Caïd Sebsi : Un témoin de l’histoire
Le président tunisien est mort à l’âge de 92 ans. Ce n’était pas un dictateur africain genre Mugabé ; il n’était là que depuis 2014, à l’issue d’une élection présidentielle démocratique, et son mandat se terminait en septembre. La question qui se pose est pourquoi une révolution menée par la jeunesse qui a fait chuter un dictateur, finit par élire un homme de 87 ans, c’est l’âge qu’il avait ?
Cela s’explique par le parcours de l’homme et la situation politique du pays. L’homme a été ministre, aux postes régaliens de la défense, de l’intérieur, et des affaires étrangères. Il s’est retiré 3 ans après le putsh de Ben Ali. Les Tunisiens en ont gardé l’image du grand commis de l’Etat qui n’est pas impliqué dans la rapine.
La situation politique après la chute de Ben Ali était confuse. Il y avait deux forces réellement organisées. Ennahda, le parti islamiste et le syndicat de l’UGTT, qui n’a pas vocation à gouverner. Mais la société est très divisée parce que le courant laïc à une grande défiance vis-à-vis des Islamistes.
« Caïd Essebsi, malgré son âge, avait réussi à maintenir l’espoir d’une construction démocratique »
C’est le syndicat qui réussit à éviter l’affrontement. Contrairement à ce qui s’est passé en Egypte, les Islamistes tunisiens ont accepté de se mettre en retrait. C’est à ce moment que ressurgit Caïd Essebsi qui a créé « Nidaâ Tunis » un vrai rassemblement de la société civile et d’anciens cadres de l’ère Ben Ali, non impliqués dans les dérapages.
Les élections de 2014 le place en tête, mais Ennahda reste très puissant. Les Islamistes tunisiens sont une exception : ils ont laissé passer une loi sur l’égalité devant l’héritage sans la moindre controverse pour normaliser leurs rapports avec les élites tunisiennes.
Lors des municipales, ils ont présenté une femme dévoilée à la mairie de la capitale. Cela a eu pour effet de fissurer le front laïc qui n’était soudé que par la crainte de l’intégrisme.
« Nidaâ Tunis » a déjà connu deux scissions, les présidentielles anticipées seront problématiques, les législatives aussi. La Tunisie peut basculer chez Ennahda démocratiquement. Caïd Essebsi, malgré son âge, avait réussi à maintenir l’espoir d’une construction démocratique. Les successeurs sauveront-ils l’héritage ?
J. B.