Banques

Ces gouverneurs qui ont incarné Bank Al-Maghrib

M’Hamed Zeghari : (1959-1964)

Gouverneur du 1er juillet 1959 au 20 août 1964, M’hamed Zeghari cumule tous les traits de  l’homme d’Etat de la génération historique qui a fait l’indépendance. Né en 1902 à Fès, il a été au collège Moulay Idriss créé par Lyautey en 1916. Après ses études, il entre dans les affaires familiales. Il devient directeur général de la Compagnie algérienne et des Moulins Idrissides. Mais son engagement au sein de l’Istiqlal le conduit à être surtout l’un des signataires du Manifeste de l’Indépendance du 11 janvier 1944. Il prend même la tête de la délégation qui tente ce jour-là de remettre le manifeste en mains propres à Gabriel Puaux, le résident général. Cet engagement précoce amène Zeghari à faire partie du premier gouvernement du Maroc indépendant dirigé, du 7 décembre 1955 au 25 octobre 1956, par Ben Mbarek Lahbil Bekkai. Il est nommé ensuite ministre de la Défense nationale en octobre 1956 dans le contexte de l’intensification de la guerre d’Algérie, qui fragilise la zone frontière de l’Oriental. C’est lui encore que le Roi nomme au début de 1957 premier Ambassadeur du Maroc à Paris, au moment délicat où ont repris les relations diplomatiques entre les deux pays, suspendues après le détournement par la France de l’avion où voyageaient, entre Rabat et Tunis, le leader du FNL algérien Ben Bella et ses compagnons. Rappelé en octobre 1957 pour prendre la direction de l’OCP, c’est encore à lui que le Roi fait appel le 1er juillet 1959 pour devenir le premier Gouverneur de la Banque d’émission du Maroc indépendant. Le 20 août 1964, il est remplacé à la tête de l’Institut d’émission du Maroc par Driss Slaoui. Mais M’hamed Zeghari va revenir au gouvernement avec le rang de Ministre d’Etat et Vice-président du Conseil. En juillet 1967, il est de nouveau nommé gouverneur, tout en assurant la présidence du Conseil économique privé du Roi. Il demeure à ce poste jusqu’à ce que la maladie l’emporte en février 1969.

Driss Slaoui : (1964-1967) 

Né en 1926 à Fès, Driss Slaoui, comme M’hamed Zeghari, a été formé au collège Moulay Idriss de Fès, qui accroit encore dans les années 1940 son rôle de pépinière du nationalisme marocain. Il accomplit ses études supérieures en France, à Grenoble d’abord puis à la Faculté de droit de Paris dont il sort licencié en 1950. De retour au Maroc, alors que le processus de décolonisation s’accélère, il ne tarde pas à embrasser une carrière ministérielle qui s’inscrit pleinement dans l’histoire du recouvrement par le Maroc de son indépendance et de sa souveraineté : secrétaire d’Etat à l’Intérieur en 1958 dans le gouvernement Balafrej, il détient, l’année suivante, dans le contexte de la sortie du Maroc de la zone franc et de la nationalisation de la Banque d’émission, le portefeuille important de Secrétaire d’Etat au Commerce, à l’industrie et à la Marine marchande dans le gouvernement dirigé par Abdellah Ibrahim, figure historique du Parti de l’Istiqlal. En 1960, il est nommé ministre du Commerce et de l’industrie dans le Cabinet dirigé par S.M le Roi Mohammed V qui lui confie, l’année suivante, la mission de mettre sur pied et de diriger le Secrétariat général de l’Organisation des pays signataires de la Charte de Casablanca du 7 janvier 1961, grand projet d’union panafricaine porté par S.M le Roi Mohammed V au soir de sa vie et qui devait rapidement se heurter aux rivalités géopolitiques qui fracturent le continent africain à cette période critique de la décolonisation. Slaoui se retrouvera chargé d’une nouvelle responsabilité gouvernementale, puisqu’il est nommé ministre de la Justice à l’occasion du remaniement ministériel mis en œuvre par le Premier ministre Mohamed Benhima. Puis il est placé à la direction générale du Cabinet Royal avant d’être nommé en 1974, représentant permanent du Maroc à New York auprès des Nations Unies. Revenu au Maroc en 1976, il achève sa carrière comme Conseiller du Roi jusqu’à son décès en 1999.

Le prince Moulay Hassan Ben El Mehdi : (1969 -1984) 

Il a été nommé par S.M le Roi Hassan II à la tête de Bank Al Maghrib, du 11 février 1969 au 1er novembre 1984. Descendant du Sultan Mohammed IV, qui régna de 1859 à 1873, Moulay Hassan Ben El Mehdi Ben Ismael était donc un cousin de S.M le Roi Hassan II. En 1925, dans le contexte tragique de la guerre du Rif qui embrase le Protectorat espagnol sur le Nord du Maroc, il est nommé, alors qu’il n’est âgé que de 15 ans, Khalifa du Sultan de Tétouan. Il devait assumer cette charge pendant près de 30 ans. Par son action résolue, il contribua à faire de cette ville un foyer de la résistance politique et militaire au régime colonial ; Tétouan, jusqu’au retour d’exil de feu S.M Mohammed V en 1955, devint ainsi le principal refuge des militants nationalistes. Au moment de l’indépendance, Moulay Hassan Ben El Mehdi est nommé de 1957 à 1964 Ambassadeur du Maroc à Londres puis à Rome de 1964 à 1967. A son retour à Rabat, il devient  Conseiller économique personnel de S.M le Roi Hassan II, qui le nomme de 1967 à 1969 à la présidence de la Banque nationale pour le développement économique (BNDE), institut de financement au capital mixte, associant principalement l’Etat à la Société Financière Internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, fondée le 21 octobre 1959, pour favoriser les investissements des grands projets de développement dans l’industrie, le tourisme ou les infrastructures de transport. La nomination du Prince Moulay Hassan Ben El Mehdi comme Gouverneur de la Banque du Maroc de 1969 jusqu’à son décès en 1984, témoigne, par delà le caractère honorifique de cette nomination, de l’importance, du rôle de la Banque centrale dans une période à bien des égards décisive pour la stabilité économique, mais aussi politique, du Royaume.

Ahmed Bennani : (1985 – 1989) 

Il a incarné le gouvernement de la Banque du Maroc pendant plus de 20 ans. Né à Fès le 12 décembre 1926, il est diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Paris en 1951 et licencié en droit de la Faculté de Paris en 1952. Recruté en 1953 comme cadre par Shell France, il poursuit en parallèle sa formation pour obtenir son diplôme d’expert-comptable en 1954. En 1956, Ahmed Bennani a été nommé directeur de cabinet du ministre de la Défense, M’hamed Zeghari, qui devait devenir le Premier gouverneur de la Banque du Maroc. Durant la période 1958 à 1965, il fait des allers-retours entre la sphère des cabinets ministériels et la haute fonction publique : chef de l’Inspection et du Contrôle financier au ministère des Finances en 1961, puis secrétaire d’Etat au commerce, à l’Industrie, aux Mines et à la Marine marchande dans le cabinet de Bahnini en 1963. Dès 1960, il entre au Conseil de la Banque centrale comme commissaire du gouvernement et conserve cette fonction jusqu’en 1965, date à laquelle il rejoint le Cabinet Royal comme conseiller chargé des Affaires économiques. En 1965-1966, il est nommé par le Roi à la Direction générale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Durant son bref passage à la tête de l’institution, il donne une impulsion décisive au tournant de la politique de développement du tourisme qui marque la période, puisqu’il est à l’origine de la création de la Société Africaine de Tourisme, dont la réalisation principale est l’aménagement du complexe hôtelier de Cabo negro près de Tétouan. En tant que directeur général de la CDG, il retrouve une place au Conseil de la Banque centrale, qu’il ne devait plus quitter jusqu’en 1989. Depuis 1967, il y siège, non plus en tant que représentant de la CDG, mais en qualité de Secrétaire d’Etat chargé des Affaires économiques auprès du Premier ministre Mohamed Benhima puis, depuis 1968, en tant que Vice-Gouverneur de la Banque du Maroc nommé par le Roi pour seconder respectivement M’hamed Zeghari et le Prince Moulay Hassan Ben El Mehdi. Ahmed Bennani est désigné en avril 1985 Gouverneur de l’institution, poste qu’il a occupé jusqu’en octobre 1989.

Mohammed Seqat : (1989 – 2003) 

Né le 7 juillet 1942 à Fès, passé lui aussi par le collège Moulay Idriss puis par la Faculté de droit et de sciences économiques de Rabat, Mohamed Seqat est reçu à l’Inspection générale des Finances en 1966. Toute la première partie de sa carrière se déroule au ministère des Finances: membre du cabinet du ministre des Finances, Mamoun Tahiri, il est nommé en 1970 sous-directeur au Budget, puis directeur en 1974. En 1983, alors qu’éclate la crise de la dette et que le problème de l’équilibre extérieur devient crucial, il est nommé directeur des Douanes et de la Fiscalité indirecte. A ce poste, il contribue aux négociations qui aboutissent en mai 1987 à l’adhésion du Maroc au GATT, l’accord général de libéralisation du commerce international mis en place dès 1946 sous l’égide de l’ONU. Fort de cette expertise internationale, il assume de 1986 à 1989, les fonctions de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères chargé des relations avec la Communauté économique européenne, au moment où l’adhésion de l’Espagne et du Portugal conduit à renégocier les relations économiques que le Maroc entretenait avec la Péninsule ibérique, tant du point de vue des exportations agricoles, que des accords de pêche. Sa nomination comme Gouverneur de Bank Al Maghrib en septembre 1989 intervient à un tournant du plan d’ajustement structurel. Il faut faire avancer le chantier des réformes financières pour consolider l’amélioration des grands équilibres de l’économie marocaine : la réforme des statuts de la Banque centrale renforçant son indépendance, la nouvelle loi bancaire mais aussi la nécessaire modernisation de la gouvernance et de la culture d’entreprise de l’Institut d’émission.

 
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