Blog de Jamal Berraoui

Democracia

L

’expérience brésilienne est unique dans son genre. La dictature a été évincée par des mouvements sociétaux, la société civile, etc… et non par un mouvement politique organisé. Une équipe de football menée par Socrates arborait à chaque match le sigle Democracia sur leurs maillots en guise de sigle.

C’est une coalition très large, allant des libéraux aux socio-démocrates qui a assuré la transition en assurant l’impunité aux dirigeants de la dictature. Le parti des travailleurs est né de la fusion de plusieurs courants d’extrême gauche Foquistes, Maoïstes, Trotskystes, anarchistes et de la mouvance socio-chrétienne dite de l’église de la liberté.

Les deux législatures de Lula ont été saluées pour les performances économiques du Brésil, mais aussi pour une politique de lutte contre la précarité, jugée à la fois réaliste et innovante, dont la bolsa familia n’est qu’un aspect.

Son héritière Bilma Rousseff fait face à une véritable révolution. Des millions de personnes sont dans la rue. Elle a proposé une constituante pour réformer le système politique et le déblocage de milliards de dollars pour les transports, à la base de la fronde.

Les manifestants ne l’entendent pas de cette oreille. Ils réclament des services publics au niveau à des prix accessibles. Santé, éducation et transports sont en tête de liste, ainsi que la lutte contre la corruption. Des revendications qu’on retrouve dans toutes les révoltes pacifiques. A la différence qu’au Brésil, les manifestants sont très attentifs à toute tentative de récupération politicienne et que Dilma et son parti ont rapidement pris la position de soutenir les revendications qui étaient les leurs avant d’arriver au pouvoir. La constituante était au centre de l’action du parti des travailleurs qui l’a abandonné quand il a réussi à accéder au pouvoir dans le cadre des institutions existantes.

La leçon de ce qui se passe au Brésil, ou en Turquie est très instructive. Les aspirations des peuples ne sont pas compressibles à des chiffres globaux. Dans les deux cas, il s’agit de « réussites économiques » selon les standards des statistiques. Même sur le plan de la réduction de la pauvreté, ils sont cités en exemple. L’on se rend compte que les populations, dès qu’elles sortent de la misère absolue, deviennent plus revendicatives. La dignité humaine est désormais associée, partout dans le monde, à des conditions de vie minimales. L’aspiration égalitaire s’exprime par la revendication de l’accès aux soins, à l’éducation, à la culture. Les vieilles revendications inspirées par la gauche traditionnelle telles que la hausse des salaires, ne sont plus mobilisatrices. La vision du rôle de l’Etat dans la solidarité sociale a réellement changé, c’est un fait nouveau quasi universel.

L’autre leçon, elle aussi prégnante dans toutes les révoltes, concerne le personnel politique et l’exigence éthique à son égard. C’est une lame de fond qui remet en cause la démocratie occidentale et son fonctionnement. Au Brésil, au sein même du parti des travailleurs, des voix s’élèvent en faveur de mandats électifs révocables à tout moment. Cela changerait tout le système politique et mettrait fin à la crise des institutions représentatives. La fin de l’histoire de Fukuyama était une force, des bouleversements extraordinaires s’opèrent sous nos yeux, les masses faisant irruption sur la scène. 

 
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