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Casablanca sous l’eau : à qui la faute ?

Alors que Casablanca et d’autres villes du pays sont pratiquement sous l’eau, la sempiternelle question de la qualité de nos infrastructures (notamment les plus critiques car leur défaillance peut avoir des conséquences catastrophiques sur l’économie et le bien-être des citoyens) se pose à nouveau avec acuité. Et pourtant, le Maroc a sur-investi au cours de la dernière décennie en infrastructures et équipements de toute sorte. Faut-il encore investir à l’infini pour éviter qu’à chaque averse la capitale économique ne se transforme en lac artificiel ? Ou est-ce plutôt la défaillance de la gouvernance territoriale qui produit, au niveau des infrastructures critiques, un manque patent de résilience ?

Quand le dernier indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG), du nom de son célèbre sponsor le milliardaire soudanais Mo Ibrahim, avait réservé lors de sa dernière édition au Maroc une peu enviable 15ème place africaine (en étant derrière des pays bien moins lotis que lui économiquement comme le Cap vert, la Namibie, le Botswana ou le Ghana), certaines voies n’ont pas manqué de crier au scandale et au manque de rigueur et d’objectivité d’un tel indice qui se base sur quatre catégories de critères : Sécurité et État de droit, Participation et Droits de l’Homme, Opportunités économiques durables et développement humains. Or, il suffit de constater chez nous à chaque saison de fortes pluies (soit en gros un an sur deux ou trois), les dégâts considérables causés par les précipitations aux biens et aux citoyens au niveau de plusieurs villes du pays, à commencer par la métropole de Casablanca censée être dotée de l’infrastructure la plus robuste du pays et la plus digne de ce nom, pour se mettre à l’évidence  que notre pays est loin de mériter une place au soleil (ne serait-ce qu’à l’échelle de son continent) parmi les pays les mieux gouvernés. 

Car tout compte fait, on aura beau gloser sur la définition de la bonne gouvernance et notamment la bonne gouvernance territoriale, celle-ci serait toujours antinomique à toute politique ou action publique qui ne réussirait pas à réduire les risques pour les populations….et pas uniquement en temps de crise sanitaire comme celle que nous traversons depuis bientôt 10 mois. Comment ? En assurant des prestations de services de qualité dans les registres de l’accès à l’électricité, l’alimentation en eau, l’assainissement, l’écoulement des eaux de pluie, le ramassage et le traitement des ordures ménagers et non ménagers, les soins de santé, l’entretien des routes pour qu’elles soient accessibles en tous temps, l’éclairage public, les services d’urgence, les transports et la gestion de la circulation. C’est ainsi que les autorités locales peuvent réellement réduire les risques liés aux catastrophes sans pouvoir bien évidemment les ramener au niveau zéro. Et c’est à cette seule aune que se mesure en gros la véritable manière d’exercice du pouvoir et d’allocation des ressources au service du développement à long terme et de l’intérêt général.

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Au lieu de tirer les enseignements du passé en s’attaquant structurellement à la vulnérabilité des infrastructures, le Conseil Municipal de la capitale économique a pris le pli de tenir des réunions d’urgence (comme celle convoquée avant-hier) pour faire un point de situation et numéroter les abattis. Bien évidemment, on cherchera à colmater les brèches en mobilisant les ressources propres des communes de la ville et celles de la Lydec – qui a bon dos en des moments pareils – pour pomper les euxdans les quartiers les plus touchés et débloquer les systèmes de drainage. En gros, on joue au pompier de service alors que les récentes intempéries ont entrainé la suspension du trafic du Tramway, causé d’importants dégâts matériels, transformé des quartiers et ruelles entières en lacs artificiels et jeté dans l’angoisse et la juste colère une partie de la population déjà désemparée et angoissée par les conséquences de la crise du Covid-19.

On se demande d’ailleurs, pourquoi la Région de Casablanca-Settat dépense dans son Plan de Développement Régional 2017-2021 des dizaines de milliards de dirhams (sur une enveloppe totale de 115 milliards de dirhams) dans les infrastructures, notamment de transport, si la gouvernance locale est toujours incapable d’améliorer la résilience de celles déjà existantes, c’est à dire leur aptitude à résister, absorber le choc et à retrouver un fonctionnement normal ou à s’adapter avec succès face à un phénomène adverse. Un préalable d’autant plus fondamental que des phénomènes sociaux et climatiques (étalement urbain de la ville notamment à l’est et au sud, urbanisation en zone inondable et changement climatique notamment à cause de l’industrialisation de l’économie) provoquent une vulnérabilité accrue des infrastructures non seulement face aux événements extrêmes, mais aussi à des événements considérés comme courants par le passé. Dans certains pays, les élus des villes fortement exposées aux risques d’inondation et de crues ont commandé à des urbanistes « non conventionnels » de transformer l’inondation, vécue comme un événement négatif, en une opportunité urbaine avec des quartiers « flottants » ou construits en élévation.

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Sans réclamer pareil esprit révolutionnaire chez nos élus locaux loin d’être visionnaire lorsque l’incapacité des institutions se conjugue à l’irresponsabilité envers les citoyens et à un espace très restreint laissé à la participation citoyenne (un des piliers d’ailleurs de l’Indice Ibrahim), on est en droit de s’interroger, toutefois, quant à l’existence de mesures juridiques et techniques de prévention de base, certes moins sophistiquées mais non moins efficaces. A titre d’exemple : existe-t-il une norme urbaine imposée aux promoteurs et au délégataire en charge de l’électricité, de l’eau, de l’assainissement et de l’éclairage public pour doter tout appareil d’évacuation se trouvant à un niveau inférieur à la chaussée d’un dispositif anti-refoulement ? A notre connaissance, que Nenni alors qu’un tel dispositif est indispensable pour éviter que les réseaux d’assainissement deviennent, eux-mêmes, un facteur majeur de vulnérabilisation des territoires, susceptible d’aggraver considérablement la situation de crise en se transformant en vecteur d’inondation. Et c’est ce qui s’est produit ces derniers jours à Casablanca où les passants et les automobilistes ont assisté à des scènes de refoulement sur la voie publique de plusieurs collecteurs ayant duré des heures. Un refoulement généré par l’absence de clapets anti-retour, dont la fonction est d’empêcher la remontée des eaux dans la colonne.

Dans ses règlements d’assainissement, une ville comme Paris par exemple a rendu obligatoire, dès mai 1998, la pose de tels clapets sur les raccordements des branchements privatifs au réseau collectif. De tels micro-dispositifs très peu couteux ont probablement plus d’impact en terme de résilience de l’infrastructure que les mégaprojets actuellement en cours à Casablanca et relatifs à l’assainissement des eaux pluviales comme ceux destinés à protéger Hay Sadri (galerie de stockage des eaux pluviales longue de 1,3 km) et les quartiers Errahma, Hay Hassani et Lissasfa notamment contre les débordements au niveau de la Route Nationale n°1 (station de pompage des eaux usées et galerie souterraine de 3,4 km) et qui devront coûter au total près de 500 millions de dirhams !

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Au demeurant, à l’heure où le Maroc est à la veille d’adopter un nouveau modèle de développement économique (le rapport de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement est attendu pour ce début d’année 2021), il serait de bon aloi de faire de la bonne gouvernance territoriale une priorité absolue sachant que sa défaillance peut avoir non seulement des conséquences déplorables sur le décollage socio-économique des régions mais également un impact potentiellement dramatique sur la sécurité et le bien-être des populations. 

 
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