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Contrôle des concentrations économiques : le gouvernement garde la main

Depuis son installation en 2009, le Conseil de la Concurrence a concentré une bonne partie de ses efforts sur la revendication de son indépendance vis-à-vis du gouvernement. Sa requête a été bien entendue à l’occasion de l’élaboration de la Constitution de 2011 qu’il a érigée en «institution indépendante chargée, dans le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques». Si dans le cadre de la refonte des deux textes régissant la concurrence (loi relative au Conseil de la Concurrence et loi relative à la liberté des prix et de la concurrence), l’indépendance du Conseil a été nettement renforcée, il n’en demeure pas moins vrai que le gouvernement se réserve le dernier mot en matière de contrôle des concentrations qui constitue une composante importante du droit de la concurrence. par C.A.H.

Dans le cadre de la nouvelle loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, le contrôle des concentrations économiques relève dorénavant en bonne partie, de la compétence du Conseil de la Concurrence qui doit recevoir notification de tous les projets de concentration. Bien sûr, les concentrations ne tombent pas toutes sous le coup de la loi relative à la libre concurrence ; seules celles qui sont susceptibles d’entraver le libre jeu de la concurrence sont concernées. Deux cas son retenus ; tout d’abord lorsque les entreprises parties à l’opération de concentration réalisent un chiffre d’affaires mondial supérieur ou égal à 750 millions de DH ou un chiffre d’affaires réalisé au Maroc, supérieur ou égal à 250 millions de DH; ensuite lorsque ces entreprises ont réalisé ensemble durant l’année précédente plus de 40% des ventes et achats sur le marché de biens , produits ou services de même nature. Compte tenu du tissu économique marocain constitué en bonne partie de petites et moyennes entreprises, ces niveaux ne peuvent être atteints que très rarement.

Il existe un formalisme strict

Le traitement des opérations de concentrations économiques obéit à un formalisme strict garantissant dans un cadre transparent les droits de toutes les parties concernées. Ainsi dès réception de la notification de l’opération, le Conseil publie sur son site internet et dans un journal d’annonces légales, un communiqué comportant des informations sur ladite opération notamment, les noms des entreprises, la nature de l’opération, le secteur économique concerné et le délai dans lequel les tiers intéressés peuvent formuler leurs observations.
Le Conseil est tenu de se prononcer sur l’opération dans un délai ne dépassant pas soixante jours à compter de la date de notification. Mais d’une manière générale, la durée de l’examen dépend de la nature de l’opération et de sa complexité. Sa décision peut revêtir plusieurs formes ; soit il constate que l’opération n’entre pas dans le champ de son contrôle, soit il l’autorise sans conditions, soit il l’autorise en la subordonnant à la réalisation des engagements pris par les parties concernées, consistant à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération de concentration.
Lorsque le Conseil estime qu’il y a un risque sérieux d’atteinte à la libre concurrence, il engage un examen approfondi pour vérifier si l’opération est de nature à porter préjudice à la concurrence, notamment «par la création ou le renforcement d’une position dominante ou par la création ou le renforcement d’une puissance d’achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique». Le Conseil apprécie en même temps si les apports de l’opération sont de nature à compenser les atteintes à la libre concurrence. Durant cette phase, le conseil peut entendre les tiers pour recueillir leurs avis sur l’opération de concentration. De même, les parties ont la possibilité de proposer des engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l’opération.

Le Conseil peut interdire ou autoriser…

Au terme de la phase d’examen approfondi, le Conseil peut soit interdire l’opération de concentration, soit l’autoriser en la conditionnant par la réalisation effective des engagements pris par les parties ou par la prise par ces dernières, de mesures de nature à assurer la libre concurrence ou à compenser l’atteinte à la libre concurrence par une contribution au progrès économique.
Le gouvernement n’est pas tenu de suivre la décision du Conseil de la Concurrence, dans la mesure où il a la possibilité aux termes de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence, d’évoquer l’affaire et de statuer sur l’opération de concentration en tenant compte d’autres considérations que la libre concurrence. Certains paramètres peuvent l’emporter: la préservation de l’emploi, la réalisation d’investissements, l’impact positif de l’opération de concentration sur l’innovation, la compétitivité des entreprises au regard de la compétition internationale, etc. Dans ce cadre, il convient de rappeler, même si l’opération est antérieure à la réforme, que la fusion des cimentiers Lafarge et Holcim a reçu l’aval du gouvernement, alors que l’entité qui naîtra de cette fusion détiendra plus de 65% de parts de marché.
Il ressort donc, que le gouvernement marocain en suivant la pratique consacrée au niveau international, n’a pas voulu à l’occasion de la refonte du droit de la concurrence, se dessaisir au profit du Conseil de la Concurrence de ses prérogatives en matière de contrôle des concentrations économiques. L’enjeu est parfois de taille, surtout lorsque l’opération de concentration fait intervenir des entreprises étrangères; dans certains cas, le critère de la libre concurrence s’efface devant le poids des intérêts stratégiques du pays.

 
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