Pandémie

Coronavirus : faut-il s’inquiéter de la multiplication des clusters au Maroc ?

Même si le Maroc accélère son déconfinement, le coronavirus n’a pas encore disparu. Depuis quelques jours, plusieurs foyers de contamination ont été recensés. Est-ce vraiment inquiétant ? Selon Pr Jaâfar Heikel, épidémiologiste et infectiologue, expert International et Directeur général de la clinique de Vinci à Casablanca, « la réponse est oui et non ». Explications.

Voilà quatre jours qu’un vent de liberté semble souffler sur le Maroc. Déconfinement oblige, nombreux sont les Marocains à avoir profité des gros rayons du soleil pour se retrouver les pieds dans l’eau, quand d’autres ont préféré faire le pied de grue devant les enseignes de prêt-à-porter.  Une liberté retrouvée qui ferait presque oublier qu’il y a quelques jours encore, certains déplacements devaient être calibré au kilomètre près. Et pourtant, le virus de la Covid-19 circule encore, en témoignent les récents clusters identifiés ici et là. Mais faut-il vraiment s’inquiéter de voir fleurir au Maroc de nouveaux foyers de contamination ? Selon Pr Jaâfar Heikel, épidémiologiste et infectiologue, expert International et Directeur général de la clinique de Vinci à Casablanca, « en principe, il ne faut pas s’inquiéter de la résurgence de cas positifs dans le cadre d’une politique de dépistage élargi ». Selon lui, cela peut aussi témoigner de l’efficacité de la stratégie contre l’épidémie de coronavirus. En effet, dit-il, lorsque les pouvoirs publics ont enclenché une première stratégie d’allégement du confinement, puis un déconfinement progressif avec le zoning en zone 1 et zone 2, ils ont pris une décision sage qu’ils ont accompagnée par un élargissement du dépistage. « Il était important que la reprise économique, particulièrement en milieu industriel et commercial, s’accompagne de dépistage des cas éventuellement positifs afin de les isoler, les traiter, et de s’emparer des cas contacts. Le pays est donc passé de quelques centaines voire quelques milliers de dépistage à 20.000 dépistages par jour. Il est évident que nous allions avoir une hausse des nouveaux cas dans les clusters », explique Pr Heikel qui définit un cluster comme la survenue d’au moins 3 cas confirmés ou probable, dans une période de quelques jours, et qui partagent un espace de travail commun, une forme de promiscuité, un certain nombre de règles d’hygiène et de sécurité sanitaire… « Lorsque ces règles ne sont toujours pas optimales, cela favorise la propagation du virus. Et donc quand on rapporte ce nombre de nouveaux cas par rapport au nombre de dépistage, le Maroc reste dans des proportions très faibles, c’est-à-dire inférieures à environ 3% de positivité », affirme-t-il.

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C’est dire si le nombre de clusters identifiés depuis l’allégement du confinement, peut faire peur, il n’y aurait pas de raison de s’inquiéter.  La réapparition de foyers épidémiques est donc bon signe, puisque cela montre que le confinement a été efficace. On s’intéresse de nouveau à des gens faiblement symptomatiques ou asymptomatiques, explique le Directeur général de la clinique de Vinci à Casablanca, qui avance deux raisons majeures. « 95% des cas dépistés, voire 98 %, sont soit asymptomatiques, soit avec peu de symptômes, donc ne présentant aucun danger du point de vue risque vital ou pronostic vital. Il s’agit là d’un point important.  La deuxième raison principale est qu’il est possible que ces personnes asymptomatiques ou peu symptomatiques transmettent le virus à d’autres personnes. Or, nous savons aujourd’hui gérer un cas positif. Tout ceci nous permet de dire qu’il ne faut pas s’inquiéter de ces clusters ». Paradoxalement donc, la multiplication des clusters, qui témoigne de la méthode efficace du dépistage élargi, pourrait permettre d’éviter un reconfinement général de la population, au profit d’un reconfinement localisé en cas de résurgence trop importante du coronavirus. Hier samedi 27 juin, le ministère de la Santé a également assuré que la situation épidémiologique de la Covid-19 au Maroc est maîtrisée et stable et que l’augmentation récente du nombre de cas positifs est due à l’élargissement du dépistage collectif précoce et actif réalisé pour contenir la pandémie et freiner sa propagation. L’élargissement du dépistage s’inscrit dans le cadre de l’accompagnement et de la préparation à l’allègement des mesures de confinement sanitaire, explique le ministère dans un communiqué, précisant que la situation épidémiologique dans le Royaume reste maîtrisée et stable, compte tenu du nombre réduit des cas critiques et du très faible taux de létalité.  Selon le ministère, 98% des malades sont asymptomatiques, mais demeurent toutefois transmetteurs du virus, ce qui nécessite leur prise en charge pour protéger les personnes fragiles et le respect strict des mesures préventives recommandées par les autorités sanitaires. 

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Mais pour Pr Jaâfar Heikel, également, tout n’est pas gagné d’avance et qu’on pourrait même s’en inquiéter. « Un élément me permet aussi de dire : attention, soyons vigilant ! Certes, il n’y a rien que nous ne sachions déjà sur ces clusters mais le risque existe. Il s’agit tout simplement de l’éventuel débordement des structures hospitalières, notamment les hôpitaux publics ou les endroits des regroupements comme par exemple ceux des sites de Benslimane et de Benguerir. Jusque-là, en effet, la stratégie des pouvoirs publics est d’hospitaliser systématiquement toute personne qu’elle soit symptomatique ou asymptomatique. Et cela peut être inquiétant d’autant plus que l’Etat a ouvert différents hôpitaux pour s’occuper des autres malades, de la santé de la mère et de l’enfant, de la vaccination des enfants, des malades chroniques, des sujets âgées… Et si de nouveau, les hôpitaux sont débordés, cela va être difficile à gérer », justifie-t-il. En effet, selon ce dernier, le secteur privé participait, ce qui n’est plus le cas depuis la fin de la période de Covid. « Qu’est ce qui va se passer par rapport au secteur privé ? Va-t-il de nouveau participer ou non et dans quelle circonstance ? Comment ne pas être débordé par les cas positifs et en même temps proposer une stratégie de prise en charge des personnes qui sont asymptomatiques ou présentant peu de symptômes dans ce nouveau contexte ? », se demande l’épidémiologiste et infectiologue qui recommande de réfléchir s’il n’y a pas d’alternatives de prise en charge, comme le suivi à domicile s’il y a une garantie d’isolement par exemple ou les unités d’isolement (en cas de non garantie d’isolement) publics ou privés dans le cadre d’un partenariat public-privé.

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