Comment l’export marocain a retrouvé la forme
Une reprise plus rapide que prévu pour les exportateurs marocains. Après une année 2020 en mode lockdown, les exportations marocaines ont retrouvé à fin novembre dernier, leur niveau d’avant crise dans quasiment les principaux moteurs du Maroc à l’export. Comment expliquer ce dynamisme subitement retrouvé ? Pour autant, les importations continuent d’évoluer à un rythme beaucoup plus prononcé que les exportations. Quelle marge de manœuvre pour le Maroc pour inverser cette tendance qui devient de plus en plus structurelle ?
Après les perturbations sur le commerce extérieur et les chaînes de valeur mondiales causées par la pandémie de Covid-19 durant l’année 2020, les principaux moteurs marocains à l’export ont retrouvé en 2021 leur dynamisme, au point qu’ils affichent des performances qui dépassent leur niveau d’avant-crise. Ainsi, à l’issue des onze premiers mois de 2021, les exportations globales de marchandises ont atteint 293,15 milliards de DH, contre 258,4 milliards de DH à fin novembre 2019, soit avant le début de la pandémie (239,3 milliards à fin novembre 2020), selon les données de l’Office des changes.
L’industrie automobile porte bien cette dynamique. Les exportations du secteur ont atteint 75,8 milliards de DH à fin novembre 2021. C’est 5,5 milliards de DH de plus que les exportations automobiles à fin novembre 2019, preuve que l’industrie automobile a fait mieux que dépasser son niveau historique d’il y a deux ans. D’ailleurs, selon les professionnels, leur secteur pouvait exporter davantage si la pénurie sans précédent de semi-conducteurs au niveau mondial n’avait pas impacté la production des constructeurs automobiles et dont le manque à gagner pour le secteur au Maroc est estimé entre 10 à 15 milliards de DH d’exportations, par le ministère de l’Industrie. Il n’empêche, que l’industrie automobile marocaine a engrangé plus du quart des exportations globales de marchandises dans le Royaume, soit 25,9%.
L’autre locomotive marocaine à l’export qui se distingue sur les marchés internationaux est celle des phosphates et dérivés, dont les ventes à l’étranger ont atteint 69,2 milliards de DH à fin novembre 2021, contre 45,2 milliards de DH à fin novembre 2019. Les exportations de ce secteur, qui sont l’œuvre du groupe OCP, profitent d’une forte hausse des cours des engrais naturels et chimiques sur les marchés mondiaux en 2021, ces derniers étant passés de 2.779 DH la tonne à fin novembre 2020 à 4.595 DH la tonne à fin novembre 2021.
Autre moteur des exportations marocaines qui fait mieux qu’avant la crise, le secteur de l’agroalimentaire, a su surfer sur la vague de la très bonne campagne agricole. Durant les onze premiers mois de cette année, il a réalisé 62,9 milliards de DH d’exportations contre 54,8 milliards de DH à fin novembre 2019. Outre l’automobile, les phosphates et dérivés, et l’agroalimentaire, qui ont pesé pour 70,9% de la totalité des exportations marocaines de marchandises, deux autres locomotives à l’export, notamment le secteur textile et cuir et celui de l’aéronautique, ont continué à se redresser pour se rapprocher progressivement de leur niveau historique de 2019. Comment expliquer que toutes les locomotives des exportations marocaines affichent quasiment des performances qui dépassent leur niveau d’avant les perturbations sur le commerce extérieur et les chaînes de valeur mondiales ?
Des secteurs résilIents
« Après une année totalement atypique en 2020, le commerce mondial est reparti fortement à la hausse en 2021. Si nos principaux secteurs d’exportation en ont profité pour retrouver dès novembre dernier leur niveau d’avant la Covid, ils feront même mieux en termes de statistiques à l’issue de 2021 qui sera mieux que l’année historique d’avant crise, c’est-à-dire 2019 », souligne Hassan Sentissi El Idrissi, Président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX) qui estime que la reprise a été plus rapide que prévu pour les exportateurs marocains. L’an dernier, les exportations marocaines ont été amputées de 56 milliards de DH : elles avaient atteint 130,2 milliards de DH en 2020 contre 186,3 milliards de DH en 2019.
Pour Jean-Michel Huet, Associé BearingPoint, même « s’il est trop tôt pour faire des analyses macro-économiques », les belles performances des principales locomotives marocaines à l’export peuvent s’expliquer, entre autres, par « l’effet rebond en «U» qui a marqué beaucoup d’économies : une vraie chute au 2nd trimestre 2020, puis 2 ou 3 trimestres compliqués et enfin, un vrai rebond surtout le 2nd trimestre 2021 ». « Ces bons résultats sont à associer à plusieurs facteurs », précise-t-il. Il faut dire, que le Maroc a choisi de faire partie d’une économie ouverte, ce qui a donné ses fruits, notamment en termes de positionnement à l’international et de développement de produits de qualité comme le phosphate et ses dérivés sortis des sites du Groupe OCP. Mieux encore, le géant mondial des phosphates a performé en pleine crise : déjà, en 2020, en pleine crise Covid, il a réalisé un chiffre d’affaires de 56,18 milliards de DH, soit une hausse de 4%, par rapport à 2019.
Ce qui n’était pas le cas par exemple, pour le secteur du textile qui a pâti des impacts de la crise sanitaire à travers le monde. En effet, le travail à distance, le confinement et la fermeture des commerces et la baisse de la consommation des articles vestimentaires, expliquent l’essoufflement de l’activité au Maroc. Mais les opérateurs marocains ont pu faire preuve de résilience et ont été réactifs pour faire face à la nouvelle conjoncture. Cette réactivité a amené le secteur à opérer une reconversion rapide qui a permis l’émergence d’une nouvelle filière :
le textile technique à usage médical.
Selon Mohamed Boubouh, Président de l’Association marocaine des industries textile et de l’habillement (AMITH), « le secteur s’est adapté à la conjoncture de crise pour redémarrer la machine : le secteur a un rôle socioéconomique important et l’expérience de la Covid-19 a confirmé l’importance du secteur. L’AMITH a mis en place une stratégie pour fabriquer le tissu conforme à la norme selon des standards qui étaient inconnus de par le monde. On manque certes en amont de textile, mais nous avons pu répondre à l’appel de la fabrication des masques en un temps record ».
Pour sa part, le secteur marocain de l’automobile a beaucoup profité du regain de demande mondiale. « En dépit de la crise sanitaire, les fondamentaux de l’offre automobile marocaine sont restés inchangés. Il s’agit de la plateforme la plus compétitive desservant l’Europe », justifie Abdeslam Touhami, Economiste, notant même si de nouvelles mesures spécifiques d’aide à l’export n’ont pas été mises en place par le gouvernement, les exportateurs à l’instar des autres opérateurs économiques ont profité aussi des mesures de relance mises en place par l’Exécutif.
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Si le Maroc amorce depuis plusieurs mois une sortie de crise et que la reprise économique continue de booster les échanges extérieurs qui ont atteint leur niveau d’avant-crise, à fin novembre 2021, il n’en demeure pas moins que le déficit commercial continue de se creuser. Les importations augmentant plus vite que les exportations, selon les derniers indicateurs de l’Office des changes arrêtés à fin novembre 2021. Les achats du Royaume sur ladite période se sont affermis de 24%, marquant un accroissement de 91,62 milliards de DH en glissement annuel. Pour ce qui est des exportations, elles ont marqué un accroissement de 22,5% pour se situer autour de 293,15 milliards de DH. Ainsi, le déficit commercial s’établit à – 181 milliards de DH en hausse de 26,4%. Le taux de couverture, quant à lui, se situe à 61,8%.
Il faut dire, que ce déficit commercial pâtit surtout à la fois des hydrocarbures (énergie) et du blé, qui pèsent lourds dans les achats du Royaume. « Il est vrai qu’en dépit des performances enregistrées par nos principales locomotives à l’export, nous n’arrivons toujours pas à inverser la tendance prise par les importations sur les exportations. Certes, pour l’instant, nous sommes obligés d’importer les hydrocarbures et le blé, mais nous devons malgré tout miser davantage sur les services qui peuvent nous prévaloir beaucoup de satisfaction. Parallèlement aux recettes voyages qui contribuent principalement au niveau du service, il y a d’autres domaines à explorer. D’ailleurs, le service a beaucoup pâti des difficultés du tourisme», soutient Abdeslam Touhami. En effet, durant les onze premiers mois de l’année dernière, la balance des échanges de services affiche un excédent en hausse de 5,9% ou +3, 3 milliards de DH. Ainsi, les exportations s’améliorent pour se situer à 127,5 milliards de DH à fin novembre 2021 contre 116,9 milliards de DH un an auparavant, soit +9,1% ou +10, 5 milliards de DH.
Un fonds dédié au développement des exportations dans le pipe
Aujourd’hui, dans ce contexte de relance économique post-covid, l’export représente un levier de croissance stratégique pour le pays et les défis qui attendent les exportateurs marocains sont énormes. C’est dans ce cadre, qu’une délégation de l’ASMEX a été reçue par le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, en vue d’étudier ensemble les meilleures pistes de collaboration pour le développement du commerce extérieur et le soutien des exportateurs. A l’issue de cette réunion, il a été convenu d’un commun accord avec le ministre, de mettre en place des fonds dédiés au développement des exportations, un comité de pilotage des exportations, dont l’architecture sera définie ultérieurement, de développer une plateforme nationale pour le e-commerce destiné à l’export et conclure un contrat-programme avec l’ASMEX.
Quoi qu’il en soit, l’optimisme est de mise pour 2022, étant donné le très fort rebond des carnets de commandes à l’exportation depuis le début de l’année dernière. En attendant, les performances en constante amélioration des secteurs de l’automobile, des phosphates et dérivés, de l’agroalimentaire, de l’agriculture et du textile, ont motivé l’Office des changes à lâcher du lest en ce qui concerne les montants de la dotation touristique (100.000 DH) et celui du plafonnement des entreprises désirant investir à l’étranger (200 millions de DH).
Export : quels avantages fiscaux ?
Les avantages en matière d’impôt sur les sociétés (IS) diffèrent selon le type de l’activité. Ainsi, on distingue les avantages fiscaux pour les exportateurs de biens et ceux pour les exportateurs de services. Avant 2020, les entreprises qui exportent des services disposaient d’une exonération de l’I.S pendant une période de 5 années. La loi de finance relative à l’exercice 2020 a supprimé cet avantage. Les entreprises qui réalisent l’export de services sont, de ce fait, depuis cette date, imposables à partir de la première année d’exportation. Cependant, ces entreprises bénéficient d’un taux d’impôt réduit plafonné à 20%.
Par ailleurs, la loi procure un avantage particulier aux entreprises qui réalisent des opérations d’externalisation de services. Celles-ci bénéficient de l’exonération totale de l’IS pendant les cinq premiers exercices consécutifs à compter de la date du début de leur exploitation. Quant aux sociétés exportatrices de biens, elles bénéficient de l’exonération lorsqu’elles ont une activité industrielle. Ainsi, elles bénéficient de l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés pendant les cinq premiers exercices consécutifs à compter de la date du début de leur exploitation. Mais depuis 2017, l’export n’est même plus une condition pour bénéficier de l’exonération quinquennale. En effet, pour les sociétés industrielles cet avantage a été généralisé depuis cette date.
Il faut noter, que les opérations d’export au Maroc sont exonérées de TVA. Il s’agit d’une exonération avec droit à déduction. L’exonération s’applique à la dernière vente effectuée et à la dernière prestation de service rendue sur le territoire du Maroc et aussi ayant pour effet direct et immédiat de réaliser l’exportation elle-même.