Des avantages fiscaux pour stimuler l’innovation
Les professionnels du capital investissement sont convaincus qu’un cadre juridique approprié et des avantages fiscaux draineraient plus de capitaux pour financer les projets innovants.
Challenge. Pourquoi avoir axé cette année votre manifestation sur le thème de l’innovation ?·
Choukri Oimdina. Dans le cadre de ses activités, l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC) a entamé, depuis 2010, une série de rencontres annuelles baptisées « journées du capital investissement ». Il s’agit d’une tribune d’échange et de débat pour les professionnels du capital investissement, les entrepreneurs, les investisseurs institutionnels et les pouvoirs publics sur des thématiques de financement et d’accompagnement des PME marocaines. Pour notre troisième Journée du capital investissement, notre objectif était de faire un état des lieux de l’innovation au Maroc en abordant les problématiques culturelles, de financement et d’écosystème en général. Le choix de la thématique de l’innovation n’est pas fortuit. Le Maroc ambitionne de se positionner en tant que pays producteur de technologie, de faire de son économie une économie à forte valeur ajoutée avec des activités exportatrices performantes, doit impérativement améliorer son écosystème de l’innovation. Malheureusement, notre pays accuse toujours un retard en la matière.
C. C’est ce qui ressort de l’étude du cabinet Grant Thorton qu’il a réalisée pour le compte de l’AMIC ?
Ch.O. Le Comité Scientifique de l’Association, en coordination avec le Cabinet Grant Thorton, a fixé comme objectifs à cette étude de faire le point sur la situation actuelle de l’innovation au Maroc (statistiques, intervenants, mécanismes de financement, etc.), d’évaluer l’efficacité de son écosystème et de réaliser un benchmark avec quatre pays, relativement comparables, qui affichent des avancées importantes ces dernières années : Turquie, Chili, Kenya et Malaisie. Il ressort de cette étude que malgré les initiatives et les efforts déployés ces dernières années, le Maroc accuse toujours un retard conséquent dans ce domaine. Il est classé 88ème selon l’indice mondial de l’innovation 2012 élaboré par l’INSEAD et l’OMPI. Cette situation s’explique principalement par la dépendance du système de R&D de la recherche publique dont l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous, l’insuffisance des mécanismes et des instruments de financement de l’innovation, le manque de coordination des différents intervenants, l’absence d’un véritable guichet unique de l’innovation, la faiblesse des fonds alloués au financement de la recherche dans le secteur privé, etc.
C. Prenons le cas du financement de l’innovation par exemple, comment l’améliorer ?
Ch.O. Pour contribuer à son amélioration, en particulier à destination des porteurs de projets et des PME, l’AMIC a invité à cet événement 150 personnes parmi les représentants des pouvoirs publics, les investisseurs institutionnels locaux et étrangers, les dirigeants d’entreprises et de holdings privées, les universitaires… l’objectif est d’élargir le débat à tous les intervenants pour aboutir à des propositions concrètes, qui peuvent faire l’objet de rédaction d’un livre blanc, pour améliorer l’écosystème de l’innovation au Maroc.
C. Comment le capital investissement peut-il concrètement contribuer à financer l’innovation ?
Ch.O. Le capital amorçage/risque reste le parent pauvre du capital investissement au Maroc. Selon l’étude 2011 du capital investissement réalisée par l’AMIC, il représente à peine 7% des fonds investis sur la période 2006-2011. Heureusement que la tendance est positive ces deux dernières années. En effet, de nombreux fonds investissent ce créneau (OCP Innovation Fund For Agriculture, Maroc Numeric Fund, etc.). L’impact· économique et social des fonds sur les entreprises investies n’est pas à démontrer, puisqu’elles affichent des taux de croissance annuels moyens de 55% de leurs chiffres d’affaires et de 25% de leurs effectifs sur la période 2005-2011, selon la même étude.
C. Qu’est-ce qui explique ce regain d’intérêt pour le volet capital amorçage/risque ?
Ch.O. Je dirais que le lancement des stratégies nationales sectorielles en sont pour beaucoup. Elles offrent un gisement pour la création de sociétés innovantes, notamment dans les secteurs des technologies de l’information, de l’aéronautique, de l’automobile, de l’agriculture, de l’énergie, etc. Le Maroc a besoin, plus que jamais, de PME innovantes, créatrices de valeur et d’emplois. Or, l’un des freins qui a été identifié par l’étude, diligentée par l’AMIC sur l’innovation, c’est la difficulté d’accès au financement. Nous pensons que la mise en place d’un cadre juridique (forme juridique de fonds dédiés au financement de l’innovation) et fiscal (avantages fiscaux pour les souscripteurs des fonds) adéquat permettra de drainer encore plus de capitaux pour financer les projets innovants à travers le capital amorçage/risque. Le capital amorçage/risque ne peut à lui seul répondre aux besoins des porteurs de projets innovants, d’autres mécanismes et modes de financement doivent être mis en place (crédit d’impôt recherche, fonds de garantie pour les prêts bancaires, business angels, etc.). Ne pas assurer le financement des projets innovants les premières années de leur développement, c’est prendre le risque de limiter leur capacité à éclore.
SON PARCOURS
Diplôme d’ingénieur d’Etat, d’un DESS en finance et d’un MBA de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. C’est en 1998 qu’il entame sa carrière à la BMCI en tant qu’auditeur. En 2000, Il rejoint CDMC, banque d’affaires de Crédit du Maroc spécialisée dans l’Intermédiation boursière pour occuper le poste de président du directoire en 2006. Une année plus tard, il rejoint la BCP et chapeaute la Banque de Financement. Depuis mai 2009, il est Directeur Général d’Upline Alternative Investments.
Le 21 novembre, l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital (AMIC) a organisé sa troisième journée qui a eu pour thème «le capital investissement, levier pour l’innovation».