Combat de coqs pour une CAN
La Coupe d’Afrique des Nations 2019 n’aura pas lieu au Maroc. Cela est officiel depuis la semaine dernière, et « Challenge » avait, parmi tous les hebdos paraissant le vendredi 14 décembre dernier, été le seul à vous en annoncer la nouvelle et à la commenter.
Depuis, la machine médiatique s’est emballée et l’opinion publique ne sachant à quel saint se vouer en a fait, pratiquement, une affaire d’Etat.
C’est quand même bizarre que l’annonce de ne pas organiser une manifestation pour laquelle on n’était pas candidat, prenne une importance aussi grande et provoque des polémiques dérangeantes.
Que le Maroc n’organise pas la CAN 2019 semble en avoir dérangé plus d’un. A commencer par le président de la CAF, le malgache Ahmad Ahmad, qui considérait comme acquis le fait de voir évoluer, en juin prochain sur les terrains marocains, les 24 équipes qualifiées. La complicité du président de la CAF avec Fouzi Lekjaâ, président de la FRMF, n’étant un secret pour personne, certains en ont vite conclu que ce qui touchait Ahmad impactait Fouzi.
C’est un raisonnement qui n’est pas aussi évident qu’on veut bien le dire.
L’organisation d’une CAN dans un pays n’appartient pas à la fédération nationale, quel que soit le pays, mais c’est une décision souveraine qui doit venir des plus hautes sphères de l’Etat.
Quand donc, et à quel moment, le Royaume du Maroc s’est-il déclaré candidat pour 2019 et a fortiori, quand a-t-il pensé l’organiser automatiquement quand le Cameroun aurait été déclaré forfait ? Jamais.
Pourtant, tout le monde pensait que le Maroc était le remplaçant désigné du Cameroun, et tout le monde semblait s’y préparer même, si répétons-le, aucune personne autorisée n’en avait émis le vœu.
Alors comment un tel imbroglio s’est-il déclenché ?
Il y a là plusieurs explications, la première tient à la personnalité de Fouzi Lekjaa, président ambitieux et conquérant que rien ne pouvait faire reculer. La seconde raison découle de la première, l’attitude de Lekjaa dérange d’autres dépositaires de l’autorité sportive, à commencer par le ministre de tutelle Rachid Talbi Alami qui, en déclarant que le Maroc n’allait pas organiser la CAN 2019, a assorti cette déclaration d’une petite pique révélatrice : « On ne va pas organiser une compétition juste pour faire plaisir à quelqu’un ».
La rivalité larvée entre le ministre des sports et le président du football, en a profité pour s’exacerber. D’aucuns rappelant que les deux hommes ne se sont jamais bien entendus, se sont régalés de voir l’ampleur prise par cette animosité qui est plutôt un conflit d’égos. Conflit qui s’est déplacé dans les médias et sur les réseaux sociaux, où, tour à tour, les deux hommes en ont pris pour leurs grades. Il y avait les pros Lekjaa et les antis, ces derniers ont trouvé leur pâture sur le site « Barlamane.com » qui a débité le malheureux Lekjaa, en tranches. Les attaques auront dépassé le seuil de tolérance comme souvent dans les affaires sportives, et la CAN 2019 a révélé bien des travers.
Lekjaa a péché par excès de confiance, sûr que la CAN ne pouvait avoir lieu qu’au Maroc et que les Lions de l’Atlas allaient avoir ainsi l’occasion de gagner un trophée qui nous fuit depuis plus de 40 ans.
Le ministre, lui, aura gâché son annonce par un excès de suffisance, donnant l’impression qu’il rabattait le caquet à son gênant rival.
Auront-ils, ces deux hommes, pensé un seul instant que la CAN est un évènement qui dépasse leurs deux petites personnes ?
La preuve en est le « chaos » qui secoue la Confédération Africaine de Football (CAF) et que dénoncent la plupart des magazines internationaux. Certains trouvent que le Cameroun a été trop vite « balayé », ce qui est évidemment faux, mais dans une campagne d’intox personne ne se prive de rajouter un peu de fiel, comme l’a fait le vénérable collègue le sénégalais de Marseille, Pape Diouf qui a déversé bile et haine sur le Maroc et la CAF. D’autres ont suivi ce chemin nauséabond, alors que l’histoire est simple et claire comme le jour : Le Maroc n’organisera pas cet événement qu’il n’avait d’ailleurs jamais demandé, et la CAF a maintenant jusqu’à début janvier pour choisir entre l’Afrique du Sud et l’Egypte dont les candidatures ont été retenues.
Fin de l’histoire pour le Maroc mais hélas, pas pour la CAF d’Ahmad Ahmad qui doit passer par la case Tribunal Arbitral du Sport (TAS).
La Côte d’Ivoire et les Iles Comores veulent jouer les prolongations. On verra ce qui en sortira, et on démêlera alors l’écheveau de cette affaire qui aura été nouée de toutes sortes de cordes alors qu’elle paraissait, au départ, cousue de fil blanc.