ASF 2017 : vers une mutualisation de la coopération inter-africaine
Le think tank Atlantis récidive. Après une première édition organisée en 2015, l’Africa Security Forum (ASF), son activité ouverte, a eu lieu du 08 au 10 octobre 2017.
Mettant en permanence l’actualité au cœur de ses préoccupations, Atlantis a identifié trois thèmes pour la deuxième édition de l’Africa Security Forum (ASF), en partenariat avec le Forum International des Technologies de la Sécurité, qui s’est tenu sous le thème « La Coopération Interafricaine face au Terrorisme, aux Radicalisations et à la Criminalité Transnationale ». Il s’agit du « Terrorisme et Cyberespace : nouveau théâtre des radicalisations» ; «Les nouveaux défis posés par les flux migratoires et la criminalité transnationale » et « La coopération interafricaine face à ces préoccupations ». Pour en débattre, le think tank a invité une pléiade d’experts américains, européens et africains, à l’instar de l’éthiopienne Hirut Abhra, Deputy Representative de Interpol à l’Union africaine, le colonel français Peer de Jong, vice-président de l’Institut de Management pour la Sécurité Internationale (Themiis) et le Dr américain Steve Fleischmann, spécialiste des questions de sécurité internationale. Au total, plus de 350 experts ont répondu présent encore une fois à l’appel de l’Africa Security Forum et de l’Afrique, à l’occasion de ce rendez-vous devenu désormais incontournable sur l’échiquier continental.
Ainsi, lors de la première table ronde, les experts ont convenu que le Cyberespace est devenu le terrain de jeu des organisations terroristes. Ils ont noté que même si dans quelques pays l’absence de structures empêche le développement du Cyberespace, dans la plupart il devient un élément essentiel de la vie en remplaçant l’argent, en permettant les liaisons, en donnant accès à la connaissance, mais aussi en permettant des achats variés et non sécurisés. Beaucoup reste à faire pour harmoniser cette croissance rapide qui atteint des niveaux très différents selon les pays. L’exigence de contrôle implique la mutualisation des efforts au niveau régional tout en restant pragmatique, sachant que la radicalisation passe aussi par d’autres circuits qu’Internet, en commençant par les mosquées, les écoles et certaines publications, ont-ils souligné. Ils préconisent dans ce sens, une surveillance permanente d’Internet pour y détecter les actions de propagande, d’influence ou de manipulation. La réponse passe par un décloisonnement entre tous les acteurs pour faciliter les échanges devenus indispensables. Elle implique pour y faire face, une coopération public-privé et privé-privé mais aussi de mener un combat interservices, interministériels et international.
Pour sa part, la deuxième table ronde a traité du problème des flux migratoires et de la criminalité transnationale. Les experts ont rappelé que l’acte d’émigrer est un phénomène normal dans toutes les sociétés humaines depuis le début de l’humanité. Il est le fruit d’une espérance de vie meilleure confrontée à la dureté de la vie réelle. Selon eux, il faut donc bien comprendre la réalité de ce qui se passe pour trouver des réponses efficaces en rejetant les interprétations idéologiques ou démagogiques. Le problème aujourd’hui, s’accompagne de celui du développement parallèle des trafics illicites qui utilisent les mêmes routes et parfois les migrants eux-mêmes pour développer leurs activités. Au niveau mondial, ces trafics illicites représentent plus de 650 milliards de dollars, ce qui représente un énorme manque à gagner pour les États et une récupération de moyens colossaux par les organisations criminelles, ont rappelé les intervenants qui notent qu’il n’est pas étonnant que la quasi-totalité des actions terroristes des 10 dernières années ont bénéficié de financement partiellement acquis grâce aux trafics illicites. Ainsi, l’Afrique n’échappe pas à cette plaie du monde moderne qui se nourrit de la faiblesse des organisations étatiques, de la corruption et de l’exploitation des faiblesses humaines. Pour y remédier, au vu du volume des migrations interafricaines, il faudrait réfléchir et se coordonner pour apporter une réponse qui, au départ, ne peut être que continentale et pourrait se décliner au niveau des régions puis des sous-régions, préconisent les experts.
La troisième et dernière table ronde a traité de la coopération interafricaine face à ces préoccupations. L’ONU a édicté une règle de base : il n’y a pas de développement sans sécurité et réciproquement. Cela explique les efforts réalisés dans de nombreux pays dans le cadre des RSS permettant la reconversion des forces de sécurité, la reconstruction de l’armée et le soutien pour l’appropriation. Mais cela n’est possible que dans le cadre d’une coopération entre les pays et entre les armées, ont estimé les panelistes. La coopération interafricaine est nécessaire, mais ne fonctionne pas très bien. L’absence de liens structurés entre régional, national et continental s’ajoute aux conflits d’intérêts qui existent et existeront et aux différences entre les pays qui peuvent amener des oppositions irrévocables. Comment la renforcer? Faut-il le faire au niveau des structures régionales ? Faut-il les repenser et les adapter aux réalités d’aujourd’hui ? Comment structurer les coopérations africaines à tous les niveaux ? La réponse n’est pas évidente, car il ne faut pas fragiliser l’existant qui marche à peu près. Pour y arriver, il semble qu’il faille repenser la coopération pour faire face aux nouveaux défis en mettant en place et en intégrant de bons outils de coopération ayant fait leurs preuves, souhaitent les panélistes.
Pour rappel, l’Africa Security Forum est l’activité ouverte du think tank Atlantis. Créé et présidé par Driss Benomar, Atlantis s’assigne comme mission de proposer aux décideurs des réponses face aux nouvelles problématiques sécuritaires qui parcourent le continent noir. Cela passe par le forum organisé en partenariat avec le Forum International des Technologies de la Sécurité (FITS) basé à Paris. La troisième édition de l’AFS est prévue pour octobre 2018 à Casablanca.