Andalussyat 2012: La musique andalouse sort des sentiers battus
Pour cette 8ème édition des Andalussyat, la musique andalouse s’exporte et séduit un public différent, plus jeune et moins élitiste. Ses promoteurs comptent l’imposer comme un repère identitaire maghrébin.
Pour cette soirée musicale au Mégarama, on a mis “les petits plats dans les grands”. Dès l’entrée, le ton est donné et on se croirait à une soirée à l’Opéra. Jeunes et moins jeunes sont habillés pour l’occasion. Si la djellaba et le tarbouche ne sont pas la règle, même en jean, les spectateurs ont une touche de distinction. Ce n’est certes pas le premier concert de musique andalouse pour ce festival, mais certainement l’un des moments forts. C’est mercredi dernier que le coup d’envoi de la 8e édition Festival de la Musique Andalouse a été donné. Cette nouvelle édition sera l’occasion de célébrer la musique sous toutes ses formes. Ainsi, pas moins de 130 concerts sont programmés, mobilisant 114 orchestres variés. Les différents concerts passeront en revue les différentes particularités de la musique andalouse, depuis sa cousine algérienne le gharnati, au melhoune si particulier, et sans hésiter d’intégrer le flamenco. Mais ce sera également une opération de charme pour populariser la musique andalouse, encore confinée dans les grandes cités du royaume et autres villes impériales. L’objectif des promoteurs est d’en élargir le public aux non amateurs. Entre autres, nombreux sont portés sur une musique plus traditionnelle du Maroc, représentée par les chikhates : “la musique andalouse a longtemps été réservée à une élite. Notre objectif, pour ce festival, est de la populariser et, pourquoi pas, lui conférer un rayonnement international,” explique Hamid Raji, président du Festival. Il faut dire que l’association a mis les grands moyens, et diversifie son offre. 1500 artistes seront réunis, autour de trois conférences et de quatre expositions. Ces mêmes artistes ont rendu hommage à douze personnages exceptionnels de la scène artistique. Ce qui donnera naissance à pas moins de 140 heures d’enregistrement. Un tour de force en soi.
Une musique de l’élite
Pour ce qui est des festivaliers, il faut oublier l’image, que certains en gardent, d’un public de bourgeois sexagénaires et dont les goûts seraient bien loin d’être partagés par la masse. Ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui, et parmi les amateurs, on croise aussi des quarantenaires en complet et des trentenaires en jeans. “Certes, la passion de la musique andalouse m’a été inculquée par mes parents et mes grands parents. Mais j’ai appris à apprécier cette musique pour elle-même, et je l’écoute pour mon propre plaisir”, explique Soumaya, la vingtaine. Pour les autres, un micro-trottoir permet de se rendre compte de l’engouement de certains, pour cette musique. Elle reste synonyme de fête, et les chaînes publiques la diffusent régulièrement, lors des fêtes nationales et autres occasions religieuses. Pour les jeunes, c’est une manière de se rapprocher des traditions, pour d’autres, de se replonger dans les péripéties de l’histoire d’une culture ancestrale. Avec le Festival Andalussyat, la musique andalouse commémore une culture millénaire, et par là même, rappelle sont itinéraire et son rayonnement au delà de son hinterland, qui pour le moins inclurait le pourtour méditerranéen.
Trois questions à Hamid Raji, président du Festival Andalussyat
Challenge. Vous êtes président du Festival Andalussyat, mais également directeur général des thés Sultan? Pourquoi adosser votre marque à cet évènement?
Hamid Raji. Le thé, comme la musique andalouse, sont des vecteurs de notre identité. Ce sont des valeurs de savoir-vivre et de plaisir de notre marocanité. Les deux concepts se complètent, et il était donc naturel de renforcer l’un par l’autre et réciproquement.
C. La musique andalouse va dans la rue, alors qu’elle était limitée aux salons feutrés. Comment expliquez-vous ce virage?
H.R. Notre rôle est de faire rayonner la musique andalouse dans le pays et à l’international. Nous avons avant tout cherché à la démocratiser, et d’attirer un public qui n’y est pas forcément sensible.
C. La musique andalouse est avant tout une musique identitaire. Comment comptez-vous l’exporter?
H.R. L’objectif est d’exporter cette musique en même temps que l’on exporte la culture marocaine du thé. Mais elle n’est pas uniquement marocaine. Dans ce festival, on a proposé, également, la musique andalouse venue d’Algérie, avec le Gharnati, le Maalouf tunisien de la même inspiration. De même que l’on a adjoint, d’autres musiques du même terreau culturel, comme le Fado portugais ou encore le flamenco espagnol.