Cliniques privées : les institutionnels préparent leur offensive
Santé. Peu disert sur la nouvelle loi libéralisant la détention du capital des cliniques (ouverture aux non médecins), en attendant que le texte soit voté, des institutionnels locaux opèrent des rapprochements et posent des actes concrets. par adama sylla
En coulisses, les institutionnels marocains s’activent pour les cliniques privées. S’ils sont jusqu’ici peu bavards sur le sujet parce que la nouvelle loi libéralisant la détention du capital des cliniques (ouverture aux non médecins) n’a été approuvée pour l’instant que par la commission sociale de la Chambre des représentants, les rapprochements opérés ainsi que les actes posés par certains opérateurs ces derniers mois ne trompent pas, à l’instar des banques pour la finance islamique il y a quelques mois. Ainsi, en marge de la 1ère édition du Forum économique Maroc-Brésil à Marrakech, le 22 novembre dernier, le Groupe Holmarcom a saisi l’occasion pour faire connaitre son intention d’investir dans le secteur de la santé. En effet, il a signé une convention avec Albert Einstein Hospital, le plus grand groupe opérant dans le secteur de la santé au Brésil et en Amérique latine. Holmarcom prévoit d’investir dans le secteur en s’appuyant sur l’assistance technique et le conseil du partenaire brésilien. A noter, que le groupe de la famille Bensalah est l’actionnaire majoritaire d’Atlanta et de Sanad, ce qui lui offrirait des synergies importantes, notamment avec la libéralisation du capital des cliniques. La filialisation de l’activité est déjà effective au sein du Groupe Saham avec Saham Santé, créée depuis le 8 octobre 2013 et qui a pour objet la création, le développement et la gestion d’établissements de soins. Depuis, le Groupe Saham travaille avec Asisa, un leader espagnol dans l’assurance santé et les centres de soins, afin de concevoir une offre de services unique dans le domaine des centres de diagnostics en Afrique. En effet, le groupe ambitionne également de développer un réseau international de cliniques. Dans cette foulée, il a créé parallèlement en partenariat avec ce groupe espagnol qui se chargera du volet opérationnel, Saham Asisanté, une autre entité dédiée à la mise en place d’établissements de soins dans le Royaume. Mais récemment, c’est en Afrique subsaharienne où le holding est allé jusqu’au bout de sa logique, c’est-à-dire là où la réglementation est déjà favorable à un tel investissement. Récemment, il a acquis six cliniques en Côte d’Ivoire. Il faut dire que dans cette région, le terrain est quasiment vierge, mais très prometteur. La Société financière internationale (IFC), filiale de la Banque mondiale, a estimé il y a quelques années les besoins en investissements dans le secteur de la santé en Afrique à plus de 22 milliards d’euros. Si en Afrique subsaharienne, Saham misera, selon une source proche du holding, dans des centres plus généralistes (diagnostic, radiologie, laboratoires d’analyses ou obstétrique), en revanche au Maroc, où opèrent 300 cliniques privées pour la plupart en chirurgie générale ou obstétrique, la priorité sera donnée plutôt à des spécialités comme la cancérologie ou la neurochirurgie. La clinique Ghandi de Casablanca que le Groupe Saham vient d’acquérir s’inscrit dans cette approche. D’autres établissements sont dans le viseur du holding qui prévoit également d’en construire dans le pays, notamment à Marrakech où l’unité en chantier ouvrira ses portes au courant de l’année prochaine, sans compter le projet de centre d’imagerie et de diagnostic médical à Rabat. Au-delà, certaines rumeurs non vérifiées évoquent déjà des pourparlers indirects de Saham avec certains établissements existants, comme les cliniques de L’Hermitage, Zerktouni ou encore Badr. Il faut dire qu’aux yeux de tous, ces projets sont porteurs de fortes synergies avec ses deux activités principales, à savoir l’assurance (CNIA Saada) et l’assistance (Mondial Assistance), voire son activité dans l’industrie pharmaceutique dans laquelle il a acquis en mars 2011 le site de fabrication marocain de la compagnie internationale Glaxosmithkline. Autrement dit, il entend offrir toute la palette de services liés à la santé comme le modèle d’Espirito Santo au Portugal, présent de la banque, à la santé, en passant par l’assurance.
Même si elle ne devrait pas privilégier cette option, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) s’intéresse également à cette niche. Elle qui est chargée de la création d’un pôle de santé dans la nouvelle ville de Zénata. Pour ce faire, elle n’a pas hésité à se rapprocher de la Fundación Parque Tecnológico de la Salud (PTS) de Granada. Objectif : explorer une possible coopération, notamment pour s’inspirer du parc de Santé de la ville espagnole pour ériger le pôle Santé de la ville de Zénata.
Aujourd’hui, les institutionnels locaux sont en train d’opérer un virage à 360° sur un sujet qui était il y a encore peu, tabou. La nouvelle loi libéralisant la détention du capital des cliniques va changer beaucoup de choses. Elle va contribuer à résoudre le problème de manque d’infrastructures sanitaires et augmenter la concurrence entre cliniques, qui devrait se traduire par une pression baissière sur les prix, ainsi qu’une amélioration des services. Le tourisme médical pourrait prendre également son envolée avec une demande importante en provenance du Golfe et de l’Afrique. Encore faudrait-il que la nouvelle carte sanitaire en préparation, arrive à orienter les investissements privés dans les «déserts médicaux» du Royaume. En attendant que la nouvelle loi soit votée, les mouvements dans les cliniques vont se poursuivre.