Affaire Samanah Country Club de Marrakech.L’ancien commissaire à la diversité sous Sarkozy et les promoteurs initiaux du projet s’affrontent
Du nouveau dans l’affaire du Samanah Country Club de Marrakech que porte la société Marprom. L’industriel français Yazid Sabeg, ancien commissaire à la diversité sous Nicolas Sarkozy, qui a racheté à la barre du tribunal du commerce de Paris, le 25 mars 2021, cette entreprise de droit marocain chargée du pilotage du Samanah Country Club, devra affronter, le 21 juillet prochain, devant la cour d’appel de Marrakech, les promoteurs initiaux, les Français Alain Crenn et Richard Hennessy.
Les premiers propriétaires de Samanah Country Club, les Français Alain Crenn et Richard Hennessy, sont bien décidés à conserver le contrôle du projet qui devait être le plus beau complexe touristique et immobilier de Marrakech. Pour cela, ils multiplient les procédures en France et au Maroc depuis ce qui défraie la chronique depuis son lancement en 2006, a changé à nouveau de main. En effet, le président du groupe français CS Group, spécialisé dans la création et la gestion de systèmes critiques dans les domaines de la défense & de la sécurité, de l’espace, de l’aéronautique et de l’énergie, Yazid Sabeg, également ancien commissaire à la diversité et à l’égalité des chances (2008-2012) sous Nicolas Sarkozy, a pris le contrôle du projet après avoir racheté Marprom qui porte Samanah Country Club de Marrakech, à la barre du tribunal du commerce de Paris, le 25 mars 2021. Et depuis, ce nouveau repreneur tente de relancer le projet. Encore faudrait-il qu’il écarte définitivement Alain Crenn et Richard Hennessy. Yazid Sabeg devra affronter ces promoteurs initiaux du Samanah Country Club, le 21 juillet devant la cour d’appel de Marrakech.
Pour arriver à ses fins, l’ ancien commissaire à la diversité sous Nicolas Sarkozy, escompte non seulement demander devant cette juridiction de la cité ocre, l’annulation de la mise en liquidation judiciaire de Marprom et de ses filiales (Samanah Management Tourism, Samanah Golf Management, Samanah Hotels), prononcée le 17 mai par le tribunal du commerce de Marrakech, mais aussi la mise à l’écart du dossier le syndic de liquidation, le cabinet Comptagestex d’Houcine Dinar, ainsi que la société française Financière des voiles, dénomination du Groupe Alain Crenn, la structure qui portait les parts des associés d’origine, depuis 9 ans. Comment en est-on arrivé là ?
Lire aussi | Lions de l’Atlas. Vahid, c’est bientôt fini !
Retour sur les faits : Tout a commencé le 7 janvier 2006. Le groupe français Alain Crenn, spécialisé dans la promotion immobilière, dirigé par Richard Hennessy et dont le conseil d’administration est présidé par Alain Crenn, signe avec le gouvernement marocain une convention d’investissement de plus de 240 millions d’euros. Cet investissement devait permettre la réalisation sur trois ans d’un complexe touristique de très grand standing à Marrakech. Baptisé « Samanah Country Club», ce projet de 285 hectares de superficie, devait voir sortir de terre un Golf de 18 trous de classe internationale, trois hôtels cinq étoiles de 540 chambres, 144 appartements de grand luxe, 410 villas, de nombreuses piscines, un centre de séminaires, un kid’s club et une grande place d’animation touristique et à la clé, engendrer la création de 1 500 emplois directs.
La même année, ces propriétaires créent la société de droit marocain Marprom, gestionnaire de ce méga projet touristique situé dans la petite commune de Tamesloht, à 14 kilomètres au sud de Marrakech. Le projet a démarré six mois plus tard avec un apport en fonds propres et une levée de fonds auprès des banques marocaines, dont le principal créancier est la Banque populaire. En novembre 2009, soit trois ans après son lancement officiel, Samanah inaugure son golf 18 trous et son club house, couvrant 100 des 300 ha du domaine, soit un retard de près d’une année par rapport à la date initiale de livraison de la première phase. A cette période, 160 sur les 168 villas de cette tranche (commercialisées entre 1,3 et 2 millions d’euros l’unité) avaient trouvé preneur. Plus de 52 % des investisseurs étaient Marocains. Les premiers locataires étaient attendus au courant de 2010. Il n’empêche que cette année-là, les promoteurs du projet vont procéder à une opération de réduction de capital de plus de 92 millions de DH. A l’époque, crise immobilière oblige ou pas, les prix affichés à l’époque dans la cité ocre avaient chuté de 20 à 30 %.
Lire aussi | Tanger Med. APM Terminals voit plus grand pour le second terminal à conteneurs
Quoi qu’il en soit, deux ans plus tard, le groupe français, après avoir donc réalisé le parcours de golf et une partie des villas, cherche un repreneur pour une partie du projet, voire le tout. Pendant, ce temps, la partie hôtelière, elle, est toujours en suspens. En effet, le premier établissement hôtelier dont la gestion a été confiée au célèbre hôtelier britannique Campbell Gray Hotels, a vu son chantier s’arrêter depuis octobre 2008. La principale raison avancée à l’époque par Alain Grenn lors d’une interview accordée à Challenge (du 10 octobre 2009) était que « les partenaires indiens, qui détiennent 66 % du tour de table, ont été durement touchés par la crise et souhaitent se retirer ». Idem pour le groupe français et la holding Leading Hotels of the World, gestionnaire du prestigieux Wan Aldwych Hotel à Londres, qui avait également conclu en septembre 2006, une convention de coentreprise avec la société Marprom. En tout cas, Alain Crenn et Richard Hennessy, vont finir par céder le complexe Samanah Country Club à Gaël Paclot et Daniel Boisson, le 18 mai 2011. Ce jour-là, les repreneurs auraient versé 10 millions d’euros pour relancer le chantier. Mais quelques mois plus tard, ils intentent une double action judiciaire à Marrakech et Paris à l’encontre des propriétaires du Complexe. Selon eux, la situation qu’on leur a présentée ne correspond pas à la réalité : « non seulement, les dettes de Marprom étaient largement supérieures au montant indiqué mais les comptes, au moment de la cession étaient, entachés d’inexactitudes ». Résultat des courses : cette situation va amener les deux nouveaux investisseurs et les initiateurs du projet devant la justice, un épisode qui aura pour conséquence le placement en liquidation judiciaire, en septembre 2020, de Marprom Holding. D’ailleurs, c’est dans ce contexte que Yazid Sabeg a racheté, le 25 mars 2021, pour 300 000 euros, la société Marprom, ainsi que le passif de celle-ci, une créance en compte courant d’actionnaire de 35,9 millions d’euros.
Si l’on sait ce que dernier compte demande au Tribunal de Marrakech, quid des initiateurs de Samanah Country Club ? Rappelons qu’en France, Alain Crenn et Richard Hennessy, qui avaient vu leur propre offre de reprise rejetée, ont saisi l’année dernière la justice française, pour faire annuler la cession de Marprom à Yazid Sabeg. Selon eux, le syndic de liquidation marocain avait jugé « plus convaincant » le plan de continuation présenté par la Financière des voiles. Mais ces demandes ont été rejetées par la cour d’appel de Paris le 1er mars, puis en cassation le 19 mai.
Au Maroc également où Alain Crenn et Richard Hennessy ont attaqué Yazid Sabeg, ils prévoient de mettre en avant, le 21 juillet prochain, devant la cour d’appel de Marrakech, le fait que ce dernier ait pris le contrôle de Marprom sans attendre que la justice marocaine donne son exequatur à sa vente judiciaire, en 2021. C’est dire que l’affaire Samanah Country Club est encore loin de son dénouement. Car, outre cette confrontation entre les initiateurs du projet et le nouveau repreneur, les acquéreurs marocains (avec toujours des villas inachevées) qui n’ont toujours pas reçu leurs titres de propriété ainsi que les principaux créanciers marocains, ne vont pas tarder à se signaler.