Céréales : ce que coûterait l’autosuffisance
Bon an mal an, le Maroc continue d’importer du blé de l’étranger. La production nationale peine à atteindre l’autosuffisance. Mais, l’orientation vers les céréales a un coût. Celle-ci pourrait faire perdre à l’agriculture marocaine une valeur ajoutée de 20 milliards de DH par an, selon le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch.
Le Maroc va connaître une mauvaise campagne céréalière 2019-2020 à cause de la sécheresse. Selon le Ministère de l’Agriculture, la production de blé tendre, blé dur et d’orge devrait baisser de 42 % pour s’établir à 30 millions de quintaux au titre de la campagne agricole 2019-2020. La production estimée est issue d’une superficie céréalière semée de 4,3 millions d’hectares, dont 2 millions ont été complètement perdus. Selon le Département de l’Agriculture, la campagne a enregistré une pluviométrie en baisse de 34 % comparativement à la moyenne sur les 30 dernières années et de 25 % par rapport à la campagne précédente. La mauvaise et irrégulière répartition spatio-temporelle des pluies a exacerbé la faiblesse de leur volume. Si cette mauvaise campagne céréalière a de quoi inquiéter les agriculteurs du pays, elle n’aura en fait aucun impact sur le consommateur final et pourrait même alléger les finances de l’État.
Le département d’Aziz Akhannouch précise que l’approvisionnement du marché en céréales est assuré. Le pays dispose d’un stock garantissant l’approvisionnement du marché pour 4,5 mois. «Quel que soit le niveau de production, le Maroc reste un importateur net des céréales. Nous avons dépassé deux fois la production record de plus 100 millions de quintaux de céréales, mais nous nous sommes approvisionnés à l’extérieur. Il n’y a jamais eu de pénurie. Pour le consommateur final, le prix de la farine et du pain reste encadré », rassure une source au sein de la Confédération Marocaine de l’Agriculture et du Développement (COMADER).
Lire aussi |Maroc: Ce que vous devez savoir sur l’assouplissement du confinement au Maroc [Document]
Entre 2014 et 2019, la production locale n’a permis en moyenne de couvrir que 54 % des besoins en céréales (blé, maïs, orge), selon l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL). Cette année, les importations des céréales ont atteint 3,5 millions de tonnes au terme des quatre premiers mois de 2020, en progression de 38% par rapport à la même période un an auparavant. Interpellé par certains députés sur l’autosuffisance en matière céréalière, le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, qui s’exprimait lors de la séance des questions orales issue de la Chambre des représentants, le lundi 1er juin, a affirmé que l’autosuffisance en céréales nécessite d’augmenter de 900.000 ha supplémentaires en terres irriguées, en plus des 300.000 ha actuellement. Sans compter, ajoute-t-il, que les ressources en eau consacrées à l’agriculture ne dépassent pas 40% des besoins réels à cause des déficits pluviométriques. «Les producteurs de tomates, d’agrumes ou d’avocats, ne vont pas remplacer leurs cultures par les céréales pour la simple raison que le rendement à l’hectare de ce produit est de 12.000 DH, alors qu’il s’élève à 34.000 DH pour les autres produits agricoles. L’orientation vers les céréales fera perdre à l’agriculture marocaine une valeur ajoutée de 20 milliards de DH par an», martèle le ministre qui précise que les céréales emploient moins de main-d’œuvre que les autres secteurs. Quel impact sur la balance commerciale ? Selon Abdeslam Touhami, économiste, le Maroc gagnerait plus en s’approvisionnant en céréales à l’étranger. «Pour preuve, durant ces deux dernières décennies, importer des céréales a coûté moins cher que de les produire localement. En cas de bonne saison céréalière au Maroc, il faudra s’attendre à une chute des prix du quintal à la vente. Or, l’État garantit un prix de référence pour assurer un revenu minimum aux agriculteurs sur le quintal de céréales. Autrement dit, en cas de surproduction l’État peut perdre beaucoup d’argent. Il indemnise également ces mêmes agriculteurs en cas de sous-production. Dans l’un comme dans l’autre, l’Etat arrive toujours à s’en sortir », analyse-t-il.