Entre les surenchères politiciennes et l’inégal développement du territoire
Le devenir de la région . Très attendue depuis le discours royal de janvier 2010, la présentation, le 10 mars 2011, du rapport de la Commission Consultative de la Régionalisation et l’adoption de la nouvelle Constitution, l’avant-projet de la Loi organique sur la régionalisation a été finalement présenté aux partis politiques pour permettre de démarrer ce chantier de réforme de l’Etat.
Dossier réalisé par Driss Al Andaloussi et Abdelghani Abouhani
La réaction des partis politiques de l’opposition, comme celle de certains hauts responsables du PJD, fut très virulente.
Ce qu’il faut regretter d’emblée, c’est d’abord la politisation du débat autour de questions qui touchent à l’organisation et à la structure de l’Etat et qui normalement, devraient être abordées avec beaucoup de précautions de langage. On est donc loin du consensus qui a marqué l’accueille qui a été réservé au rapport de la Commission Consultative sur la Régionalisation et aux dispositions de la nouvelle Constitution. Pour contribuer à apaiser le débat, Challenge a décidé, pour inaugurer cette rentrée politique, d’ouvrir un débat serein à partir d’une analyse technique et objective du contenu de cet avant-projet de Loi organique. Nous reviendrons sur le sujet dans d’autres numéros pour suivre avec les lecteurs l’évolution du débat sur cette question cruciale pour l’avenir de notre pays et qui est appelée à connaître d’autres rebondissements durant 2015, qui est une année électorale.
1- A-t-on gagné le pari d’une élite locale efficace ?
Le projet de loi sur la région est un des grands projets qui se propose de mettre en place les fondations de la construction démocratique régionale de demain. Le Maroc a fait le choix de la région comme vecteur de développement et comme lieu de rupture avec un centralisme et une concentration du pouvoir qui n’a pas toujours apporté les fruits de la croissance dans toutes les composantes du territoire national. L’histoire récente de la démocratie locale a enregistré certaines avancées et notamment, la création de ce qu’on peut appeler une élite locale minoritaire au sein d’un effectif pléthorique. Celle-ci a acquis un savoir-faire et des aptitudes dans la gestion des affaires communales. Certains acquis sont réels et les dysfonctionnements aussi. Les conflits politiques et administratifs ont, dans beaucoup de cas, transformé l’exercice du pouvoir communal en un cauchemar aussi bien pour les populations que pour les bonnes volontés qui ont cru pouvoir contribuer à l’épanouissement de leurs villes ou de leurs villages. Les calculs politiques et les mauvais comportements en matière décisionnelle ont causé des dilapidations de l’argent communal et ont créé chez le citoyen un sentiment de rejet des dirigeants des collectivités territoriales.
Les images des sessions des conseils communaux sont devenues, grâce à une médiatisation accrue, des moments de visionnage de la politique au degré zéro. Le langage utilisé et les méthodes musclées envahissent les salles de réunions et offrent des exemples désolants de la pratique de la démocratie locale. Beaucoup d’acteurs politiques «raisonnables» ont exprimé leur préférence pour un exécutif communal fort et professionnel. La dernière réforme du code communal n’a malheureusement pas fait le choix d’un secrétaire général de la commune pouvant jouer le rôle d’un chef de l’exécutif fort et responsable. La suspicion a continué à miner les relations entre la tutelle et les communes. Le vœu exprimé par les autorités de voir émerger une nouvelle élite bute sur le niveau scolaire exigé pour être élu et pouvoir accéder aux commandes de la commune.
Le débat sur la démocratie locale et régionale est stratégique pour notre pays. L’ensemble des acteurs politiques doivent l’élever au rang des priorités et le mettre à l’abri du jeu politicien. Le pays a besoin des meilleurs parmi ses fils pour assurer sa gestion régionale. C’est cet esprit qui doit guider la discussion sur le projet de loi sur les régions.
Les nouveaux organes proposés pour gérer les régions
L’article 3 du projet jette les bases de la démocratie régionale en tant qu’organisation basée sur la gestion libre permettant à la région de disposer d’un pouvoir de délibération démocratique et libre et d’un pouvoir d’exécution des délibérations et des décisions dans le cadre de la règlementation en vigueur et en fonction des principes de bonne gouvernance.
Ce qui peut constituer un point de blocage dans les débats sur le projet pourrait porter sur trois nouvelles institutions qui seront le vrai bras exécutif de la région. Le projet précise clairement dans son article 91 que le président de la région est le détenteur du pouvoir exécutif , l’ordonnateur et le représentant officiel dans tous les actes de la vie de sa région, mais le projet renforce ce pouvoir exécutif par l’institution de la fonction de directeur général de la région, du directeur des affaires de la présidence et du conseil et d’un établissement public régional appelé « agence régionale d’exécution des projets et dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ». C’est une nouveauté et une contrainte pour les détenteurs des mandats publics. Les pouvoirs qui seront attribués à la région sont grands et multidimensionnels. Le débat et les positions de « principe » portent, hélas, sur l’étendue des pouvoirs de ces nouvelles instances et du poids qu’elles prendraient dans la gestion de la région et non sur l’efficacité qu’elles garantiraient pour que les politiques publiques puissent avoir un sens au niveau de la région.
Le chef de l’appareil exécutif : le directeur général de la région
Le directeur général de la région est un assistant du président au niveau de la gestion et c’est lui qui supervise l’administration et coordonne l’ensemble de ses activités. C’est le président qui le propose, après délibération du conseil et c’est l’autorité de tutelle qui procède à sa nomination. Le directeur général n’est qu’un contractuel dont le mandat ne peut dépasser deux sessions du conseil de la région. Le projet de texte tente de sauvegarder l’esprit démocratique tout en évaluant l’ampleur des pouvoirs de la région. La lecture de la réalité de la vie des élus est présente dans les attributions du directeur général de la régionale continuité du service public régional et les possibles crises de gestion politique d’un grand territoire ne doivent pas être prises à la légère. Les périodes de vacances du poste du président sont d’ailleurs prévues par le projet. La wali de la région doit prendre en charge les phases transitoires. Ces dernières ne peuvent être efficacement assurées sans un exécutif régional permanent et fort en compétences et en capacités de suivi et de maintien de la continuité des services publics. Le passage au pouvoir de la région n’est pas un exercice qui peut supporter l’imprévision. Le juste équilibre tant politique que professionnel est à trouver dans des règles claires à retenir dans le choix du directeur général. Le texte gagnerait dans ce domaine à ouvrir cette fonction à la procédure d’appel à candidature surveillée par des institutions crédibles ou des organes ad hoc, dont les membres sont reconnus pour leurs compétences et leurs valeurs éthiques.
La garantie de la délimitation du pouvoir du DG de la région se trouve dans le pouvoir du président à lui déléguer ou non ses pouvoirs dans le domaine de l’ordonnancement ou de la représentation du conseil. L’article 132 du projet met l’accent sur le rôle du conseil technique tant au niveau du traitement des dossiers, que de la représentation au niveau des réunions.
Ce poste ne doit pas, en principe, constituer un point d’affaiblissement du pouvoir du président, mais un facteur de renforcement du rôle de la région. Les politiques en charge de mandats publics n’ont pas toujours la possibilité de suivre au quotidien les grands dossiers, ni évaluer leur importance et pouvoir s’habituer aux différents engrenages de procédure par lesquels ils doivent passer. Nous n’avons pas connu dans notre pays de vrais exécutifs aux niveaux local et régional. Les limites de la déconcentration et les balbutiements de la décentralisation n’ont pas généré des cultures de gestion à mettre dans la case des bonnes pratiques dans ce domaine. La région présenterait, peut-être, une opportunité pour passer de la définition des politiques publiques à partir du centre et de la gestion budgétaire trop centrée sur les visas et les contrôles formels à une réelle décision régionale structurée et adaptée à la réalité du terrain.
Le directeur des Affaires de la présidence et du conseil
La région se voit renforcée en structures par le poste de directeur des Affaires de la présidence et du conseil. Le projet de texte est très avare en détails sur le rôle et les procédures de nomination de ce directeur. Les articles 136 et 137 se limitent à annoncer, qu’en plus des fonctions de supervision du cabinet du président, le directeur susmentionné veille sur les affaires administratives au travail des élus, sur la marche des travaux du conseil et des commissions, comme il s’occupe de la préparation et de la tenue des documents administratifs relatifs aux indemnités des membres. Ce poste est en apparence administratif, mais peut évoluer dans la pratique vers une fonction politique et peut même constituer un contrepoids au directeur général de la région. La proximité du directeur des affaires de la présidence des élus fait de lui un interlocuteur direct et dont la bienveillance serait bénéfique pour la fluidité du traitement des dossiers relatifs aux indemnités des membres. Le président du conseil pencherait en cas de conflit pour l’allégeance politique au détriment du technocrate ayant reçu la bénédiction du ministère de l’Intérieur. Nous allons assister à une reproduction des conflits qui font le quotidien des ministères. Les membres des cabinets des ministres ne veulent, dans la plupart des cas, se contenter de leur rôle règlementaire. La gestion courante du ministère devient leur préoccupation la plus importante. Certains grands ministères s’avèrent parfois très difficiles d’accès aux combinards. Ceux-ci finissent par rentrer dans leur coquille et se contentent de la gestion du calendrier du ministre et de ses affaires personnelles. Dans d’autres ministères, les membres des cabinets envahissent le ministère et rendent la vie difficile aux directeurs. Les pratiques encore dominantes dans beaucoup de ministères sont totalement illégales. Certains membres de cabinets ne sont même pas inscrits dans la liste des membres officiellement communiqués aux services du Chef du gouvernement. Certains de ces membres fantômes ont un pouvoir qui dépasse celui des directeurs.
Les rôles des détenteurs des nouvelles fonctions qui seraient créées, si l’avant-projet du ministre de l’Intérieur arrivait à emporter l’aval du législateur, donneraient à la région une présence dans le paysage de la gestion régionale au Maroc. Les débats qui accompagneront la mise en place de ces chantiers gagneraient en efficacité et en prévoyance politique s’ils approfondissaient l’étude des domaines de compétences respectifs du directeur général de la région et du directeur des affaires de la présidence.
L’Agence régionale d’exécution des projets
C’est un grand bouleversement du paysage régional auquel nous allons assister si les propositions contenues dans le draft du ministère de l’Intérieur arrivaient à prendre la forme d’une Loi organique. La problématique est claire et renferme une lecture de la réalité managériale tant au niveau local, qu’au niveau régional. L’exécution des projets dans les normes et dans les délais nécessite de réelles compétences et une certaine autonomie. L’inflation qui caractérise le personnel communal et le peu d’efficacité en matière de suivi des projets ont surement guidé les rédacteurs de l’avant-projet.
Un deuxième chapitre est consacré aux agences régionales d’exécution des projets. Les différents articles de ce chapitre traitent de l’ensemble des volets relatifs à l’organisation et au rôle de ces agences. L’article 138 définit les champs d’intervention en leur confiant les fonctions de préparation et d’exécution des projets décidés par la région et celles relatives à l’exploitation et à la gestion des projets qui lui seraient confiés. D’autres fonctions concernant l’assistance technique, le conseil et l’information peuvent leur être demandées.
Les agences sont gérées par une commission de supervision et de contrôle présidée par le président et comprenant trois membres nommés par lui. Ces membres ne pourraient entrainer des relations d’intérêt avec les agences. La commission tient au moins trois sessions pendant une année. L’article 142 définit son champ décisionnel et notamment, en matière de délimitation du programme de travail de l’agence et de l’examen du budget et des moyens de financement des activités. La commission peut, en cas de nécessité, demander l’audit et l’évaluation des activités de l’agence. Certains pouvoirs de la commission peuvent être délégués au directeur de cette entité. Ce dernier est proposé au conseil par le président, mais sa nomination relève de l’autorité gouvernementale chargée de l’intérieur. Il a un statut de contractuel et le pouvoir de nommer et de démettre les agents.
L’article 147 précise que les agents pourraient être des détachés provenant d’autres entités comme la région ou des administrations publiques, des mis à disposition par l’Etat ou les collectivités locales ou des recrutés par le directeur. Le recours aux détachements et à la mise à disposition serait bénéfique pour les prochaines régions et partant, pour leurs agences d’exécution. Il permettrait, par ailleurs, de redéployer une grande partie des agents communaux en chômage fonctionnel et d’opérer des transferts de ressources humaine de l’Etat vers les régions. Beaucoup de départements ministériels croulent sous le poids des effectifs sous utilisés, alors que d’autres entités publiques souffrent d’un manque flagrant de cadres et d’agents.
Le nouveau champ de compétences des régions est tellement large qu’il impliquerait une allocation très grande des ressources à ces agences. Les compétences propres (chapitre 2) dans les domaines de l’aménagement du territoire, du développement régional et du développement économique, du transport, de la culture et de l’environnement, les compétences communes avec l’Etat (chapitre 3) et les compétences transférées (chapitre 4) dans des secteurs très importants (infrastructures, industrie, santé, commerce, culture et éducation….) vont donner aux agences des rôles très importants qui vont aller progressivement vers le remplacement des services extérieurs des ministères et donner un sens concret au concept du gouvernement local.
2 – Quoi de neuf dans l’avant-projet de Loi organique sur les régions?
Le débat sur la régionalisation ne date pas d’aujourd’hui et depuis maintenant plus de quarante ans, la question de la régionalisation est au cœur de l’actualité économique, juridique et institutionnelle de notre pays. Elle est évoquée à propos de toutes les politiques publiques, économiques, sociales et territoriales. C’est la réforme de l’Etat la plus attendue et la plus prometteuse. On lui attache des vertus salutaires et elle est censée apporter les solutions les plus appropriées aux problèmes structuraux de nos territoires. Et pourtant, c’est également la réforme que l’Etat hésite depuis longtemps à mettre en œuvre. Il est bien certain que l’avant-projet de Loi organique sur la région qui vient d’être soumis aux partis politiques pour concertation, n’opère donc pas dans le vide. Autrement dit, la région n’est pas à inventer. Elle existe et elle a une histoire qui remonte à 1971, soit presque un demi-siècle de pratiques régionales. Pour permettre au lecteur de suivre le débat, nous allons adopter une démarche pédagogique en présentant successivement les principaux apports du projet de loi par ordre d’importance.
C’est l’une des innovations majeures de ce projet de loi qui est malheureusement passé sous silence dans les commentaires très politiciens du projet de loi qui ont prévalu jusqu’à présent. En effet, dans le système actuel la région n’a pas d’exécutif ou plutôt c’est le wali qui est l’exécutif de la région. En effet, selon l’article 54 du dahir de 1997 relatif à l’organisation des régions « Le gouverneur chef-lieu de la région exécute les délibérations du Conseil régional. Il prend les mesures nécessaires à cet effet, après avoir recueilli l’avis du président du Conseil régional » mais le gouverneur «peut décider de passer outre et ordonner l’exécution des dites mesures». L’article 9 de l’avant Loi organique rompt avec cette pratique et stipule que le président du Conseil est chargé d’exécuter les délibérations du conseil régional. Désormais, la région disposera de son propre exécutif, ce qui est de nature à lui assurer une certaine autonomie dans son fonctionnement.
L’exécutif régional disposera de sa propre administration
Dans le système actuel régi par le Dahir de 1997 sur les régions, le président du Conseil régional n’a pas d’administration propre pour mettre en œuvre ses décisions. Certes, il peut se faire assister par des chargés de mission et d’études détachés de l’administration ou recrutés par ses soins par voie contractuelle. Mais leur nombre est fixé conjointement par le président et le gouverneur. Ainsi, l’avant-projet de loi rompt avec cette situation. Ainsi, la région disposera d’une administration composée d’une Direction générale des services administratifs et d’une Direction des affaires de la présidence et du conseil. Le Conseil régional créera une agence régionale d’exécution des projets. Le Conseil peut également créer des Sociétés de développement régionales.
Dans le système actuel, les membres du Conseil régional sont élus au deuxième degré. En effet, l’article 3 du Dahir de 1997 relatif aux régions dispose : « le Conseil régional est composé de représentants élus des collectivités locales, des Chambres professionnelles et des salariés. Il comprend également les membres du parlement élus dans le cadre de la région, ainsi que les présidents des assemblées préfectorales et provinciales sises dans la région qui assistent aux réunions avec voix consultative.» L’avant-projet rompt avec cette pratique et stipule à l’article 9 que « la région est gérée par un conseil dont les membres sont élus au suffrage universel direct ».
L’interdiction du cumul des mandats
Compte tenu des lourdes responsabilités qui incomberaient au Président de région, l’avant-projet a posé le principe de l’interdiction du cumul des mandats. entre la présidence du Conseil régional et la présidence d’une commune ou d’une Chambre professionnelle. De même, la fonction de président du Conseil régional est incompatible avec un mandat parlementaire ou un portefeuille ministériel ou tout autre mandat représentatif (communal, professionnel). C’est l’annonce de la fin d’une époque, celle des grandes notabilités qui investissent la politique à partir du contrôle de tous les champs de représentation : communale, parlementaire, régionale, syndicale, professionnelle et associative. C’est précisément tout l’enjeu de la réforme régionale annoncée par le Chef de l’Etat.
De la tutelle au contrôle administratif de légalité des décisions du Conseil régional
Une autre innovation majeure du projet de Loi organique est de substituer à la tutelle classique, un contrôle administratif qui porte sur la légalité des décisions prises par le Conseil régional. En effet, toutes les décisions du président et du Conseil doivent être transmises au Wali dans les cinq jours qui suivent leur adoption. En cas d’opposition du Wali aux décisions prises, le Conseil est tenu de réviser le contenu de ses décisions. Si le Conseil n’obtempère pas, le Wali saisit le tribunal administratif qui tranche en dernière instance. Le recours au tribunal administratif n’est pas suspensif. La suspension de l’application des décisions du Conseil doit faire l’objet, elle aussi, d’une demande expresse du Wali et c’est au juge d’en décider dans les quarante-huit heures qui suivent le dépôt de la demande faite par l’autorité locale. Néanmoins, certaines décisions ne peuvent entrer en vigueur qu’après visa du Wali. Il s’agit notamment de celles relatives au budget, au programme de développement régional, au schéma régional d’aménagement du territoire et surtout aux décisions qui ont un impact financier sur les recettes et les dépenses.
Des pouvoirs extensibles
Pour ce qui est des pouvoirs du Conseil régional, l’avant-projet de loi a cherché à innover en optant pour des compétences extensibles. Ainsi, le Conseil dispose de compétences propres, de compétences partagées avec l’Etat et de compétences transférables. Les compétences propres de la région concernent les domaines de la planification, de la programmation, de l’exécution et de la gestion. Le Conseil régional peut exercer des compétences partagées avec l’Etat et ce, dans un cadre contractuel, soit à l’initiative de la région ou celle de l’Etat. Les compétences partagées peuvent concerner, entre autre, le développement économique, le développement durable, le développement rural, le développement social et la promotion de l’habitat social. L’Etat peut au début de chaque mandat transférer d’une façon progressive à toutes les régions ou à certaines d’entre elles, des compétences dans les domaines des infrastructures des zones industrielles, du commerce, de la santé, de l’enseignement, de la culture et du sport.
Ainsi, l’avant-projet de loi pose les bases d’une régionalisation à géométrie variable pour s’adapter à la géographie du pays, à la dynamique différentielle de développement qui le caractérise, à l’inégale répartition des ressources et des activités sur le territoire national et à l’inégale capacité des régions. L’axe littoral Tanger-Agadir continue à concentrer l’essentiel des activités économiques et des établissements humains. De nombreuses régions risquent de se retrouver avec des compétences, mais sans les moyens humains et financiers pour les exercer. Les transferts vont donc être graduels en fonction du niveau de développement de chaque région, de ses besoins en croissance économique, en équipements d’infrastructures, en établissement socio-éducatifs et récréatifs et de ses capacités managériales humaines et matérielles. Les transferts vont également être expérimentaux. Les dispositions de l’article 109 permettent également de tenir compte du particularisme de certaines régions, comme les provinces sahariennes qui peuvent disposer d’un statut spécial dans le cadre de la souveraineté marocaine
Contraintes et défis : ou comment conjurer le risque de l’inflation bureaucratique
Les vraies questions soulevées par ce projet de loi ont été malheureusement obscurcies par les prises de position politiciennes. Tout le monde revendique plus d’autonomie pour les régions, mais rares sont ceux qui se demandent pourquoi faire? Dans quels objectifs ? Avec quelles élites ? Avec quels moyens humains et matériels ? Quels sont ces projets qui sont bloqués à cause de l’absence d’autonomie régionale ? Par quel miracle l’autonomie accrue de certaines régions dépourvues de moyens va être génératrice de grands projets structurants ? Et comment préserver l’unité d’un pays qui a été secoué à maintes reprises durant sa longue histoire par les pulsions séparatistes ?
Parmi les critiques de fond à adresser à ce projet, celle qui se rapporte au coût financier de sa mise en œuvre doit être fortement soulignée. En prévoyant la mise en place d’un exécutif autonome avec une administration régionale composée de directeurs généraux, de directeurs des affaires du Conseil, d’Agences de développement régionales et de Sociétés de Développement régionales, cet avant-projet comporte un risque majeur d’inflation bureaucratique. Dans un pays qui croule sous le poids d’une bureaucratie aussi inefficace que pléthorique, qui consomme les deux tiers du Budget de l’Etat, on risque d’ajouter de l’administration à l’administration. n