Blog de Jamal Berraoui

Conscience par ( Jamal Berraoui )

Un juge s’est suicidé. Il avait été limogé par le Conseil supérieur de la magistrature pour corruption. Un justiciable l’avait piégé à Casablanca, alors qu’il officiait à El Jadida. Pris en flagrant délit, l’homme n’avait pas beaucoup de moyens de défense. C’est un drame humain, mais la justice n’a fait que son travail.
Ce n’est pas le cas de la presse. Nous en faisons collectivement trop. Le cas du juge est à la << une >> de tous les journaux en citant son nom et sa photo. L’info est vendeuse.
Sauf que c’est un mort qui a laissé derrière lui une famille, des enfants qui n’ont rien à se reprocher et qui vont être stigmatisés parce qu’ils sont les descendants d’un homme accusé de corruption, qui a préféré mettre fin à sa vie, plutôt que d’affronter l’humiliation d’un procès public. Pour moi, ce geste prouve qu’il avait une conscience, des valeurs. D’autres, les vrais voleurs, vont en prison et sortent pour bénéficier des biens mal acquis, sans problème, lui s’est suicidé.
Je suis traumatisé par une histoire qui date d’il y a 20 ans. J’avais des frictions avec un confrère et ami, qui a publié une photo de moi, loin d’être avantageuse et un article sulfureux. Mon fils aîné est revenu à la maison en pleurant, l’un de ses camarades de classe a ramené le journal en question, l’a montré à tous les élèves qui se sont attaqués à mon fils, sur le thème << ton père est un clochard >>. Si une photo malveillante peut faire autant de dégâts, alors il nous faut, nous journalistes, prendre beaucoup plus de précautions à l’avenir.
Combattre la corruption, dénoncer les faits délictueux fait partie de notre mission. Malgré tous les excès que l’on peut dénoncer, nul ne peut nier que depuis toujours, la presse marocaine joue ce rôle-là de manière certaine. Ce qu’il nous faut éviter, c’est l’acharnement. Trop de gens ont été trainés dans la boue avant d’être innocentés par la justice, ce qui ne répare pas les blessures causées à leur entourage. Les coupables, une fois punis, ont le droit de reprendre une vie normale, sans que l’on ressorte leur histoire comme un marronnier. En écrivant cette phrase, je pense à Laâfoura, l’ancien gouverneur. Je l’ai affronté quand il était le patron de Casablanca. Nous n’avons pas le droit de continuer à le harceler. Il a payé sa dette, c’est un  citoyen comme les autres. C’est surtout un père. N’oublions jamais cette dimension là.  

 
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