Covid-19 : appel de 150 personnalités à sauver 800 millions d’enfants de la déscolarisation
L’objectif est clair : alerter sur une menace grave qui guette, celle qui pourrait faire tomber quelque 800 millions d’enfants, garçons et filles, dans la déscolarisation. En cause, les efforts des États pour lutter contre la pandémie du coronavirus. Ces personnalités en appellent à l’annulation de la dette pour ces pays, à des aides plus spécifiques et à un engagement plus ferme des organismes internationaux et des gouvernements pour l’éducation.
L’appel est solennel et signé par 150 personnalités allant de ministres aux anciens chefs de gouvernements, d’États, aux universitaires, anciens secrétaires généraux d’organismes internationaux. Ils tirent la sonnette d’alarme sur la déscolarisation qui menace de sortir quelque 800 millions d’enfants des classes. En s’engageant fortement dans la lutte contre l’urgence de l’heure, le coronavirus, les gouvernements ont mobilisé des sommes colossales. Des efforts certes louables, mais qui ont eu comme corollaire de rediriger des fonds destinés à l’éducation vers cette priorité de l’heure. « Même avant la COVID-19, le monde faisait face à une crise de l’apprentissage. Plus de la moitié des enfants des pays en développement souffrant de « pauvreté d’apprentissage » et même à l’âge de 11 ans n’avaient que peu ou pas de compétences de base en lecture et en arithmétique », insiste la lettre. En conséquence, 800 millions de jeunes d’aujourd’hui quittent l’éducation sans aucune qualification, poursuivent les auteurs de l’appel. « Une préoccupation immédiate, alors que nous mettons fin au confinement, est le sort d’environ 30 millions d’enfants qui, selon l’UNESCO, pourraient ne jamais retourner à l’école. Pour ces enfants, les plus défavorisés du monde, l’éducation est souvent la seule échappatoire à la pauvreté, une voie qui risque de se refermer », affirme la lettre. L’impact est d’autant plus lourd dans les 76 pays les plus pauvres, où l’éducation des enfants est vraiment en danger. « On a besoin de plus d’aides pour l’éducation.
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Dans la lutte contre la Covid-19, on a rogné dans les budgets de l’éducation pour redéployer ces fonds ailleurs », indique Lahcen Haddad, ancien Ministre du Tourisme, seule personnalité marocaine signataire de la lettre. Et ces aides pourront aider à sauver quelque 300 millions de garçons et filles, enfants pauvres, pour qui les repas scolaires gratuits constituaient autrefois une bouée de sauvetage. « Dans la plupart de ces pays, des ces familles pauvres, le seul moyen pour les enfants d’échapper aux travaux dans les champs en aide à leurs parents, au travail, aux mariages forcés, à la prostitution même, c’est d’aller à l’école », commente Lahcen Haddad.
« Au Maroc, le problème se pose surtout au niveau des zones rurales. Le système éducatif dans ces zones est fragile et la qualité de l’éducation n’est pas au même niveau que celle dispensée dans les villes », avance le Ministre. D’ailleurs, a-t-on pu constater qu’une bonne partie des enfants du rural n’ont pas suivi les cours en ligne et à la télé lorsqu’il a fallu trouver une solution au moment du confinement. L’accès à internet, l’acquisition de smartphones et de tablettes n’étant pas d’accès facile à tout le monde, plus de 80% des enfants dans le rural ont suivi, de manière sporadique, ces cours. Le Maroc étant un pays à revenu intermédiaire, les besoins se trouvent plus sur « l’assistance technique pour le contenu digital et la formation des enseignants sur les méthodes performantes d’enseignement », estime Lahcen Haddad. D’autres pays, beaucoup plus dans le besoin et où la situation est plus urgente, auront besoin d’aides spécifiques pour pouvoir assurer une reprise de l’école à ces millions d’enfants. Pour ce faire, ces personnalités proposent des solutions concrètes.
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« Nous appelons le G20, le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales de développement ainsi que tous les pays à reconnaître l’ampleur de la crise et à soutenir les initiatives permettant de rattraper le retard et de reprendre les progrès vers l’ODD 4 », interpellent-elles. À travers :
• Tout d’abord, chaque pays doit s’engager à protéger les dépenses consacrées à l’éducation, en accordant la priorité aux besoins des enfants les plus défavorisés par le biais, si possible, de transferts conditionnels et inconditionnels en espèces pour promouvoir la participation à l’école.
• Deuxièmement, la communauté internationale doit accroître l’aide à l’éducation, en se concentrant sur les plus vulnérables, y compris les pauvres, les filles, les enfants en situation de conflit et les personnes handicapées. La façon la plus rapide de libérer des ressources pour l’éducation est d’alléger la dette. Les 76 pays les plus pauvres devront payer 86 milliards de dollars en frais de service de la dette au cours des deux prochaines années. Nous demandons la suspension de la dette en exigeant que l’argent pour le service de la dette soit réaffecté à l’éducation et à d’autres investissements prioritaires pour les enfants.
• Troisièmement, le FMI devrait émettre pour 1,2 milliard de dollars de droits de tirage spéciaux (son actif de réserve mondial) et ses membres devraient accepter de canaliser ces ressources vers les pays qui en ont le plus besoin, créant ainsi une plateforme de redressement.
• Quatrièmement, la Banque mondiale devrait débloquer davantage de fonds pour les pays à faible revenu au moyen d’un budget supplémentaire de l’Association internationale de développement et, à l’instar du Royaume-Uni et des Pays-Bas qui se sont maintenant engagés à verser 650 millions de dollars à la nouvelle Facilité internationale de financement de l’éducation.
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L’appel sera-t-il entendu ? Lahcen Haddad y croit : « ces organismes sont sensibles à ce genre d’appel et disposent eux-mêmes de programmes de soutien à l’éducation ».