Des Assises au PLF 2015… peu d’actes
La réforme fiscale. A la lecture du PLF 2015, seul le souci budgétaire prévaut : assurer un équilibre en évitant une aggravation du déficit budgétaire et de la balance commerciale. La réforme fiscale, elle, passe à la trappe. par M.A
Dans la loi de finances 2014, à l’exception de la refiscalisation timide et bâclée des grandes exploitations agricoles et de l’introduction d’un régime d’auto-entrepreneur non encore opérationnel, les acteurs ayant participé auxdites Assises sont restés sur leur faim. Peut-être était-ce encore trop tôt ? Attendons le PLF 2015. Attendons Godo dans la plus grande salle d’attente.
Mais voilà que le PLF 2015 tombe au Parlement. Sa lecture donne tristement l’impression que les conclusions desdites Assises ont été tout simplement jetées dans les oubliettes. Quelques petites mesures allant dans le sens de l’harmonisation et la généralisation du mode électronique de déclaration et de paiement de l’impôt. Quelques coups de griffes à la TVA.
La première version du PLF 2015 comportait une augmentation du taux de la TVA pour l’eau et l’assainissement de 7% à 10% et pour l’électricité de 14% à 20%. Le gouvernement aurait fait provisoirement marche arrière, peut-être face aux nuages gris ayant annoncé la grève générale ? Cela rappelle un peu le cas de la sardine en conserve pour laquelle le gouvernement projetait dans le PLF 2014 d’augmenter le taux de 7 à 10%.
Cependant, dans le PLF 2015, l’augmentation du taux de TVA de 10% à 20% pour les pâtes alimentaires, le riz usiné, les farines, les semoules de riz et le péage autoroutier a été maintenue. Comme alternative, le consommateur à faible pouvoir d’achat pourra se contenter du « pain nu ». Quant à l’automobiliste modeste, il n’a qu’à emprunter les routes secondaires sans péages où l’attend de pied ferme le gendarme.
L’autre augmentation de taux de TVA, fortement symbolique, concerne le thé, boisson populaire traditionnelle, consommée surtout par les catégories sociales les plus modestes. D’après le PLF 2015, ce taux devra passer de 14% à 20%. La baisse des droits de douane projetée profitera à l’entreprise. Mais cette baisse sera compensée par la TVA prise en charge par le consommateur final. Nouvelle atteinte à l’équité fiscale.
Peut-on parler ne serait-ce que d’un début de réforme fiscale ?
L’Etat continuera certainement à se priver de recettes fiscales stables dont il a pourtant tellement besoin pour investir et renforcer les infrastructures de base indispensables à un véritable développement durable[1]. Et à défaut de ressources ordinaires stables provenant surtout de l’impôt, il sera contraint de recourir à nouveau à la décompensation des produits de base, accélérant ainsi l’érosion du pouvoir d’achat des catégories sociales moyennes et modestes, et à l’emprunt, alourdissant ainsi les dépenses de la dette qui devraient dépasser les 68 milliards de dirhams en 2015, soit une augmentation de 18 points depuis 2008 (18 000 dirhams par habitant). Face à la baisse de la demande externe au niveau international et à la compression de la demande interne au niveau national, à qui va vendre l’entreprise, considérée comme acteur principal dans la création des richesses ? Sans vente/demande, pas de production, et sans production/offre pas d’emploi et donc pas de salaire. C’est là le cercle vicieux dans lequel semble s’enfoncer la politique actuelle.
Par ailleurs, notons aussi que l’ensemble du processus budgétaire demeure caractérisé par l’opacité et régi par une logique comptable. Une logique de gestion, voire d’exécution et non pas de décision. Une logique qui ne va guère dans le sens de l’esprit et la lettre de la Loi organique des finances, dont le retard d’adoption est injustifié. Une logique qui ne consacre guère le sens de la responsabilité politique à travers notamment, la clarification des objectifs économiques bien définis et déclinés en résultats vérifiables, afin de permettre aux citoyens d’apprécier objectivement et de sanctionner politiquement.
A rappeler, que le total des recettes fiscales prévues en 2015 = 184,7 Mrds de DH sur un total de ressources de 347,7 Mrds de DH dont 68 Mrds de DH de ressources provenant des emprunts, dons et legs. Les recettes fiscales totales ne couvrent même pas les dépenses de fonctionnement du budget général dont le total est de 194,7 Mrds de DH. Le total prévu pour les charges de l’Etat en 2015 est de 383 Mrds de DH. Donc un déficit budgétaire prévu de 35,3 Mrds de DH.