De la sécurité
Le drame de Belksiri n’est pas anecdotique. Un policier en état de démence a tué quatre de ses collègues. La première question que cela soulève est celle du suivi psychologique. Les flics font un travail stressant, en butte quotidiennement à la violence et à la misère humaine, sous toutes ses formes, y compris les plus insupportables. Dans les pays développés, il y a un psy par commissariat, pour prévenir toute fêlure pouvant aboutir à un drame. On n’en demande pas tant, mais il faut donner à la police, dans le cadre de sa modernisation, les moyens du suivi psychologique. J’ai toujours soutenu que la modernisation de la police est une condition de la construction démocratique. Aujourd’hui, c’est aussi une urgence politique. Le sentiment d’insécurité est réel bien que les chiffres soient plus contrastés. Ce qui importe, en l’occurrence, c’est le sentiment. Mais il est vrai que les violences faites aux personnes sont beaucoup plus visibles. Cette forme de criminalité est fortement liée au phénomène des psychotropes, entre autres. La faillite du système éducatif, l’absence de toute politique de la ville, les sentiments de marginalisation sont aussi des facteurs aggravants. Concernant les psychotropes, les spécialistes s’étonnent que le fléau ne soit pas combattu plus sévèrement. Ils proviennent essentiellement d’Algérie, alors que les frontières sont fermées.
Il faut croire que les quantités qui pénètrent sur notre territoire sont astronomiques. La preuve en est que le prix à la consommation est très faible : quelques dirhams suffi sent pour transformer un jeune en zombie. Un trip aux psychotropes, coûte moins cher qu’une bière. Cela défi e toutes les règles économiques, au point que certains n’hésitent pas à évoquer un complot algérien, qui reste à prouver. Cependant, les moyens dont dispose la police restent le vrai problème. Il est faux, archi-faux, de parler d’Etat policier. Le nombre de policiers par habitant est faible au regard des standards internationaux. Il suffi sait tant que les forces de l’ordre n’avaient qu’un devoir d’efficacité. L’arbitraire, la torture, les rafles quotidiennes n’étant pas acceptables en démocratie, il faut donner à la police les moyens de sa mission, à savoir protéger les citoyens dans le respect des lois. Parce que nous sommes encore prisonniers d’un passé récent, celui où le flic représentait l’oppression, il n’y a aucun débat public sur la question.
Parce que la sécurité est un droit, les citoyens, eux, manifestent leur mécontentement. Un vrai débat permettrait de convaincre qu’il faut mobiliser des moyens considérables pour assurer la fonction régalienne de l’Etat qu’est la sécurité. Même en cette période de restrictions budgétaires. Cela permettrait, peut-être, de réconcilier enfin la police et ceux qu’elle est censée protéger. ■