De grâce, un peu de hauteur
Cette fois, Mohamed El Ouafa, ne peut pas invoquer le sens de l’humour. Dans une classe à Marrakech, il a apostrophé une fille, qui n’a que douze ans, mais qui est de forte corpulence, en lui disant « toi, il ne te faut qu’un mari ». La collégienne refuse de reprendre les cours parce qu’elle est la risée de ses camarades et l’on sait combien ils peuvent être méchants à cet âge. Les parents, soutenus par des ONG ont porté plainte et la victime de « la plaisanterie » est en suivi psychiatrique.
Mustapha Ramid a choisi, lui, l’hémicycle pour défrayer la chronique. Il a tout simplement insulté les groupes d’opposition lors d’une séance de questions orales. Résultat, une nouvelle tension grave puisqu’ils ont décidé de boycotter le ministre de la Justice, alors qu’il s’agit d’une question brûlante actuellement et que parmi les « insultés » se trouve la FDT, principal syndicat du département qu’il dirige. Des noms d’oiseaux, des sorties mal calculées, des démentis qui se retrouvent démentis à leur tour par des vidéos, c’est ce à quoi l’on assiste depuis quelques mois. Dans une démocratie normale, établie, les ministres responsables de ces écarts sont priés de rendre le tablier et quand il s’agit de parlementaires, de s’excuser devant le Parlement. Nous n’en sommes pas là parce que nous savons la fragilité de notre construction démocratique et comment elle impose un niveau médian de nos exigences. Mais nous sommes en droit de rappeler aux politiques de tous bords, parce que la dérive est générale, quelques vérités qui leur imposent un peu plus de hauteur. La première, c’est que malgré l’adoption par référendum de la Constitution du 1er juillet, la participation n’a pas atteint les 50 % des inscrits alors même que l’on sait qu’au moins deux millions d’électeurs potentiels, ayant l’âge requis, ne se sont pas inscrits lors du renouvellement des listes électorales. Cela signifie que malgré l’amélioration par rapport aux législatives précédentes, le pari de la réconciliation des citoyens avec les institutions élues en particulier, et la politique en général n’est pas gagné. Et ce n’est pas avec le niveau actuel du débat public que l’on va améliorer ces rapports.
La seconde, c’est que l’expérience actuelle est fondamentale, parce qu’en étant la première sous la nouvelle Constitution, c’est à ses acteurs de conforter la confiance dans celle-ci et pérenniser le choix de l’exception marocaine, celle d’un changement dans la stabilité. Tout renforcement de la défiance va à l’encontre des intérêts de la Nation en ouvrant la voie à toutes les hypothèses, y compris les pires.
Enfin, que le populisme ambiant ne justifie pas l’indignité. Un représentant de la Nation, un responsable politique, un ministre sont tenus dans la sphère publique, à un comportement irréprochable parce qu’ils représentent les élites du pays et qu’ils en sont l’image. Si les parlementaires s’insultent vulgairement, comment le reprocher aux collégiens ?
Le vrai débat que l’on attend concerne les politiques publiques, les moyens de réduire la précarité, les phénomènes sociaux comme l’insécurité, la violence dans les écoles ou l’élargissement des espaces de liberté. Il ne faut pas installer l’impression qu’incapables d’avancer des idées, nos responsables se donnent en spectacle, font le cirque.