Ce qu’est l’Algérie par ( Jamal Berraoui )
Un grand quotidien oranais annonce qu’il a suffi de quelques jours de précipitations, moyennes par ailleurs, pour qu’Oran soit inondée. On n’a pas à s’en offusquer, nous vivons la même situation chaque année, dans nos grandes villes en dehors de quelques exceptions. Mais la similitude s’arrête aux conséquences visibles. Alger annonce un excédent budgétaire de près de 50 milliards de dollars, le Maroc un déficit budgétaire avoisinant les 7 %.
En Algérie, le déficit en logements est encore plus important que chez nous. Ils ont construit des logements sociaux, par des entreprises chinoises qui ont « importé » les ouvriers. Le ministre de l’époque avait déclaré « les ouvriers algériens ne sont pas à la hauteur ». La crise du logement touche aussi les classes moyennes au point qu’en général, il faut plus d’un an pour acquérir un appartement.
Les dix ans de guerre civile ont vidé l’Algérie. Les cadres formés dans l’après indépendance se sont exilés en masse. Beaucoup de savoir-faire a été perdu, que cela soit dans l’agriculture ou l’artisanat au sens large.
L’économie rentière, malgré les énormes recettes, ne permet plus d’aborder le chômage des jeunes qui dépasse les 17 %, selon des chiffres officiels. L’hypertrophie de l’administration, les entreprises publiques sous perfusion depuis des décennies gonflent le budget de fonctionnement, mais ne permettent pas de résoudre la crise du chômage.
Le secteur privé est balbutiant. Toutes les réformes ont été escamotées. Valeur aujourd’hui le capital étranger ne peut pas rapatrier ses dividendes en totalité, ils utilisent les procédures que le Maroc a abandonnées il y a 30 ans, le fameux compte capital où les étrangers devaient placer leurs plus-values pour les sortir au compte-gouttes.
L’Algérie a les mêmes performances sociales que le Maroc, malgré le matelas des hydrocarbures. Il y a nécessairement un problème de gouvernance. Les dépenses militaires, énormes, n’expliquent pas tout. L’affaire Sonatrach, l’enrichissement du frère du président, laisse à penser que la corruption sévit au plus haut niveau de l’Etat et non pas seulement dans les rouages intermédiaires.
Politiquement, le système se ferme un peu plus, alors qu’en bas, la grogne enfle. La candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat passe très mal. Nul ne sait, pendant combien de temps, le souvenir des années noires, du terrorisme, agira comme un sédatif pour le peuple algérien.
Dans ce contexte, l’argument de l’ennemi extérieur, c’est-à-dire le Maroc, perd lui aussi de sa pertinence et finira par ne plus assurer la cohésion nécessaire à la poursuite de la main mise des militaires.
C’est ce qu’est l’Algérie de manière objective, un chaudron prêt à exploser. Il ne faut jamais perdre de vue ce constat quand on analyse les relations entre nos deux pays. L’avenir proche nous réserve des surprises. De quelle nature seront-elles ?