Arabisation : histoire d’un ratage
Au-delà des préjugés idéologiques, l’arabisation mal préparée a été pour beaucoup dans le délitement de l’éducation nationale.
Jusqu’au début des années 70, au secondaire, les matières scientifiques et histoire géo étaient enseignées en Français. Le Maroc avait des accords de coopération avec les pays francophones qui nous fournissaient des enseignants. L’arabisation a commencé par l’histoire géo. Le Maroc a importé des Syriens et des Egyptiens souvent en froid avec les régimes de l’époque, parce que d’obédience islamiste. C’est l’Istiqlalien Azzedine Laraki (photo), ministre de l’Enseignement qui, avec l’appui de Hassan II va déclencher l’arabisation des matières scientifiques, l’arrêt de la sociologie et le remplacement de la philosophie par la pensée islamique.
« La francisation des matières scientifiques vise à mettre fin à la gabegie »
Le gouvernement n’a rien préparé. Pour former les professeurs, il a créé les centres pédagogiques régionaux qui exigeaient le niveau du baccalauréat et assuraient une formation d’un an. Les bacheliers qui se prédestinaient à l’enseignement, préféraient l’Ecole normale supérieure. Tout a été fait à la hâte, y compris l’impression des livres scolaires. L’augmentation du nombre d’élèves, la généralisation de l’enseignement exigeant plus d’enseignants, c’est la sélection et la formation de ceux-ci qui en ont pâti et, au final, c’est la baisse tendancielle du niveau général qui s’est imposée de manière irrévocable.
Le choix de l’arabisation était politique, mais au-delà du débat sur l’identité et l’ouverture, c’est l’impréparation du processus qui choque. Beaucoup de professeurs apprenaient la traduction du cours en même temps que leurs élèves, parce que formés en français
A l’université, un cours de traduction avait été installé mais vite abandonné pour des raisons inconnues. Ce ratage a eu pour conséquence le renforcement de l’enseignement privé au détriment de l’école publique, délaissée par les classes moyennes au point de ne plus assurer aucun brassage social. C’est cette descente aux enfers que le conseil de l’enseignement tente d’enrayer. La francisation des matières scientifiques vise à mettre fin à la gabegie. Former un bachelier scientifique coûte plus cher que de former un littéraire, car le tiers d’entre eux changent d’orientation au supérieur à cause de la langue.
L’enseignement des langues étrangères doit être renforcé. Qui n’est que bilingue sera quasiment analphabète dans le monde qui se prépare. Les tenants du conservatisme assurent à leurs enfants une formation polyglotte. C’est un mépris de classe que de vouloir pour les fils du peuple une formation monolingue et c’est une hérésie économique dans un pays qui connait un chômage structurel avoisinant les 10%.
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