Amine Bouchentouf, directeur des investissements de Parador Capital au Maroc : L’expert en énergie qui veille sur les capitaux émiratis
Après un cursus classique dans la finance et une banque d’affaires à New-York, ce trentenaire a écrit deux best sellers en librairie qui l’ont propulsé comme conférencier à l’international. Depuis, il travaille dans le fonds d’investissement abu dhabien Parador, et a dirigé les investissements de la famille royale d’Abu Dhabi au Maroc. par Noreddine El Abbassi
On peut avancer, sans trop forcer le trait, que Amine Bouchentouf est de ceux à qui la vie a tout donné. Mais on peut aussi affirmer qu’ il est également de ceux qui n’ont jamais cessé d’apprendre et d’évoluer, comme s’ils se fixaient des objectifs, sans cesse renouvelés. S’il est né avec une cuillère d’argent dans la bouche, il n’a pas pour autant été absout d’efforts pour réussir. Dès la première rencontre, Amine Bouchentouf fait preuve d’une ponctualité appréciable doublée d’une disponibilité certaine, que confirmera la qualité de l’entretien. La silhouette massive de ce trentenaire n’indispose nullement et au contraire, met à l’aise l’interlocuteur.
Cinquième d’une fratrie des six enfants de feu Bouchentouf père, Amine est né en 1980. Les casablancais se rappellent encore de cette figure marquante du Maroc du Protectorat, qu ‘était le père de Amine et dont le nom reste attaché au mouvement de libération qui aboutira à l’indépendance du Maroc. L’ homme d’affaires était, entre autres le propriétaire du cinéma Kawakib, qui a servi de lieu de réunions secrètes entre feu Mohammed V et les leaders marocains de la résistance. D’ailleurs, le père d’Amine fera dès lors carrière dans la politique, et occupera tour à tour, des fonctions électives de Parlementaire, et de Maire de Casablanca. Il sera également associé à la mise en oeuvre de la logistique de la Marche Verte. La proximité du père défunt de Amine avec Feu Hassan II, dont il sera le conseiller, ne se démentira jamais et conduira même le frère ainé de Amine à épouser la princesse Lalla Asmaa.
Une mixité sociale dans l’éducation
Ce bref rappel historique nous fixe sur l’environnement dans lequel a évolué le jeune Amine. Un cadre incontestablement protégé, à l’abri de tous les aléas où il coule des jours heureux. Sa scolarité débute certes au Groupe Scolaire d’Anfa, mais ce ne sera pas pour longtemps. Dès ses sept années, Amine est inscrit à l’école Américaine. “ Il me semble qu’à cette époque, Casablanca était une ville très dynamique, très vivante. Mais c’était encore une ville à l’échelle humaine et avec une population homogène. L’exode rural n’avait pas encore connu le déferlement de populations environnantes, attirées par l’expansion économique de la métropole. Cela avait un charme particulier, qui hélas ne durera pas ”, se remémore-t-il, avec nostalgie. Pendant toute la discussion, Amine ne se départit jamais d’un calme olympien. Une certaine réserve que l’on rencontre chez ceux qui ont grandi à proximité du pouvoir, et pour qui la discrétion est une qualité cardinale. Pour qui s’attendrait à des indiscrétions croustillantes, le pari est perdu d’avance. D’ailleurs, la personnalité de l’interlocuteur est loin d’inciter à une quelconque familiarité, malvenue, du reste.
Amine et sa famille gardent leurs attaches avec leur environnement proche. Une autre façon de marquer sa solidarité avec les siens et avec ceux que l’on a partagé, le meilleur comme le pire. Le quartier porte le nom de la famille, et de fait impose des obligations. Le grand père d’Amine s’était installé à Casablanca, à la fin du XIXeme siècle, lorsque la ville n’était qu’à son éclosion. La Nouvelle Médina, qui concentrait la population marocaine ne comptait encore que deux quartiers: Derb Sultan et Derb Bouchentouf. “Nous sommes restés proches des gens, moralement et physiquement. Nous avions ouvert une Fondation dans le quartier pour assumer cette proximité. La Maison des Jeunes y attenante est venue apporter un plus. Bien sûr, nous avons grandi dans un environnement protégé. Cela n’a pas empêché la proximité et le vivre ensemble, dans l’harmonie et la solidarité,” poursuit-il, avec conviction et non sans souci de modestie. Les loisirs de Amine sont les mêmes que ceux de ses camarades de son âge et de son quartier. Ce seront donc principalement le football. Mais également le tennis et l’équitation, qu’il pratique au CAFC. Les sorties au cinéma étaient courantes, d’autant plus que le père était propriétaire du Lynx et du Rialto. Deux salles de cinéma très fréquentées et à la mode à l’époque.
Les études aux USA
Amine obtient son bac S en 1999, et s’envole pour les Etats-Unis. “L’Ecole Américaine avait assuré la transition entre les deux pays. D’ailleurs je voyageais beaucoup en famille, donc je connaissais les USA depuis mes sept ans. M’adapter n’a donc pas été très difficile. J’ai intégré le système américain sans problème”, explique-t-il, cette fois-ci, avec quelques grands gestes des mains. Il prépare un Bachelor à Middleberry, en Nouvelle Angleterre, dans le Nord Est des Etats-Unis. La compétition était certes rude, mais en jeune Marocain plein d’ambitions, il apprécie le jeu de la concurrence. Arrive 2001, et le 11 septembre viendra tout bouleverser: “j’étais dans la cafétéria de l’Université en train de prendre un jus d’orange, lorsqu’on apprit qu’il se passait quelque chose du côté de New-York. La nouvelle s’est confirmée rapidement. Dès lors, le rapport avec les Américains a changé. Des préjugés surgirent et même un certain racisme fit son apparition,” regrette-t-il. Tout à coup, il sort de sa réserve mesurée, cesse de murmurer et élève la voix. Mais envers et contre tout, Amine prend sur lui de rester aux States et d’achever les études pour lesquelles il était venu dans ce pays. Il obtient son Bachelor en finances en 2003, il enchaîne tout de suite pour un grade plus avancé en finances. Ce sera à la prestigieuse Université de Yale. La même année, il entre dans la vie active à New-York où il fera ses premières armes.
Conférencier, expert en énergies
Nous sommes en 2003, et Amine fraîchement diplômé, intègre la banque d’affaires Everest. Dans le même mouvement, il rejoint l’Association américaine des banquiers arabes et s’investit dans l’associatif. Pendant son temps libre, il s’attèle à un premier ouvrage: “L’arabe pour les nuls”, afin d’apporter sa pierre à l’entente entre le Monde Arabe et l’Occident et expliquer les différences culturelles aux étasuniens. Ce premier ouvrage est un succès en librairie, et son éditeur lui en commande un deuxième, cette fois en finances. Il quitte alors son emploi en 2005 pour écrire cet ouvrage: “Les matières premières pour les nuls”, qui cadre avec les préoccupations énergétiques de l’époque. “C’était un travail intensif. Je me mettais à l’écriture dès 6h du matin pour n’arrêter qu’ à minuit”, explique-t-il, soudain animé dans son récit. Il termine l’ouvrage au bout de quelques mois et reprend un emploi dans la foulée. Ce sera dans l’industrie, pour le pionnier des ampoules à filins, Corning. Deuxième succès en librairie: l’ouvrage positionne Amine comme expert dans le domaine. A partir de là, il multiplie les interventions sur son sujet dans des conférences qui lui font découvrir le monde, depuis les Emirats Arabes Unis, à la Grande Bretagne en passant par le Brésil. Au détour d’une conférence, il fait la rencontre de Cheikh Rachid, ancien Ministre au pétrole d’Abu Dhabi. Cet échange professionnel débouche sur un emploi pour Amine qui décolle pour les Emirats. Dès lors, il travaille pour un fonds d’investissement de la Famille Royale d’Abu Dhabi, Parador Capital. Lorsque le fonds décide de se développer en immobilier et en industrie au Maroc, c’est tout naturellement que Amine reprend le chemin du pays. “Je n’ai jamais réellement quitté le Maroc puisque j’y étais souvent. Mais je me suis installé dans le pays de manière permanente que depuis 2014”, lance-t-il dans un rire. Pour ce qui est de Amine Bouchentouf, il supervise ces investissements dans le Royaume, et espérons-le, pour longtemps.