Consultant IT, entrepreneur entre le Maroc, les USA et le Mexique
Depuis toujours, sa vie tourne autour des sciences et techniques. Ce trentenaire, qui a fait toute sa carrière dans la même entreprise, avant même de terminer ses études, se retrouve à la tête d’un groupe d’offshoring, entre le Maroc, les USA et le Mexique. Par Noréddine El Abbassi
Karim Jernite est un “archétype”, celui du marocain venu aux Etats-Unis pour des études et qui se retrouve à la tête d’une entreprise multinationale, plus d’une dizaine d’années plus tard. C’est un “self made man” dans la plus pure tradition américaine, qui confirme une fois de plus, l’idée que l’on se fait de la “terre de toutes les opportunités”. “La rencontre”, en visioconférence sur le web, montre Karim dans le style de l’informaticien californien, chemise bleu claire, façon “casual friday” perpétuel, barbe taillée et front haut. On devine l’odeur du propre et du frais, et il se dégage de sa personne une impression de “patron cool”, proche de ses collaborateurs et qu’il pousse à vivre au maximum de leurs capacités. Lorsque l’on parle de sa réussite, sa modestie très présente durant tout l’entretien, l’emporte et il évoque plutôt la chance qui l’aurait aidé. Mais comme on le sait, la chance c’est de “savoir saisir ses opportunités”, et de faire de ses essais des réalisations.
Karim est né en 1981, à Casablanca, “la belle”, comme il se plaît à la qualifier. Son père, technicien qualifié, exerce en tant que mécanicien de “machines lourdes”. Lors des premières années d’enfance de Karim, la famille habite le quartier centré du Maârif, avant de migrer vers Aïn Sebaâ, plus excentré et à caractère industriel affirmé. C’est de là qu’il gardera la plupart de ses souvenirs d’enfant, entouré de deux frères plus jeunes et d’une mère attentive. “Le quartier était habité principalement par une population de classe moyenne. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que le syndicat des Enseignants avait acheté des terrains pour ses membres”, commente-t-il. Mais il ne se fait pas d’illusions et affirme, sans complexe, avoir grandi entouré de gens modestes et parfois même pauvres. Il était courant de partager un sandwich au thon et à la harissa (ton oul hrorr), après avoir disputé un match de foot avec les amis. Sa mère, elle, toujours attentive, examine ses amis à la loupe. «Ma mère m’a ainsi épargné de faire des bêtises», explique-t-il dans un rire en ajoutant: «I love my Mama».
Karim est naturellement scolarisé dans le système public, après avoir passé son primaire dans le privé: “il fallait poser les bases de la langue française. Mon père avait deux soucis: que nous maîtrisions les langues étrangères et d’être bons en maths. Pour lui, si nous n’obtenions pas un bac série Sciences Maths, ce n’était même pas la peine d’entamer des études supérieures”, se confie-t-il, donnant raison aux propos de son père.
Les années étudiant
Prémonitoire cette enfance de “bricoleur”, peut-être un “héritage” de son propre père. Lequel vivant pleinement son métier et comme il se doit, de nombreux outils disponibles à la maison. Karim se passionne pour l’activité technique et se découvre une aptitude pour la réparation des appareillages électroniques: “Mon père me conseillait dans mes réparations et m’indiquait quels produits utiliser, tout en me laissant la latitude d’apprendre par moi-même. Je réparais la “vidéo”, la parabole qui venait d’apparaître”, se remémore-t-il, un sourire radieux aux lèvres et empli de gratitude envers ce personnage. Un “ingénieur à l’ancienne” a-t-on envie de dire. Karim n’a que 14 ans, lorsque sa vocation pour l’industrie spatiale, se dessine: “Qui dit spatiale, ou aérospatiale, dit les USA, pour les études. J’en ai fait d’ailleurs part à mon père, dès ce moment là. Ce dernier devenu Directeur Technique de l’entreprise, savait faire plus et se battre pour permettre à ses enfants de parachever leurs études. Il a donc lancé sa propre entreprise, à peu près au moment même où je partais aux Etats-Unis”, rappelle-t-il. Le Bac en poche, Karim s’envole pour la Californie.
Nous sommes en 1998 lorsqu’il pose ses bagages sur West Coast en compagnie d’un ami. Une belle opportunité, puisque à peine âgé de 17 ans, tout seul, il ne pouvait même pas louer une chambre d’hôtel.
Entrepreneur “sorti du rang”
Au moment d’entamer ses études, il doit d’abord faire face à une déconvenue: les inscriptions pour l’ingénierie spatiale étaient closes. Il s’oriente alors vers le Génie Informatique, sans pour autant être au bout de ses peines. “Mon père m’envoyait certes de l’argent pour les frais de scolarité. Le nombre de cours minimum était de 5, mais l’obtention d’un diplôme, en nécessitait 8. Or, l’Office des Changes n’autorisait pas le virement de la différence. J’ai donc dû faire des petits boulots pour faire face à la situation”, explique-t-il. Karim est amené à faire des petits travaux, dont celui de “plongeur”, dans les cuisines de restaurants. L’occasion d’apprendre la langue espagnole, au contact de la faune “latino” des petites mains des arrières cuisines. Il donne aussi des cours particuliers à des lycéens.
Dès 2001, une opportunité se présente, lorsque des camarades de classe saoudiens le recrutent au sein de leur start-up, Uniwords. Le concept est novateur, puisqu’il propose d’introduire des “mots clés” dans les moteurs de recherche. L’entreprise décolle rapidement, mais le 11 septembre arrête son ascension et met fin au rêve de devenir millionnaire dans la Silicon Valley et de faire les “unes du Magazine Wired”: “Dès lors, les musulmans se retrouvent persécutés. Plus spécialement les saoudiens, qui, pour la plupart ont dû quitter les USA ”, regrette-t-il, devant l’ampleur des répercussions de ce drame national américain. Cependant, en 2002, Karim est recruté par une Compagnie d’Assurances, comme responsable du système d’information. L’entreprise, de taille réduite prendra de l’ampleur, et toute la carrière de Karim aux USA, sera liée à ce groupe, qui multiplie par 40 sa taille, et dans laquelle il deviendra progressivement Manager, puis Directeur du Système d’Informations. “Les logiciels développés à mon époque sont encore en place aujourd’hui. Je n’avais même pas mon Bachelor, et je travaillais dans les IT. Ce sont les responsables de cette même entreprise, qui m’ont “sponsorisé” pour obtenir ma Green Card. Je suis resté 12 années avec eux”, dévoile-t-il.
Personnellement, Karim opte pour une vie “stable” dès 2008, lorsqu’il se marie. Une année plus tard verra la naissance de leur premier enfant. “Une année après la naissance de notre enfant, ma femme voulait recommencer à travailler. Mais la vie en entreprise aux USA est très exigeante. Je lui ai donc suggéré de créer sa propre entreprise. Après réflexion, elle s’est lancée dans le Business Consulting. Depuis 2004, j’avais acheté le “nom de domaine” Advancio.com et je rêvais de lancer mon entreprise,” explique-t-il. Rapidement, le couple décroche des contrats de Conseil en Technologie de l’Information, et Karim se voit participer dans l’activité du cabinet. Puis en 2013, le couple entrepreneur, prend la mesure de l’opportunité de l’Outsourcing. Tout s’enchaîne alors naturellement. Karim a pour ambition de vivre entre le Maroc et l’Amérique, et avec l’aide de son frère, il ouvre une antenne à Casablanca. Une seconde filiale d’offshoring verra le jour au Mexique, pays d’origine de sa femme. Depuis, Advancio s’investit dans les évènements de promotion des talents au Maroc. “Lorsque je serais à la retraite, mon ambition sera d’avoir une école pour apprendre la programmation aux jeunes et moins jeunes”, lâche-t-il, dans un éclat de rire. Un patron cool, qui n’a pas oublié d’où il vient. n
BIO EXPRESS
1981: naissance à Casablanca
1998: Bac Sc Maths au Lycée
Ibn Al Ouam (Aïn Sebaâ)
Départ pour l’Université de
Northreedge (Californie- USA)
2001: débuts à Uniwords
2002: responsable informatique à
Alliance United Insurance Compagnie
2003: Diplôme d’Ingénieur informaticien
2006: Master en Management
2007: Directeur des Systèmes d’Information
2010: fonde le cabinet de Conseil en
Affaires Advancio
2013: ouvre la filiale d’offshoring
Advancio Maroc
2014: ouvre Advancio Mexique