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Crise économique et grogne sociale. Ces chiffres qui témoignent du paradoxe algérien

Malgré les importantes richesses naturelles dont elle dispose, pétrole et gaz essentiellement, l’Algérie reste toujours un pays pauvre avec une population qui manque de tout. Qui plus est, la majorité des Algériens, végètent dans la précarité, voient leur pouvoir d’achat sérieusement érodé, leurs jeunes gagnés par la désillusion ne reculant pas à gagner les côtes espagnoles pour échapper à la misère et au dysfonctionnement du système.

Aux abois, le pouvoir algérien, loin de chercher les bonnes solutions, a préféré faire une fuite avant. En témoigne le vote par les députés, le 17 novembre dernier, du projet de Loi de finances 2022 prévoyant notamment la suppression du système de subventions généralisées des produits de base qui permet de conserver de bas prix sur ces produits en vigueur depuis les années soixante.

Les produits essentiels, qui permettent notamment aux catégories vulnérables de vivre dans la dignité, vont voir leur prix s’envoler. Il s’agit entre autres de la semoule, de l’huile, du pain, du lait, mais aussi de l’eau, de l’électricité ou du gaz. Face aux difficultés budgétaires qui ne cessent de s’aggraver depuis 2018, cette politique des subventions généralisées, évaluée à 10% du PIB et qui nécessite la mobilisation de l’équivalent de 15 à 20 milliards de dollars par an, relève désormais du passé.

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En octobre dernier, le Fonds Monétaire International avait averti l’Algérie sur la nécessité de «recalibrer» sa politique économique et à mener des «réformes structurelles» dont le coût social ne pourrait être que douloureux. Certains experts se demandent : Que va faire le régime algérien, qui a tout le temps acheté une forme de paix sociale par la manne pétrolière, pour éviter l’exaspération de la colère des couches vulnérables les plus touchées par la crise ?

Dans le cas d’espèce, le pouvoir propose le versement des compensations financières directement aux ménages à faibles revenus. En somme, un faux-fuyant qui occulte mal une situation fort embarrassante dans laquelle se trouve le gouvernement obligé de se conformer aux directives des institutions de Bretton Woods.

Dans tous les cas de figure, la tâche s’annonce difficile. «A partir du moment où on a une économie écrasée par l’informel, comment mettre en place un dispositif d’aide ciblée ?» s’interroge l’économiste algérien Smaïl Lalmas.

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Selon lui, «ce qui est urgent, c’est d’absorber l’informel, le convaincre de rentrer dans le circuit formel. Mais pour cela, il y a un facteur qui fait défaut : la confiance». Manifestement, en dépit de ce que lui rapportent le pétrole et le gaz, dont il est fortement dépendant, mais avec une économie très peu diversifiée, avec en sus une prédation des ressources et une gouvernance apocalyptique, le pays ne sait plus où se donner la tête. En témoignent une monnaie qui ne cesse de dégringoler, un approvisionnement du pays en denrées essentielles défaillant, un blocage politique de plus en plus pesant, une économie à bout de souffle et de fortes tensions sociales.

Ces dernières sont provoquées par la précarité dans laquelle vivent d’importantes franges de la population, les pénuries cycliques des produits essentiels et la détérioration du pouvoir d’achat des classes moyennes et pauvres. La faute, concluent de nombreux observateurs avertis, incombe à un système resté sclérosé, refusant tout changement et toute avancée démocratique.

Plus les difficultés gagnent en intensité et en complexité, le pouvoir en place préfère marcher contre le sens des aiguilles d’une montre, optant pour plus de verrouillage et n’hésitant pas à utiliser le gros bâton, réprimer toute expression pour la liberté et le changement, plutôt que d’offrir une perspective. Un pouvoir qui a failli et a échoué lamentablement à assumer ses missions essentielles et un pays qui ne sait plus retenir sa population.

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Le nombre de «harragas», qui tentent, au péril de leur vie, de quitter l’Algérie à bord d’embarcations de fortune, augmente curieusement au moment où le baril de pétrole observe une tendance haussière. Les jeunes meurtris par le chômage, la crise du logement, une administration opaque et la cherté de la vie fuient la «Nouvelle Algérie» sans regrets ou remords. L’absence de perspectives est sans doute le facteur qui explique le mieux cette envie qui les habite pour partir à tout prix.

A l’évidence, toutes les difficultés qu’endurent aujourd’hui les Algériens trouvent leur source dans les mauvais choix, l’absence de réformes et en même temps une économie à bout de souffle. En 2020, la rente des hydrocarbures qui représente 90% des recettes d’exportation du pays, a fondu, baissant de 40%, grevant de 31% les recettes fiscales du pays. Comme on pouvait s’y attendre, l’Algérie a connu une grave récession de 5,2% et une crise économique profonde.

Il en est résulté une diminution drastique des investissements et des commandes publiques vitales pour les entreprises et les ménages ainsi que des réserves de change. Plus grave, la marge de manœuvre budgétaire a été réduite à néant. La traduction de cette crise sans précédent, fut le report de grands travaux, la limitation des importations, une chute du revenu des ménages, des fermetures d’entreprises ou de commerces, et une envolée du chômage.

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Pour parer à une situation complexe, le pouvoir a opté pour des expédients, au saupoudrage, sans se résoudre à s’attaquer aux grands maux qui paralysent l’activité économique et accentuent le malaise social. Au quotidien, les Algériens supportent de plus en plus mal l’érosion de leur pouvoir d’achat, l’envolée des prix, les pénuries et surtout l’appauvrissement progressif de la classe moyenne.

Certains aliments de base se vendent le double, voire le triple de leur tarif habituel. Les majorations sont parfois de 100, voire de 200% pour la majorité des denrées alimentaires, considérées comme étant essentielles (lait en boîte, légumes, fruits, viandes et pâtes alimentaires…). Le prix du kilo de pommes de terre, qui a atteint 150 dinars (0,82 euro) contre environ 60 habituellement, est devenu le principal indicateur pour dénoncer l’augmentation du coût de la vie. La hausse des prix commence à peser sur les bourses des ménages avec une inflation qui dépasse les 6%, soit une augmentation de 3,4 points en un an.

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Cette inflation pèse lourdement sur le budget des ménages, particulièrement les petites et les moyennes bourses, dont les salaires varient entre 200 et 400 dollars par mois. En dix ans, la valeur du salaire moyen en Algérie a été divisée par deux, alors que les prix n’ont pas cessé de grimper. Cette situation difficile a poussé des catégories professionnelles à réclamer, à plusieurs reprises, des hausses des salaires. Depuis plusieurs mois, la gronde sociale est réelle et plusieurs secteurs, dont l’Education et la Santé, rehaussent le ton.

Les enseignants, principalement ceux des cycles primaire, moyen et secondaire, observent des grèves de deux jours par semaine depuis début novembre. Pendant ce temps, cette Algérie, qui fait face à des défis graves, se trouve en tête de peloton des pays d’Afrique qui a dépensé le plus en armements militaires en 2020.

(Avec MAP)

 
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