Des moments historiques
En principe, ce soir l’armée et les frères musulmans s’affronteront en Egypte. Sissi qui part de ce qu’il a appelé « la délégation » populaire, a averti qu’il dispersera les foules de Rabiaâ Al Adaouya. Il a même poussé la plaisanterie jusqu’à rendre public le déroulé de son action : avertissement puis gaz lacrymogènes et enfin tirs à balles réelles en légitime défense. Les frères musulmans ont annoncé qu’ils résisteraient.
En Tunisie, les démissions de ministres se multiplient, la coalition se fissure, la contestation s’organise. Les islamistes d’Ennahda veulent bien discuter d’un possible gouvernement d’union nationale mais pas de la dissolution de l’Assemblée constituante. Dans les deux cas, la division est nette, elle met l’Islam politique face à une coalition moderniste. Le tout sous la menace du terrorisme.
Au-delà du débat sur la nature de ce qui se passe en Egypte, coup d’état ou légitimité populaire, de véritables bouleversements historiques sont en cours, sous nos yeux, dans une accélération extraordinaire.
Le projet islamiste a réussi à fédérer dans les deux cas, les laïcisants, les supports des anciens régimes et une jeunesse avide de libertés, mondialiste à outrance. Islamiser l’Etat et la société, le projet réel de l’Islam politique, est ressenti comme une violence par des couches sociales très larges. Dans ces deux pays, la question de la laïcité de l’Etat s’imposera à tous comme la condition de la pacification des rapports socio-politiques dans le cadre de la démocratisation de manière dialectique, le risque de pouvoirs anti-démocratiques existe. Le terrorisme, qui a bon dos, est un argument pour ceux qui voudraient mettre entre parenthèses l’expression libertaire. C’est clairement exprimé en Egypte, parce que l’armée est une institution incontournable.
Mais il faut aussi noter que les jeunes ont appris la leçon. « Rebel » s’organise, se structure pour ne plus se faire voler leur révolution. En Egypte, ils sont contre les lois d’exception et prennent leurs distances vis-à-vis des militaires.
Sous nos yeux des transformations profondes s’opèrent. Elles sont annonciatrices de révolutions sociales et culturelles, de véritables ruptures. Malheureusement, le sang va encore couler et l’intervention des Etats de la région interfère dans les processus endogènes.
P.S. : A propos de la libération du pédophile espagnol, un dirigeant du PAM a déclaré « Ceux qui auront le sens de la raison d’Etat comprendront ». Il faut croire que je ne l’ai pas compris parce que je suis profondément indigné.