défini par la Constitution, des lois organiques et des lois ordinaires, mais vu qu’ils opèrent sur le même terrain, le législateur a estimé qu’il était nécessaire d’instituer un système de coordination entre eux. L’expérience de la première année du fonctionnement du nouveau modèle judiciaire a démontré la pertinence de ce choix.
En effet, le dernier rapport du président du ministère public a fait état d’un manque de coordination entre le ministère de la Justice et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire au cours de la première année qui a suivi la mise en place du nouveau modèle judiciaire, ce qui a généré des dysfonctionnements au niveau de nombreuses juridictions du pays. Dans ce cadre, il a cité l’exemple du dernier découpage juridictionnel qui a été lancé sans concertation préalable avec le pouvoir judiciaire, entraînant par là des perturbations qui n’ont pas manqué de porter atteinte aux intérêts des justiciables et de gêner le déroulement des procédures judiciaires.
Dans le but d’éviter ces situations que la loi organique relative au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire a prévu une «Instance de coordination » en matière d’administration judiciaire. Et c’est dans ce cadre qu’un arrêté conjoint du ministre de la Justice et du président-délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient d’être publié.
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Quel est le domaine de la coordination entre les deux parties ? Tout d’abord, une précision s’impose : la coordination doit respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire. En d’autres termes, elle ne peut porter que sur l’administration judiciaire qui, précisons-le, reste en bonne partie entre les mains du pouvoir exécutif. Pour tout le reste, c’est un domaine réservé du pouvoir judiciaire qui, selon la Constitution et les lois prises dans le cadre de sa mise en œuvre, doit fonctionner en toute indépendance vis-à-vis notamment du pouvoir exécutif.
D’une manière générale, l’Instance de coordination qui comprend les principaux responsables du ministère de la Justice et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (voir encadré), a pour mission de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration des tribunaux. Ainsi, elle est chargée de veiller à ce que les différentes juridictions du pays disposent de tous les moyens humains et matériels leur permettant d’assumer leurs missions dans les meilleures conditions. Dans ce cadre, elle émet son avis sur les projets élaborés par le ministère de la Justice pour améliorer les infrastructures des tribunaux.
En matière de ressources humaines, elle élabore les programmes de formation des responsables judiciaires (présidents des tribunaux, procureurs…) dans le domaine de l’administration judiciaire et ce, sur la base des propositions soumises par le directeur général de l’Institut supérieur de la magistrature. Elle étudie également, toute proposition émanant des responsables judiciaires, du ministre de la Justice ou du président-délégué du CSPJ, ayant pour objet d’améliorer le fonctionnement et l’efficience de l’administration judiciaire. D’autres domaines font en outre, l’objet de coordination, comme la coopération internationale, l’organisation et le contrôle des professions juridiques et judiciaires, la coopération internationale et l’accès de l’autorité judiciaire au système d’information des tribunaux.
L’Instance de coordination tient ses réunions chaque fois que c’est nécessaire et au moins une fois par trimestre. Les réunions sont tenues alternativement, au siège du ministère de la Justice et à celui du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Le bilan d’activité de l’Instance de coordination est intégré dans le rapport annuel que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire soumet au Roi.