Casablanca revoit ses prix à la baisse
La chute des prix de l’immobilier se poursuit. Malgré tout, qu’il s’agisse de logements de standing moyen ou supérieur, tout se vend beaucoup plus difficilement surtout pour l’ancien. Les vendeurs et les acheteurs se regardent en chiens de faïence, ce qui n’est pas sans ouvrir la porte de la négociation des prix.
Casablanca, toujours pas de regain de dynamisme sur le marché de l’immobilier. À l’instar des principales villes du royaume, les transactions n’arrivent toujours pas à reprendre dans la capitale économique. « La morosité règne encore sur le marché casablancais de l’immobilier. Les promoteurs qui opèrent dans le haut et moyen standing souffrent de grosses méventes. Avec exception au niveau du centre-ville et la proche périphérie où des gens ont vendu leurs villas à usage d’immeubles. Globalement, le marché n’est pas adapté à la demande. On note qu’un déséquilibre est relevé entre les logements produits et les besoins des clients», constate Mohamed Lahlou, Président de l’Association Marocaine des Agences Immobilières (AMAI) et Directeur de l’agence Carrefour Sakane. Il faut dire que l’inadéquation entre l’offre et la demande reste encore parmi les difficultés à franchir. « Les promoteurs immobiliers et les architectes doivent fournir des efforts dans ce sens », martèle Hassan Maaroufi, directeur général de Dyar Immo. « Pour un appartement de 100 m2, l’acheteur n’a pas besoin systématiquement de trois chambres et un salon. Aujourd’hui, les acheteurs potentiels font preuve d’attentisme et se montrent très prudents et de plus en plus exigeants. Il faut dire que les habitudes ont changé et les transactions sont réalisées par une clientèle finale qui sait ce qu’elle veut et encore plus regardante sur le rapport qualité/prix», dit-il. Pourtant les prix ont baissé de 10 à 15% par rapport à 2010. « Le prix affiché n’est pas celui de la vente. L’acheteur peut aujourd’hui négocier jusqu’à une baisse de 1500 DH sur le prix du m2 affiché », souligne le Président de l’AMAI. «Le marché est toujours en cours de régulation. On ne peut pas dire qu’il y a un recul des prix, mais plutôt un retour à la normale, ou aux prix pratiqués lors du lancement de la commercialisation des projets», relativise un promoteur immobilier.
Les biens neufs plus prisés
Actuellement, une autre tendance se confirme sur le marché casablancais de l’immobilier : les prix pratiqués sur les appartements neufs se sont considérablement rapprochés de ceux des logements de seconde main qui, eux aussi, n’ont pas été épargnés par le mouvement de correction. Selon les indices des prix des actifs immobiliers (IPAI), élaborés conjointement par Bank Al-Maghrib et l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la Cartographie (ANCFCC), les ventes d’appartements de seconde main se sont effondrées à Casablanca durant le premier trimestre de cette année. D’après cette étude, après un léger recul de 0,1%, les prix de l’ancien ont augmenté de 1,2%. En parallèle, les ventes ont enregistré un recul de 13,1% après celui de 4,1% un trimestre auparavant. Ce repli a concerné les appartements avec un taux de 19,1%. «Il est devenu très difficile de vendre un bien de seconde main pour lequel d’ailleurs tout dépend de la superficie. En effet, comme les prix des biens neufs ont baissé, ceux-là sont maintenant plus prisés », confirme Mohamed Lahlou. Est-ce à dire que la baisse des taux des crédits immobiliers appliqués par les banques n’a pas eu l’effet escompté ? «Les banques ne financent plus 100% du prix du logement comme c’était le cas il y a quelques années durant la période 2005-2010. Actuellement, le taux de financement est autour de 70 à 80%, et l’acheteur n’est pas disposé à avoir les 30 à 20 %», enchaine le Directeur de l’agence Carrefour Sakane avant de pointer du doigt les frais du notaire, l’enregistrement à la Conservation foncière et les frais d’agence qu’il estime à environ 7% du prix de vente. Coincidence ou pas, si l’on se réfère aux derniers chiffres publiés par Bank Al-Maghrib, les crédits immobiliers au niveau national ont affiché un ralentissement au mois de mai 2018 grimpant de 3,4% contre 3,5% durant la même période de l’année dernière. L’encours de ces prêts a atteint les 260,87 milliards de DH dont 119,04 milliards de DH de crédits à l’habitat et 59,056 milliards de DH de prêts destinés aux promoteurs immobiliers.
Ine fine, sur Casablanca, ce qui se vend le mieux, ce sont les produits qui correspondent à une demande qui a évolué sur les trois dernières années. Ceux qui vendent actuellement sont ceux qui ont compris ce que souhaite la demande au niveau de la qualité de finition architecturale et aussi en termes de respect des promesses.
Où en sont les prix ?
Paradoxalement, les prix des terrains ont baissé de 10 à 20 % à Casablanca, selon les professionnels eu égard aux nouvelles zones immeubles, notamment dans des quartiers comme Riviera, Oasis, Bd Ghandi, Bd Anoual. Selon d’ailleurs, les indices des prix des actifs immobiliers , de Bank Al-Maghrib et l’ANCFCC), les transactions portant sur le foncier à Casablanca ont progressé de 6,9% durant le premier trimestre 2018 comparé à la même période de l’année dernière. De nombreux propriétaires de villas dans ces nouvelles zones immeubles ont vendu les leurs pour aller s’installer à Dar Bouazza ou encore à Bouskoura. Situés à une vingtaine de km de Casablanca, ces deux pôles périphériques de la capitale économique ont aujourd’hui la cote auprès des Casablancais. Ils affichent un environnement plus calme et sécurisé que Casablanca intra-muros. En effet, la ville verte de Bouskoura, flanquée de sa forêt éponyme de plus de 3 000 hectares, offre aujourd’hui un cadre écologique, proposant dans la foulée des résidences, golfs, hôtels, équipements d’enseignement. « Ce quartier attire surtout les vieux, contrairement à Dar Bouazza qui est plus prisé par les jeunes», soutient un agent immobilier.
Longtemps considérée comme une station balnéaire, Dar Bouazza s’affiche comme une destination résidentielle de premier rang, eu égard à sa proximité avec le centre-ville, l’école belge ou encore l’école américaine George Washington Academy….
Toujours est-il que ces deux destinations très prisées des Casablancais, qui relèvent de l’arrondissement de Nouaceur, se développent au détriment des quartiers intra-muros qui se dépeuplent. Selon les agents de l’immobilier, « la nouvelle clientèle est à la recherche d’un environnement serein, loin des nuisances du centre-ville, mais aussi d’un bon rapport qualité/prix en termes de prestations et cadre de vie ».
Il faut dire qu’il est possible pour un acquéreur d’appartement de faire une très bonne affaire à Casablanca. En effet, si la demande était de plus en plus énorme pour les quartiers qui sont à proximité ou carrément sur le tracé du tramway, tel ne semble plus être le cas. « La proximité du tram n’est plus un argument de vente et c’est un vrai paradoxe. Ces zones-là sont confrontées à des méventes. Les promoteurs immobiliers s’étaient par exemple précipités pour acheter des terrains à Anoual à 35 000 DH/m2. Aujourd’hui, ils n’arrivent pas à céder le m2 à 20 000 DH », indique le Président de l’AMAI qui précise que de nombreux propriétaires sont en train de vendre leurs appartements. Principale raison avancée par ces derniers : le stationnement ou encore les nuisances sonores.
Locatif
Le jeu des acteurs du marché locatif ne répond pas à la logique des marchés
La période estivale, en général, anime le marché du locatif à Casablanca. Le marché des appartements meublés fleurit principalement en cette période. Les prix démarrent à partir de 5.000 DH à Aïn Sebâa, pour les petites superficies de 60 mètres carrés, en passant par 15.000 DH à Racine ou encore 18.000 DH pour un appartement à Gauthier, pour atteindre jusqu’à 25.000 DH pour un logement meublé à Racine Extension. Pour le locatif non meublé, la variation des prix des appartements à louer essaie de répondre à la logique de la superficie et de la situation géographique. Ainsi, à titre d’exemple, un studio de 40 mètres carrés à Racine est proposé à 5.000 DH par mois, tandis qu’un appartement de 73 mètres carrés à Bourgogne est loué à 6.000 DH/mois. Par ailleurs, le loyer proposé pour un appartement de 78 mètres carrés à Maârif Extension s’élève à 6.500 DH, alors que celui d’un appartement de 90 mètres carrés à Racine est de l’ordre de 9.500 DH, ou encore celui d’un appartement de 142 mètres carrés à Bourgogne est de l’ordre de 10.000 DH. Quant à un appartement de 200 mètres carrés au quartier Princesses, le loyer demandé est de 20.000 DH. Au-delà de la reprise ponctuelle, le marché reste calme durant l’année. En cause, d’un côté les offres non abordables laissent les locataires réticents. De l’autre, des promoteurs qui se sont orientés vers ce business peinent à s’offrir une rentabilité certaine. Cette situation est due principalement à une perte de confiance instaurée par l’absence de réactivité des jugements des tribunaux et par la prolifération de l’informel. Dans un mémorandum présenté au ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, la Fédération Nationale de la Promotion Immobilière (FNPI) a préparé des propositions à court, moyen et long termes. Une requête qui concerne tous les segments du marché. Concernant le locatif, pour pallier les problèmes liés à l’application de la Loi sur le locatif et principalement ceux liés à la non exécution des décisions d’évacuation prononcées par les tribunaux, la FNPI a pensé à la création d’un fonds de garantie dédié au locatif. Il sera alimenté par le fonds social de l’habitat ou toute autre ligne de financement et servirait à indemniser les investissements en cas de non-paiement des loyers et de difficultés liées aux jugements des tribunaux. Par ailleurs, la FNPI souhaite relancer l’investissement dans l’immobilier destiné au locatif. Pour cela, elle propose de revenir aux avantages fiscaux prévus avant 2014 et qui consistaient en une exonération des revenus locatifs sur une période de trois ans. En cas d’accord, la profession estime de rallonger cette initiative à 5 ans. De plus, la FNPI suggère de mettre en place un taux préférentiel pour les acquisitions destinées au locatif.