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BTP : le nouveau contrat-programme n’a pas encore réussi à relancer le secteur

Très attendu par les professionnels, le nouveau contrat-programme, conclu en janvier dernier, devrait porter la valeur ajoutée du secteur du BTP de 55 milliards de DH à près de 93 milliards de DH d’ici 2020, soit une progression de 69%. En outre, le chiffre d’affaires à l’export du secteur devrait atteindre 2,5 milliards de DH, au lieu de 1,5 milliard aujourd’hui. Quant au  nombre d’emplois générés par le secteur, il devrait aussi connaitre une augmentation substantielle passant de 1.075.000 à 1.235.000. Mais cinq mois sont déjà passés et le secteur n’est toujours pas sorti de sa morosité. Face à la saturation du marché intérieur, le BTP doit se redéployer en Afrique de l’Ouest pour bénéficier du nouveau contexte favorable créé par les  visites Royales. par Salim Alattar

Annoncé depuis plus de six ans, le contrat-programme entre les professionnels du BPT et le gouvernement a été finalement signé en Janvier 2015. C’est dire que les professionnels du secteur ont entamé l’année avec beaucoup d’optimisme et d’espérance. Ils comptent sur ce levier pour produire un choc psychologique pour relancer la dynamique dans un secteur malmené par la concurrence internationale et par la crise de l’immobilier.

Des objectifs très ambitieux

Ce contrat-programme est le résultat d’un long processus de préparation-négociation entre les différents ministères concernés et les deux Fédérations : la Fédération nationale du bâtiment et travaux publics (FNBTP) et la Fédération marocaine du conseil et de l’ingénierie (FMCI).
Durant les phases préparatoires, les deux Fédérations ont exposé leurs revendications pour certaines réformes du cadre légal et  modifié de nombreux points dans la réglementation qui sont jugés inadaptés au développement du secteur. Cela comprend en premier lieu, la révision du système de qualification et de classification des entreprises qui sont référenciées par l’administration et qui détermine leur éligibilité à soumissionner aux marchés publics. Une deuxième réforme revendiquée par les professionnels porte sur la réforme du cahier des clauses administratives générales de travaux (CCAGT) pour améliorer la relation entre les entreprises et l’Etat, durant les phases d’exécution des marchés en introduisant des mécanismes plus souples de résolutions de conflits, tels que la médiation et l’arbitrage. Les professionnels souhaitent également le versement d’avances dans le cadre des marchés publics. Enfin et surtout, les entreprises du BPT souhaitent le rétablissement de la préférence nationale pour faire face à la concurrence étrangère et surtout chinoise accusée, selon elles,  de casser les prix. En effet, l’entreprise BTP marocaine souffre de la concurrence étrangère, notamment turque et chinoise, et ce, non seulement sur le marché local, mais aussi sur le marché africain qui offre des opportunités en or pour les professionnels du secteur.
Le nouveau cadre contractuel s’est fait l’écho de ces préoccupations et vise ouvertement à soutenir le développement de l’entreprise du BTP et de l’ingénierie. L’objectif étant de permettre aux professionnels marocains du secteur d’être compétitifs pour gagner des parts de marché face à la concurrence étrangère. L’objectif stratégique recherché à travers le Contrat-programme, est d’encourager l’émergence de champions nationaux. Plus concrètement, le Contrat-programme veut développer  le principe du partenariat public-privé dans le secteur. A cet effet le ministère de l’Equipement, des transports et de la Logistique et les professionnels, s’engagent  à créer des Entreprises communes dotées d’importants  moyens financiers, humains et techniques pour leur permettre de répondre à des appels d’offres relatifs à de gros marchés, aussi bien au Maroc qu’en Afrique. Les pays concernés se trouvent évidemment dans le cercle de l’Afrique de l’Ouest, là où le Maroc a investi politiquement et économiquement. Il s’agit de la Mauritanie, du Sénégal, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire et du Gabon.
Pour améliorer la performance du secteur et la diversification des activités des professionnels, le contrat programme encourage les opérateurs du secteur à intégrer de nouveaux métiers dans leur nomenclature, comme la gestion déléguée des services publics, les métiers de l’environnement et les énergies renouvelables. Il s’agit, ainsi, de renforcer leur savoir-faire et affiner leur expertise pour mieux les préparer à décrocher des marchés à l’international. D’autres mesures d’appuis sont prévues, pour améliorer l’environnement de l’entreprise BTP avec, notamment  la mise en place d’un instrument d’appui technique aux PME nationales.

Contrat-programme : pas d’effets encore sur le secteur

Rappelons que le Contrat programme du BTP a été élaboré sur la base d’une étude approfondie réalisée par le cabinet d’étude Valyans, qui a, pour réformer le secteur, dégagé deux orientations majeures et 13 mesures stratégiques. La première orientation majeure concerne la mise à niveau du secteur avec 8 mesures stratégiques. Il s’agit entre autre, d’améliorer la compétitivité de l’entreprise, de faire émerger une entreprise citoyenne, assurer une visibilité de la demande, améliorer le cadre réglementaire, de renforcer les compétences et la maîtrise des métiers. La seconde orientation majeure porte sur l’encouragement à l’excellence et au rayonnement à l’international et comprend 5 recommandations  stratégiques, à savoir : valoriser l’excellence et l’innovation, favoriser l’émergence de champions nationaux, développer le partenariat public privé, accompagner l’internationalisation des entreprises, promouvoir le respect de l’environnement.
L’objectif majeur du contrat-programme est de porter la valeur ajoutée du secteur du BTP de 55 milliards de DH, à près de 93 milliards de DH d’ici 2020, soit une progression de 69%. La productivité devrait elle aussi progresser de 47% pour passer de 51.150 DH /an à 75.200 DH. Le nombre d’emplois généré par le secteur devrait aussi connaitre une augmentation substantielle, passant de 1.075.000 à 1.235.000. Si les mesures institutionnelles sont appliquées, le nombre d’entreprises informelles devrait diminuer de 24.000 unités pour être ramené à 65.000 unités. Par ailleurs, le chiffre d’affaires à l’export du secteur devrait atteindre 2,5 milliards de DH.
Toutefois, cinq mois après la conclusion du contrat programme, les professionnels du secteur commencent à afficher leur impatience et certains même leur pessimisme. La consommation de ciment n’en finit pas de chuter au Maroc. L’année 2014 s’est soldée par une nouvelle baisse. Dans un contexte incertain pour le BTP, la profession prévoit au mieux une stabilisation en 2015. L’activité de la construction au Maroc a continué sa tendance à la baisse. Et celle du ciment aussi. La chute de la consommation de ciment dans le Royaume a été de 5,41% en 2014, selon l’Association professionnelle des cimentiers du Maroc. A 14,1 millions de tonnes, l’APC estime que le «niveau de consommation du ciment en 2014 est retourné à son niveau de 2008», soit un  recul de 6 ans.
C’est que le secteur du BTP connait une faiblesse d’activité persistante au Maroc. A la crise de l’immobilier, s’ajoute la saturation des marchés des travaux publics, du fait du ralentissement de la commande publique et de la concurrence des entreprises étrangères chinoise et turque. D’où la nécessité pour les entreprises marocaines de se mettre à niveau afin de préserver les acquis nationaux et chercher des marchés à l’international notamment, en Afrique de l’Ouest où le Maroc bénéficie d’un avantage concurrentiel créé par les effets positifs des visites Royales. Par ces Initiatives diplomatiques, le Souverain crée pour l’Entreprise nationale  un contexte favorable pour se redéployer. Aux professionnels du secteur de se mettre à niveau pour développer leurs performances et livrer des prestations de qualité pour préserver le label «Made in Morocco».
Compte tenu de l’importance économique du BTP et de son incidence sur les autres secteurs, le ministère de l’Équipement, en partenariat avec la FNBTP et la FMCI, avait lancé en avril dernier une étude pour la mise en place d’un Observatoire de BTP. Il s’agit d’un outil d’information permanent pour collecter et traiter l’ensemble des informations économiques et sociales du secteur. L’Observatoire devrait permettre de suivre en permanence les performances de l’activité à travers des indicateurs fiables et exploitables. Il servira également d’outil d’aide à la décision, d’anticipation, de veille et d’évaluation des actions de politique économique par rapport aux changements survenus dans l’environnement du BTP. Une fois opérationnel, le nouveau dispositif développerait une sorte d’intelligence économique sectorielle relative au BTP et accroîtrait les capacités concurrentielle et décisionnelle du secteur. Il devrait faciliter enfin, la planification stratégique.

 
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