Entre entente politique et modeste coopération économique
L’avenue Mohamed V à Tunis est un symbole et une artère principale qu’empruntent des milliers de tunisois au quotidien. Habib Bourguiba fait toujours partie de ces grands hommes qui ont voulu bâtir un Etat moderne et qui a maintenu des rapports très particuliers avec notre pays et notamment avec ses deux souverains qui l’ont côtoyé de 1956 à 1987. Les hommes d’affaires des deux pays se connaissent et puisent dans le même mélange culturel et social, mais ne font que de modestes affaires entre eux.
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abat-Tunis n’est pas un axe au sens politique du terme, mais un choix historique dicté par la recherche d’une voie commune lorsque le monde était fait de deux blocs au sein desquels le non alignement n’a que faiblement effacé les influences idéologiques. A côté d’une Algérie ayant fait le choix du camp soviétique, le Maroc et la Tunisie ont fait le choix de l’économie de marché et des relations avec l’occident. Des années plus tard, et après un premier départ de l’idée maghrébine vers la fin des années cinquante , les cinq pays du Maghreb ont déclaré avoir opté pour l’intégration de leur ensemble régional. L’UMA est née en 1989 et fête annuellement ses anniversaires dans la tristesse des rendez-vous manqués.
Un Maghreb en panne n’empêche pas de bonnes relations bilatérales
Depuis 1989, le faible taux d’intégration est constaté et les problèmes politiques entre les deux grands pays de cet ensemble sont considérés comme le principal élément de blocage. S’il est vrai que la question du Sahara marocain reste un point qui ne permet pas d’avancer ensemble, il est encore plus important de constater que les points de complémentarité n’ont pas été suffisamment développés. Les pays ont toujours avancé en rang dispersé dans les négociations avec l’Europe. Les institutions internationales et notamment la Banque Mondiale évaluent le non Maghreb à 9 milliards de dollars.
Le Maroc et la Tunisie avancent dans la même direction et avec les mêmes atouts. Les secteurs qui font l’essentiel des deux économies sont les exportations, le tourisme, le textile, les phosphates et l’agriculture. La concurrence est souvent constatée dans ces domaines entre le Maroc et la Tunisie. La coordination entre les deux pays doit permettre de multiplier les éléments qui peuvent renforcer leurs potentiels respectifs.
C’est dans ce cadre que SM le Roi effectuera une visite en Tunisie du vendredi au dimanche, suite à l’invitation de Moncef Marzouki. Cette visite fait suite à celle effectuée au Maroc par le Président tunisien et qui a permis de redonner une nouvelle dimension aux relations entre les deux pays, après le printemps arabe. La transition tunisienne a donné lieu à des signes positifs aux marchés, au peuple tunisien et à tous ceux qui ont cru aux solutions basées sur les compromis historiques entre les forces politiques. Le Maroc et la Tunisie ont pu puiser dans leur histoire et leur culture les outils de réussite de leur traversée des évènements ayant pris naissance en 2011 dans le monde arabe.
Une visite et des espoirs
Les liens économiques sont appelés à être renforcés pour répondre à des besoins de développement des deux pays. Renforcer les équations de complémentarité et permettre l’échange des bonnes pratiques dans tous les secteurs économiques est un devoir politique. Les hommes d’affaires sont appelés à donner à leurs vœux exprimés dans leurs différents forums un contenu concret et réel. La réunion qu’ils ont tenue la veille (le jeudi 29 mai) de la visite royale aurait tracé quelques points à développer dans l’avenir. Les patronats marocains et tunisiens organisés au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), se sont fixé pour objectifs de « bâtir des synergies au service de la croissance et de l’emploi » entre les deux pays. Un climat de confiance règne entre les deux parties. Les échanges sont à un niveau qui est considéré comme appréciable et ce, grâce à l’accord d’Agadir de 2007. Les observateurs tunisiens ont relevé le fait que plusieurs entrepreneurs tunisiens, notamment dans le secteur de la sous-traitance automobile, ont préféré transférer leurs activités au Maroc lors des évènements qui ont marqué l’année 2011 en Tunisie. Les échanges restent malgré l’entente politique à un niveau ne dépassant pas les 200 millions d’euros, soit une part très modeste du commerce international des deux pays.
Les défis géopolitiques liés à la situation dans la région du Sahel et les dangers que font courir les transactions illégales dans les domaines de l’armement et de la drogue imposent aux deux pays une coordination et un travail en profondeur. Les efforts déployés par le Maroc et la Tunisie pour apaiser les situations conflictuelles nées des bouleversements politiques récents doivent être sécurisés et constamment préservés.
SM le Roi et le président tunisien présideront une cérémonie durant laquelle il sera procédé au signe d’une série d’accords bilatéraux entre les représentants des secteurs public et privé. Un discours sera prononcé par le Souverain devant l’Assemblée nationale constituante.