Alain Ebobissé, PDG d’Africa 50 : « Le Maroc est un bon exemple en matière de partenariat public-privé »
Le fonds d’investissement panafricain Africa 50, basé à Casablanca et mis en place pour contribuer au développement des infrastructures sur le continent, se mobilise. Plusieurs projets tant au Maroc que dans plusieurs autres pays africains sont dans le pipe. Alain Ebobissé, PDG d’Africa 50, nous livre ses priorités.
Challenge : Le fonds d’investissement Africa 50, dédié au développement des infrastructures en Afrique que vous dirigez, est sur tous les fronts, et ce dans plusieurs pays africains. Les besoins en infrastructures sur le continent sont immenses, et vous invitez le secteur privé aussi à prendre une part active dans cette nouvelle dynamique. Comment, à votre avis, peut-on inciter le privé ?
Alain Ebobissé : D’abord, il est important de souligner que les besoins en infrastructures sur le continent sont énormes. Nous avons aujourd’hui un gap d’investissement de plus de 100 milliards de dollars par an dans notre continent. Mais, je sais qu’il y a beaucoup d’acteurs du secteur privé qui sont prêts à investir dans des projets d’infrastructures, dès lors qu’ils sont bien structurés, c’est-à-dire lorsque les risques sont alloués aux bonnes parties capables de les gérer. Et aussi lorsque les rendements sont appropriés au regard des risques qui sont pris. Nous avons beaucoup d’exemple non seulement en Afrique, mais aussi dans les autres régions du monde, qui montrent que les projets d’infrastructures structurés en PPP (Partenariat Public-Privé) sont attractifs à la fois pour les Etats et également pour le secteur privé. Je suis entièrement convaincu qu’il y a un bon nombre d’investisseurs qui sont aujourd’hui prêts à investir dans ce genre de projets. Africa 50, qui est un fonds d’investissement créé par les Etats africains, est prêt à aider ces investisseurs privés, et co-investir avec eux dans ce type de projets.
Challenge: Pour le moment, sur le continent le privé traîne encore les pas et ce sont les Etats qui mobilisent les investissements nécessaires. Alors, comment faire pour changer ce paradigme en vue d’aller plus loin, et plus vite ?
Nous devons changer ce paradigme. Mais, il faut que les réglementations au niveau des pays soient favorables à l’investissement privé dans les projets d’infrastructures, et que les États montrent aussi une réelle volonté d’attirer les investissements privés en mettant en place des équipes capables de travailler avec ces investisseurs dans le but de structurer des projets, de manière équilibrée à la fois pour la partie gouvernementale et pour les entreprises privées. Je peux vous affirmer qu’aujourd’hui il y a tellement d’argent disponible pour financer les projets, mais le principal problème réside dans le fait qu’il n’y a pas suffisamment de projets bancables prêts à recevoir ce type d’investissements. Et, c’est dans ce sens que nous, en tant qu’Africa 50, avons un rôle important à jouer, notamment en partenariat avec d’autres afin d’essayer d’augmenter le volume de projets bancables pouvant recevoir les financements africains et aussi ceux de l’étranger. Notre continent regorge notamment de fonds de pension, de fonds souverains et bien d’autres investisseurs qui pourraient s’investir dans ce genre de projets lorsqu’ils sont bien structurés.
Challenge: Alors, comment justement régler ce problème de déficit de projets bancables ?
Je tiens d’abord à souligner qu’il y a, aujourd’hui, un certain nombre de projets qui ont été structurés et financés par le secteur privé en Afrique. Le Maroc, dans ce sens, est un bon exemple en matière de partenariat public/privé avec la centrale Noor. Il y a aussi plusieurs projets développés en PPP au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Afrique du sud, au Kenya, au Ghana, etc. Nous avons financé en Égypte, il y a quelque mois, un projet phare concernant une série de centrales solaires totalisant 400 MW. Cela montre bien que la formule est connue. Mais, il s’agit maintenant d’avoir le sens de l’urgence et d’accélérer la mise en œuvre, et aussi d’augmenter le volume. Et c’est dans ce sens que j’invite les gouvernements à prendre confiance et mettre en place une véritable stratégie pour attirer l’investissement, et également adapter le cadre réglementaire quand il le faut. Notre priorité à Africa 50 est de tout faire pour accélérer la mise en œuvre des projets que nous avons dans le pipe. Il y a vraiment urgence, parce que les besoins dont nous parlons sont cruciaux pour le développement du continent.