Capital immatériel: 35% du PIB investis, sans croissance évidente
Compte rendu. La conférence organisée par Attijariwafa Bank a réuni des experts nationaux et internationaux pour débattre du capital immatériel. Le Maroc a été l’un des pionniers sur ce dossier sans que son investissement ne se traduise par de la croissance visible. par Noréddine El Abbassi
«Le Maroc devrait moins se préoccuper de pousser les différents secteurs de l’économie, ce qui est du ressort du privé, mais plus mettre à disposition les moyens nécessaires pour stimuler l’entreprise”, c’est ainsi que l’on pourrait résumer l’appréciation de Jean-Claude Dupuis, enseignant de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris (IAE Paris) sur la problématique du capital immatériel au Maroc abordée lors de la Conférence Débat d’Attijariwafa bank le 23 octobre dernier. “Ce nouveau chantier ouvert a toutes les caractéristiques d’une « révolution statistique ». Une révolution statistique qu’il va falloir mener à bout de bras en investissant dans les technologies les plus modernes et les compétences humaines les plus pointues,” a analysé le président de la banque en guise d’introduction.
Le Maroc est-il réellement capitaliste? Telle est la question que nous retirons des différentes interventions qui ont apporté leur éclairage sur la question. Pour Tawkif Mouilne DG de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques, le capital immatériel du Maroc a constamment progressé en même temps que la richesse globale, et ce, de 1995 à 2013. Jean-Pierre Chaufour économiste principal auprès de la Banque Mondiale, quant à lui, précise que: “le Maroc n’est ni en-dessous, ni au-dessus de la moyenne globale. Le Royaume investit 35% de son PIB dans le pays, mais ces investissements ne se traduisent pas forcément par de la croissance,” expose-t-il. Lorsque dans le même temps, M. Dupuis estime que la richesse globale contient du capital immatériel, du savoir auquel il est lié, et que l’un n’exclut pas l’autre.
La vision à long terme est de rigueur
Deux conclusions s’imposent: d’une part, l’Etatisme n’est pas de rigueur dans un système capitaliste. L’interventionnisme de l’Etat risque d’être plus nocif, selon les observateurs internationaux, que porter des fruits. Globalement, l’économie, lorsqu’elle est tirée par l’entreprise peut anticiper sur les marchés porteurs. Par contre, le capital immatériel comprend l’acquisition des savoirs et compétences, et donc, de fournir au privé des ressources humaines “de qualité”. Comprendre, l’Etat doit stimuler l’enseignement afin de développer son économie. Là encore, la comparaison avec la Tunisie s’impose, puisqu’on met dos à dos les choix des deux pays au lendemain de leur indépendance, et le développement de l’enseignement dans ces deux pays. Triste constat, mais qui reste d’actualité. Mais là encore, la Banque Mondiale présente une vision angélique de l’économie: “lorsque nous parlons de croissance, nous nous intéressons à ce qu’elle soit soutenable, et donc qu’elle tienne compte des ressources matérielles et naturelles du pays,” explique Chaufour. Un concept qu’on pourrait aisément expliquer par le surendettement des ménages, même s’il reconnaît les efforts du pays en matière de politique de développement des énergies renouvelables, et le développement d’une économie verte dans le Royaume ces dernières années. Enfin, Jean-Pierre Chaufour avance l’idée que: “les pays peuvent prendre des mesures qui ne coûtent pas un centime, mais qui ont des répercussions économiques énormes, comme la liberté de presse.” Globalement, le trend est conforme aux recommandations internationales, mais ce sont les entreprises qui peinent à prendre la voie de la modernisation. Pour les PME et TPE “traditionnelles” en tout cas, après tout, elles ne représentent que 80% du tissu économique…