Afrique, nid d’espions. Quelle évaluation du Renseignement continental dans la lutte contre l’ingérence extérieure ?
L’Afrique, cible attractive pour ses immenses richesses, considérée comme le réservoir mondial de matières premières énergétiques et minières, devient un champ de plus en plus convoité par les grandes puissances, grouillant d’agents secrets de tous bords et en rude concurrence.
A vrai dire, une guerre d’influence est installée dans ce continent à caractère très spécifique depuis même de nombreuses années, provoquant depuis 1952 à 2021, 154 coups d’Etat. En 2021, quatre coups d’Etat militaire ont été perpétrés en Afrique : Soudan, Tchad, Mali et Guinée et ce n’est point un pur hasard, car derrière, se cachent, principalement, d’importants intérêts stratégiques, à dominance économique, avec des pays qui :
– d’une part, disposent de nombreuses richesses minières à l’exemple de l’or, du fer, du cuivre, du nickel, du phosphate, du manganèse, de l’uranium, du lithium, du diamant, du calcaire et du sel ;
– d’autre part, qui ont fortement développé des relations avec des entreprises étrangères, notamment, chinoises, russes ou turques.
Rien de surprenant lorsque l’on sait et depuis l’aube des temps que l’argent est le nerf du renseignement, ce qui explique cette présence massive d’espions qui ne cherchent qu’à soutenir leurs pays pour disposer de la plus grosse part du gâteau africain ! Sauf que depuis l’avènement du Covid-19, de plus en plus d’Etats africains ne restent point en marge de cette situation déplaisante, démontrant, solennellement, que l’ère de la colonisation est révolue et que l’emprise qu’exerçaient les anciens pouvoirs colonisateurs n’est plus de mise. Et d’ailleurs, même certaines populations ne se privent plus d’aller contester, haut et fort, dans les rues, les ingérences étrangères, invitant les pays infiltrés dans leurs affaires intérieures à quitter, sans délai, leurs territoires.
Par ailleurs, même des présidents d’Etats africains collecteraient, directement, auprès de pays amis des renseignements qui leur serviraient pour prévenir toutes actions malveillantes pouvant porter atteinte à leur maintien au pouvoir.
Le Renseignement économique perce le champ africain
Si jadis les Etats se concentraient uniquement sur la collecte d’informations liées à la politique, à l’économie et aux affaires militaires, leur priorité devient, de nos jours, largement axée sur le volet économique, nerf moteur de tous les pays. Rien d’étonnant, si l’on se réfère aux propos du général français Daniel Schaeffer qui disait que « la Chine a toujours fait du Renseignement économique, déjà à l’époque maoïste, pour les besoins de l’économie planifiée ». Mais aujourd’hui, cela devient encore plus marquant, avec une Chine, qualifiée par de nombreux experts en géostratégie, comme étant la principale conquérante de l’Afrique, sous un faux visage d’investisseur alors qu’il s’agit d’un réel prédateur économique.
Ainsi, des investissements directs étrangers (IDE) chinois ne cessent de se diversifier sur le sol africain, notamment, plusieurs constructeurs proposant des réponses, alliant la réalisation d’infrastructures et leur financement, ainsi que de nombreuses filiales de multinationales, de cabinets de conseils en systèmes d’information s’échangent, en réseau, des renseignements économiques sans que les entreprises où les États africains concernés ne soient, nécessairement, tenus au courant.
A la veille de la pandémie de Covid-19, l’ex-puissance coloniale française, la Russie ou encore la Turquie restaient et demeurent, à date, des acteurs de premier plan en Afrique, mais tout de même moins actifs que Pékin, désormais dans l’import-export ou dans les IDE. Grande surprise : la Chine et les puissances précitées se retrouvent en rude concurrence face à l’apparition de nouveaux acteurs, fort influents, lesquels commencent à s’accaparer d’importantes parts du marché africain, avec un esprit de bonne foi (win-win), à l’exemple des Etats-Unis d’Amérique, d’Israël ou encore du Maroc. Dans une autre perspective, la Turquie et dans une moindre mesure, l’Egypte, ont tous deux focalisé leurs conquêtes en Afrique sur le lapsus doctrinal, tout en profitant du visage non humain du cultuel pour s’implanter économiquement.
Intelligence Sécuritaire au service d’une Souveraineté Africaine
Selon les termes de N. Politis, la souveraineté est « un écran qui dévoile, la réalité, il faut donc s’en débarrasser si l’on veut voir clairement ». L’on peut ainsi dire que dans le contexte actuel, la plupart des Etats africains se retrouvent victimes du développement d’une stratégie de recolonisation des occidentaux, en ayant accepté, en toute bonne foi, des aides étrangères ou encore, en étant pris sous l’émergence du Droit d’ingérence humanitaire, un principe immuable consacré dans la Charte de l’Union Africaine. Sauf que le Droit d’intervention humanitaire enfreint la souveraineté des Etats africains, sachant que ce dernier est souvent utilisé, de façon malveillante, par les Etats ou les ONG, pour s’immiscer dans leurs affaires internes, au détriment de leur propre volonté.
En vain, Il ne fait guère de doute que l’Afrique fait, plus que jamais, preuve d’innovation, mais le changement ne semble pas être évident, en l’absence d’une stratégie bien ficelée qui permettrait de préserver une véritable souveraineté africaine.
A ce titre, l’Intelligence Sécuritaire (IS) propose de nombreuses solutions, à savoir :
– la création d’une Agence Africaine de Renseignement, ayant pour principale mission de contrer l’espionnage économique étranger à l’encontre de l’Afrique, ainsi que toute ingérence étrangère et dont le siège pourrait être dans la zone Sud.
– l’intégration de l’IS, en tant que démarche incontournable, au niveau des services africains de sécurité et de défense.
– le recours au Droit international, à travers la mise en avant, notamment, de la Résolution 2625 (XXV) qui stipule « qu’aucun Etat ni groupe d’Etats n ’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre Etat … ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre Etat. »
– l’organisation d’un Colloque africain de sensibilisation, parrainé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu le protège et qui aurait pour thématique : « la préservation de la Souveraineté africaine par le biais de l’Intelligence Sécuritaire ».
– la création d’une « task force » continentale chargée de lutter contre les usages illicites de la cryptomonnaie en Afrique.
Par Mehdi Hijaouy