Dossier

Comment réussir sur les marchés africains

De grands groupes marocains ont mis le cap sur le continent au cours de ces dix dernières années, ouvrant la voie aux PME. Résultat : l’export en direction de l’Afrique a doublé en cinq ans pendant que près des deux tiers des investissements extérieurs privés du Maroc à l’étranger sont réalisés dans le continent. Mais le business sur le continent n’en finit pas de révéler ses secrets. Comment se retrouver dans ce nouvel environnement ?


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« Future frontière ». Voilà, comment est surnommé désormais le continent africain. Jamais l’Afrique n’a retenu autant d’attention des businessmen, organismes internationaux et des cabinets d’intelligence économique. La raison principale derrière ce regain d’intérêt est la croissance économique durant la dernière décennie. L’explosion de la population urbaine combinée à cette croissance économique remarquable et à un environnement des affaires favorables, seraient à l’origine de ce nouveau phénomène en Afrique. Ainsi, on a vu apparaître sur le continent qui a retrouvé après deux années de crise (en 2008 et 2009), le rythme de croissance de 5 % du PIB par an en moyenne qu’elle a connu depuis 2000 (une croissance deux fois supérieure à celle des années 80), une catégorie de personnes, notamment des jeunes, qui a de plus en plus accès aux réalités du monde capitaliste, en particulier dans les villes. Une nouvelle génération d’Africains qui consomme à l’occidentale et qui a très vite éveillé l’intérêt de nombreux investisseurs étrangers qui ne s’intéressent plus au continent seulement pour ses matières premières. Ces consommateurs, toujours plus nombreux, dépensent des centaines de milliards de dollars par an et attirent donc les multinationales européennes ou américaines des télécommunications, de la banque, de la distribution, de l’alimentaire, de l’électroménager, etc. qui s’implantent peu à peu sur le continent ou qui y exportent leurs produits.

Des opportunités substantielles
L’Afrique offre donc des opportunités substantielles. Parmi les secteurs à très forte demande, on peut citer les biens de consommations, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les services financiers, l’agriculture et le BTP.
Pour les biens de grande consommation, la croissance est deux à trois fois plus rapide que les pays de l’OCDE, et ceci concerne plus particulièrement les produits alimentaires. L’urbanisation croissante et l’émergence d’une classe moyenne augmenteront de manière significative la demande sur l’immobilier, les télécoms et les services bancaires.
Le secteur agricole recèle un énorme potentiel pour les entreprises qui opèrent en amont et en aval. Avec seulement 40% des terres arables cultivées et de faibles rendements, l’agriculture en Afrique est prête pour une «révolution verte». Parmi les obstacles à ce développement, on recense le manque d’intrants et d’assistance dans l’ingénierie technique et financière.
Le bâtiment et les travaux publics mobilisent plus de 70 milliards de Dollars d’investissements par an. Les besoins sont encore très loin d’être couverts, notamment en termes d’électrification, d’approvisionnement en eau potable et en infrastructures de transport.

Des atouts pour le Maroc
Dans ce qui semble être un éventail d’opportunités, quelle est alors la position du Maroc ? Il faut dire que le Royaume jouit d’une position privilégiée et dispose donc d’une opportunité de partenariat mutuellement profitable  avec ses voisins du Sud. Les raisons sont multiples.
Tout d’abord, le Royaume est un pays africain et qui de surcroît, est une porte entre l’Europe et l’Afrique. Sa position géographique est un atout de taille. Il a su tisser avec la plupart des pays africains une affinité politique et culturelle très solide, renforcée par la vision du partenariat Sud-Sud insufflée par le souverain Mohammed VI. Le pays figure parmi les trois pays modèles du continent (Egypte, Afrique du Sud) qui ont réussi leur émergence industrielle, la phase de réformes économiques et qui possèdent une industrie manufacturière. Ceci confère ainsi un véritable gage de crédibilité aux entreprises exportatrices marocaines. Il a engagé également, depuis plusieurs années, de grands chantiers structurants visant à développer son tissu économique et à l’insérer dans la mondialisation. Des stratégies sectorielles ciblées et volontaristes (Pacte National, pour l’émergence industrielle, Plan Maroc Vert, Plan Halieutis,…) qui ont concerné des secteurs clefs de l’activité économique. L’expertise acquise dans ce sens peut ainsi être mise au service des partenaires africains du Royaume. Son tissu économique constitué de 95 % de PME peut-il s’inscrire dans cette logique et saisir d’une manière générale des opportunités d’affaires sur le continent ? « Le Maroc est dans son continent dont le tissu économique est formé de 80 % de PME. Nous avons des synergies et partenariats à créer ensemble avec les pays africains frères. Aujourd’hui, nos PME sont actives en Afrique subsaharienne dans des secteurs comme l’électrification rurale, la modernisation de l’administration, le BTP, la pharmacie, l’agroalimentaire, la finance…», souligne Saâd Benabdallah, directeur général de Maroc Export.

Dans les secrets de l’Afrique
Pourtant, exporter en Afrique n’est pas facile pour deux raisons fondamentales. La première, c’est que s’il existe une méthode de vente en Afrique qui marche rien que pour le continent elle ne peut qu’être apparente et elle n’est pas durable ; la deuxième raison c’est que la mondialisation fait que les comportements des consommateurs commencent à s’égaler. C’est dire que ceux qui veulent exporter en Afrique doivent tropicaliser leur démarche.
On ne communique pas en Afrique de la même manière qu’on le fait en Europe ou en Amérique du Nord. Sur le continent, le côté émotionnel prend plus de temps ; les préliminaires durent 40% du temps d’échanges. Plus qu’ailleurs, l’acheteur africain veut qu’on le laisse se présenter, présenter ses besoins ; il attend qu’on se concentre sur ses particularités. C’est pourquoi dans ce dossier, nous avons tenté de mettre le doigt sur tout cela.

 

DES SOUTIENS AUX EXPORTATIONS ET À L’INVESTISSEMENT VERS L’AFRIQUE

Le gouvernement est décidé à encourager les exportations et les investissements vers l’Afrique à travers un certain nombre de mesures. Actuellement, le ministère des Finances et celui du Commerce et de l’industrie sont en train de finaliser une mesure qui viserait à soutenir à hauteur de 10 % les opérateurs marocains dans leurs opérations d’exportations sur le continent. Reste à savoir, s’il s’agit d’une aide directe ou indirecte ?
En attendant, d’autres mesures sont déjà mises en branle. Il s’agit notamment, selon Jaouad Hamri, directeur général de l’Office des changes, de la possibilité pour un exportateur de mettre dans son compte en devises 70% de  son chiffre d’affaires à l’exportation. «Ce qui lui permet de gérer le risque de change et de faire un certain nombre d’arbitrage pour pouvoir améliorer la rentabilité de son entreprise », ajoute-t-il.
Autre signal fort pour encourager les opérateurs marocains à exporter davantage en Afrique, l’augmentation du montant pouvant être investi en Afrique, sans passer par l’Office des changes, mais simplement par la banque de 30 millions de DH à 100 millions de DH. Pendant ce temps, le montant d’investissement autorisé dans le reste du monde étant de 50 millions de DH  seulement. A cette mesure, s’ajoute la mise en place, l’année dernière, d’un fonds de 200 millions de DH pour promouvoir le commerce et l’investissement entre le Maroc et ses partenaires africains.

Les exportations du Maroc en direction de l’Afrique a doublé en cinq ans, la part de l’Afrique dans les échanges extérieurs sont de l’ordre de 7%. Le taux de couverture est passé ainsi de 38% en 2007 à 60% en 2011. Par ailleurs, près des 2 tiers des investissements extérieurs privés du Maroc à l’étranger sont réalisés dans le continent africain, soit 380 millions de dollars américains.

TEMOIGNAGE

Mounir Oudghiri, Dg de la Banque de détail à l’international : « Nous rapprochons les hommes d’affaires »

«Notre proposition de valeur est de simplifier les choses à nos clients. L’opérateur marocain, avant de se rapprocher de notre filiale en Afrique doit se rapprocher de nous d’abord à Casablanca. L’avantage est qu’en procédant ainsi, c’est comme s’il était à Dakar, Bamako, Abidjan, Libreville, Douala…etc. Au niveau de Casablanca, nous avons des collaborateurs qui connaissent bien l’Afrique en termes de réalité économique, cadre juridique et réglementaire qui peuvent l’aider dans cette première phase. Nous passons ensuite avec lui à la deuxième étape en le mettant en relation avec notre filiale qui se trouve dans le pays qui l’intéresse. Une fois sur place, cette dernière lui fait rencontrer nos clients fidèles potentiels que nous connaissons très bien. Lors de cette troisième étape, il reviendra alors à l’exportateur d’essayer de saisir les opportunités. Dans une quatrième étape, on intervient s’il ont besoin de sécuriser leur transaction. Mieux encore, il arrive qu’on soit amené à une cinquième étape où nous sommes sollicités par les deux parties dans le cadre d’un financement. C’est qu’avec notre réseau bancaire sur le continent, l’opérateur marocain, qu’il soit au Sénégal, au Cameroun, au Mali, en Côte d’Ivoire… etc, est comme chez lui au Maroc».

 
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