Electronique : la contrebande entretenue par certaines marques elles-mêmes ?
La dernière affaire de téléphones de marque Oppo volés en France et vendus à Derb Ghallef, a relancé la lumière sur l’informel et la lutte contre ce fléau sur le marché marocain. Si une solution tarde à venir, des propositions pour au moins en atténuer l’effet ne manquent pas. À condition que la volonté des acteurs du marché soit vraiment de la partie …
L’affaire Oppo en fin octobre dernier, n’a donné qu’une petite vue sur la partie émergée de l’iceberg que consistent la contrebande et ses effets sur le business des acteurs régulièrement constitués. Le mal est profond, ancien et impacte surtout ces derniers. Tous les produits électroniques et technologiques sont touchés ; mais le téléphone reste le matériel le plus représentatif de ces trafics parce que plus facile à transporter, à dissimuler. Et si la fermeture des frontières a fait chuter drastiquement la contrebande par les arrivées aux aéroports, elle n’a pas entravé celle qui passe par les voies terrestres et maritimes. Les frontières nord du pays, avec les enclaves espagnoles étant également fermées depuis plusieurs mois, le trafic via le sud du pays a pris de l’ampleur.
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Et c’est par la Mauritanie, via le poste frontière proche de la ville d’El Guerguerat, qu’entrent les produits de contrebande. « C’est des containers entiers venant d’Asie qui rentrent par la Mauritanie et que les contrebandiers font entrer au Maroc », rapporte une source au fait du sujet. En effet, « les terminaux mobiles qui arrivent par le trafic aérien concernent plus les références haut de gamme. Avec peu de quantités mais des marges confortables, faire passer 2 ou 3 unités par voyageur, une dizaine de voyageurs dans la journée 30 fois dans le mois génèrent aux contrebandiers de fortes sommes qui échappent à tout contrôle légal », explique-t-il. Quant aux modèles qui passent pas les voies maritime et terrestre, ils sont plus des produits de masse, généralement de l’entrée de gamme et du moyen de gamme. Une entrée massive de produits de contrebande qui ne semble pas déranger tous les acteurs : certains luttent activement contre le phénomène pendant que d’autres laissent faire. Et pour cause.
Une stratégie de promotion de la marque par la contrebande
Selon certaines sources bien introduites dans le milieu de la distribution, « certains fabricants ne font pas l’effort d’investir dans la promotion de leur marque, car la promotion coûte cher et demande du temps. Dès lors, ils ferment les yeux sur la contrebande, la laisse faire le travail de promotion de leur marque à leur place, le temps de s’installer. Et une fois que ces marques ont acquis des positions intéressantes sur le marché, elles se permettent alors d’initier des actions contre la contrebande ». Les marques chinoises, nous souffle-t-on, seraient adeptes de cette stratégie de promotion de leur marque, la plupart ne prenant jamais pied dans un pays directement, mais toujours à travers un distributeur ou un représentant. « Quelles sont les garanties que donnent ces marques ou leurs représentants aux revendeurs lorsque ces derniers achètent des produits sans facture ou se retrouvent dans des situations comme celle qu’on vient de voir à Derb Ghallef ? », se demande un autre acteur du marché.
Pour les entreprises impactées par ces produits de contrebande, certaines ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de mener des actions de lutte contre ces entrées illégales de produits. « Des entreprises ont pris des initiatives pour enrayer le phénomène ; certaines ont réussi. Elles ont pu verrouiller certains produits en déposant auprès des douanes une liste exhaustive de leurs importateurs. Samsung et Whirlpool par exemple font partie de ces entreprises. Et l’approche a permis de limiter la contrebande sur leurs produits car tout importateur qui ne figure pas sur cette liste voit ses produits bloqués et des explications exigées par l’administration des douanes », explique une source bien informée.
La traque s’organise contre le phénomène, mais des solutions communes et acceptées par tous les acteurs du marché semblent impossibles à atteindre. « Pour que des propositions concrètes soient faites aux autorités, il faudrait que tous les importateurs s’asseyent autour de la table pour parler d’une voix. Ce qui n’est pour l’instant pas le cas », souligne un importateur, au vu justement des bénéfices que tirent certaines marques de cette exposition sur leurs produits via la contrebande. Et pourtant, des solutions peuvent être déployées.
Solution : exiger un fonds de garantie aux marques ?
Pour juguler le problème, certains acteurs proposent d’exiger des engagements aux marques à leur entrée sur le marché marocain. Et en imposer d’autres aux revendeurs pour exercer dans le fameux marché de Derb Ghallef. « Il y a aujourd’hui, un réel problème et la frontière entre l’informel et le formel est de plus en plus floue. Régler le problème revient à mener une action cordonnée. Alors soit on ferme les yeux sur l’état du marché et on laisse la situation s’empirer, soit on impose des pré-requis pour travailler à la joutia de Derb Ghallef », suggère un des acteurs. La solution, selon celui-ci ? Chaque fabricant doit assumer ses responsabilités en posant un fonds de garantie qui servira à couvrir les cas de fraudes et problèmes éventuels. Cela devrait les pousser à investir dans la promotion de leur marque d’une part, et les pousser à entreprendre des actions pour lutter réellement contre la contrebande. Mais pas uniquement. « Les marques doivent aider les petits vendeurs à se structurer, à avoir des marges correctes sur les produits. Choses qu’elles ne font pas parce que cela demande un investissement conséquent. Le fonds de garantie aidera ainsi à faire monter en compétence ces petits revendeurs en les dotant de matériels (caisse enregistreuse, facture, …) et de la formation nécessaire pour mieux exercer », avance un autre acteur. Or, constatent-ils tous, il n’y a pas de plan stratégique de mise à niveau et de structuration du circuit de distribution traditionnel à l’instar de ce qui a été fait sur le circuit moderne. Pourquoi ? « La plupart des distributeurs sont des opportunistes qui n’ont pour seule logique que le gain. Raison pour laquelle ils ne font pas l’effort d’investir dans le réseau, de former leurs revendeurs, de leur assurer des marges intéressantes pour que le commerce s’exerce dans un cadre légal », détaille notre source.
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La solution pourrait donc passer un engagement des marques à accompagner la mise à niveau global du secteur. Et celles qui ne sont pas prêtes à l’effort ne devraient pas être admises sur le marché, avance un importateur. C’est, selon certains, le moyen idéal d’endiguer la contrebande et d’éviter que ces produits qui échappent à la fiscalité n’impactent le citoyen et l’économie du pays. « Aujourd’hui, toute personne peut ouvrir une boutique et vendre des téléphones dans les quartiers. Il serait bien venu, avant que tout commerçant s’installe, qu’il lui soit dispensé à la Commune de sa résidence une formation sur la tenue de comptabilité, la facturation, la gestion de stocks, etc. contre une modique somme de 100 dirhams », envisage une autre personne. Des solutions peuvent visiblement être trouvées, à condition que les acteurs y mettent de la volonté. Chose difficile à trouver pour le moment dans cette population …