Blog de Jamal Berraoui

De la lâcheté politique

L

’image de Benkirane debout devant la Chambre des conseillers, qui appelle les pauvres à ouvrir des comptes bancaires pour recevoir l’aide directe, est encore dans tous les esprits. Mais la réforme de la Caisse de compensation est bel et bien enterrée. Ceux qui devaient être les bénéficiaires de l’aide directe sont d’autant plus déçus que personne ne leur avait expliqué que cette aide signifie aussi la hausse des prix. Mais nous pouvons tous être déçus.

Le gouvernement n’a pu s’attaquer qu’aux investissements dont il a gelé l’équivalent de 15 milliards de dirhams. Ce n’est ni suffisant, ni adéquat, car geler l’investissement c’est décélérer la croissance, exactement l’inverse de ce qu’il faut faire pour améliorer la tenue des comptes publics.

La Caisse de compensation restera probablement en l’état. Les alliés de Benkirane et quelques agités du bocal de son groupe parlementaire, refusent toute hausse des prix et proposent de trouver d’autres voies, sans esquisser ne serait-ce qu’un début d’idées. Seul l’Istiqlal penche pour une taxe restitutive. C’est une idée qui paraît juste, exiger des couches sociales qui profitent indûment de la Caisse de compensation, une contribution complémentaire. Seulement, pour qu’elle soit acceptée, encore faut-il que cette taxe soit à la fois juste et claire. Il faut qu’elle corresponde à la consommation moyenne. Or, qui dit consommation dit ménage. Un couple de hauts cadres paierait deux fois plus qu’une famille analogue dont seul le père travaille. La notion de foyer fiscal n’existant pas au Maroc, cette approche est aussi complexe que l’aide directe. Les pays qui ont opté pour cette démarche en ont fait un outil de solidarité, mais aussi de développement humain, puisque l’aide est conditionnée par la scolarité des enfants, l’hygiène ou l’absence de violence conjugale.

En tous cas, le gouvernement a choisi de ne pas toucher à la Caisse de compensation. Celle-ci va grever les caisses de l’Etat de 60 milliards de dirhams, chiffre optimiste parce qu’il suffirait d’une crise au Moyen-Orient pour que le prix du pétrole s’envole. Mais déjà à ce niveau là, c’est insupportable. Le déficit budgétaire atteint des niveaux records. Immanquablement, l’Etat marocain se financera plus cher que cela soit à l’international ou en puisant sur les faibles liquidités bancaires. Tout indique que nous allons dans le mur en klaxonnant.

Les politiques déclarent « la hausse des prix est une ligne rouge », ils craignent des troubles sociaux. Le risque existe, comme dans tous les pays du monde. Cependant sous d’autres cieux, les gouvernements ont opté pour des mesures impopulaires pour rétablir la crédibilité économique des Etats. Au Portugal ou en Espagne, même la règle sacro-sainte qui consiste à ne jamais baisser les salaires a été enfreinte. L’opposition ne fait pas dans la démagogie et adhère à la nécessaire austérité.

Par pure lâcheté, nos politiques commettent une forfaiture. Ils laissent filer les déficits, s’installer la crise, mettant en danger tous les gains des deux dernières décennies. Une nouvelle mise de l’économie nationale sous tutelle de la Banque Mondiale et du FMI est l’issue la plus probable de leur inaction. Qu’ils oublient la popularité, les élections et qu’ils agissent en responsables. n

 
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