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Des élections qui nous intéressent

Ce qui se passe en France et en Algérie concerne à divers titres le Maroc, au vu des relations que nous avons avec ces deux pays. Décryptage. 

E

n France, les élections municipales ont confirmé ce que l’on pressentait depuis longtemps. Le taux d’abstention record est un signe du divorce entre l’Establishment et les citoyens. L’avancée du Front national n’est pas à analyser sur le plan arithmétique. Ce n’est pas quelques villes qui tomberont dans l’escarcelle de l’extrême droite qui constituent la victoire de Marine Le Pen. Son parti a été définitivement « normalisé » au point que tous les chefs de l’UMP ont refusé le pacte républicain et préfèrent laisser des villes au FN, plutôt que d’aider la gauche à les garder. De la même manière, les idées du Front sont largement reprises par les candidats de la droite qui ont tous repris les thématiques liant l’immigration à l’insécurité.

On peut invoquer la crise économique et l’incapacité des politiques à la juguler. D’ailleurs, tous les sondages confirment que l’Europhobie gagne du terrain, parce que les citoyens français pensent que Bruxelles est responsable des difficultés, ce qui augure d’un vote en faveur des extrêmes aux élections européennes en juin. Mais le mal est plus profond.

C’est une société en désarroi, renfermée, qui s’est exprimée dimanche dernier. Parce qu’elle n’a plus confiance en son devenir collectif, elle retrouve des réflexes hideux. L’on voit bien que les barons locaux prennent en considération ce recul et essayent, non pas de le contrecarrer, mais de s’y adapter. Et c’est en cela que nous sommes concernés.

Tous les candidats FN ont inscrit à leurs programmes la préférence nationale, en particulier pour le social, c’est-à-dire les logements, les crèches, les aides directes aux familles. Les émigrés en situation régulière qui payent des impôts, n’auront plus accès aux HLM ou aux crèches municipales. C’est une disposition qui relève des conseillers municipaux et qui serait totalement légale. Dire qu’il ne s’agit que de quelques villes, relève de la myopie. Plusieurs élus de la droite dite républicaine sont sur la même ligne et la population autochtone y voit une « mesure juste » dans ces temps de vaches maigres. Ce processus n’est plus combattu que par une gauche souffrante, à bout de souffle. Les jeunes et les ouvriers ont en majorité choisi soit l’abstention, soit le vote FN là où il était présent. Les catégories sociales qui cohabitent avec les immigrés sont donc réceptives au discours sur l’exclusion. Il nous faut une vraie communication pour dissuader les candidats à l’émigration clandestine, centrée sur les difficultés actuelles et à venir en France.

Marine Le Pen, présidente du FN.

L’Algérie, vers l’inconnu

Les enjeux de la présidentielle en Algérie nous sont plus familiers. Tout marocain sait que Bouteflika et le système qu’il représente ont fait de l’inimitié vis-à-vis du Maroc, le socle de leur politique. Bouteflika sera réélu dès le premier tour sans faire campagne, c’est une certitude.

Les partis d’opposition appellent au boycott. La société civile menée par le mouvement « Barakat » continue à lutter contre le 4e mandat. Ce qui se passe aura des conséquences dans un proche avenir.

En effet, le système a pendant longtemps joué sur la peur des algériens de retomber dans la violence. La décennie noire avec ses deux cent mille morts a laissé des traces indélébiles dans les consciences. Le pouvoir a utilisé ce sentiment. Chaque fois que quelques manifestants sont dans la rue, ils ont en face des milliers de policiers, en signe d’inflexibilité.

Ce mur est lézardé. Les manifestants sont de plus en plus nombreux, sur les réseaux sociaux, la révolte gronde. Des chefs historiques du FLN, l’ancien président Zéroual appellent de leurs vœux un changement. Ils tirent tous la sonnette d’alarme en disant que « si le système refuse d’évoluer, il le fera dans le chaos ».

C’est le plus probable, parce que l’opposition officielle n’est pas une alternative crédible et que dans un contexte de surchauffe tous les particularismes s’exprimeront de manière violente. Le divorce étant consommé entre le régime et la société, il suffira d’un événement quelconque pour que l’Algérie ouvre le bal d’une nouvelle génération de révoltes arabes. Au vu des résultats de la première vague, il n’est pas évident qu’il faut le souhaiter, ces deux élections sont donc à analyser en profondeur par nos décideurs, parce que l’une concerne la plus forte concentration de MRE et que l’autre impactera l’avenir immédiat de notre voisin de l’Est. Evidemment que la situation en Algérie est plus inquiétante parce qu’elle a des retombées sécuritaires évidentes. 

 
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Jean-Pierre Gauthier, DG du Groupe Argus