Beaucoup d’entre vous ont lu << héros sans gloire >>, ceux qui ont penché vers le foquisme pour en finir avec ce qu’ils appelaient << le pouvoir individuel et personnalisé >> c’est-à-dire le despotisme. Des gens de très haute valeur, y ont laissé leur vie, d’autres ont payé en tortures et emprisonnement. L’un d’eux s’appelle Taïbi Bouaïbi, il vient de s’éteindre.
Au printemps 1972, je n’avais pas encore 17 ans. Tous les lycées marocains étaient en grève contre une énième réforme. J’étais le leader de la contestation au lycée Hassan II de Safi. Bouaïbi, m’a contacté, m’a recruté, m’a formé à partir de l’idée, qu’il faut que mon esprit révolté, soit encadré par une pensée politique. C’est le début de mon engagement avec la mouvance tihadie. Les premiers livres de Lénine, trotsky, que j’ai lus, c’est Taïbi Bouaibi qui me les a donnés, en arabe, parce qu’il était arabisant. Ensuite, les événements se sont enchainés. Nous étions plusieurs à être impliqués dans les événements du 3 mars par rapport à Safi. Mon cousin, feu Ahmed Moumile et moi-même, avons été épargnés parce que protégés par Taïbi et Fellahi, qui est dans une situation critique, mais qui a tenu à assister à l’enterrement de son camarade. Héroïquement, malgré la torture, ils ne nous ont pas donnés. Taïbi m’a dit textuellement << j’ai résisté en me disant qu’il fallait que l’esprit de la révolution reste, que les jeunes n’avaient rien à faire au prison >>.
Taïbi Bouaïbi m’a tout appris. A sa sortie de prison, nous avons rarement été d’accord parce que chacun a évolué à sa manière. Mais je n’oublierai jamais un fait. Une association de journalistes locaux a généreusement organisé un hommage à 3 journalistes d’origine safiote, dont je faisais partie. C’est Taïbi qui a été chargé d’écrire le texte me concernant. C’est mon Wissam à moi. Un militant qui a sacrifié sa ie pour le peuple, m’honorait. Taïbi est mort, dans l’indifférence  des instances du parti. Il restera dans les mémoires de ceux qui l’ont connu.
L’histoire rendra justice un jour aux héros sans gloire. C’est grâce à eux que nous avons ces espaces de liberté, aussi réduits soient-ils. Repose en paix maître ! Tes élèves feront vivre tes principes, ton engagement, ton rêve.