Portrait

Entrepreneur, patronne de presse, PR Queen

Ahlam Jebbar, fondatrice de Tourisma Post

Elle a exploré toutes les voies de traverses du journalisme avant d’y retourner. Cette battante a commencé dans le journalisme, et comme ce métier mène à tout à condition d’en sortir, elle s’est lancée dans la communication d’entreprise, institutionnelle et politique avant de revenir à ses premières amours, la presse, comme patronne cette fois.. Par  Noréddine El Abbassi

Ahlam Jebbar est Gaïa la Terre, puissance créatrice et lien entre les humains. Cette grande dame de la presse a fait ses débuts en même temps que toute une promotion de journalistes, qui auront marqué la scène médiatique, dès la fin des années 90, jusqu’au milieu des années 2000. Aboubaker Jamaï, Ali Ammar ou Ahmed Réda Benchemsi sont de ceux qui ont fait leurs classes à ses côtés, lorsque le grand Jamal Berraoui était rédacteur en chef de l’institution. C’est peut-être cette école de journalisme qu’était “La vie éco”, lorsque le patron de presse à sa tête n’était autre que Jean Louis Servan Schreiber, qui a marqué Ahlam. Toute une génération de journalistes ont suivi le mouvement et marqué leur période. L’époque était celle de la libération de la parole, de  la traque des malversations et la recherche des abus dans tous les recoins. C’était aussi le retour de la gauche triomphante aux affaires, et la libération des prisonniers politiques. Dans un sens, Ahlam a été un témoin de cet “âge d’or” de la presse et de la société marocaine, pré-20 février. Avant que le boulevard ainsi ouvert, profitera à la marche victorieuse des islamistes en tous genres, le PJD n’étant que la face émergée d’une tendance qui couvait dans un Maroc qui recherchait son identité perdue, quitte à s’inventer un passé.
Ahlam est née en 1973, dans le nord du pays, à Ouezzane. Cadette des cinq enfants d’un directeur d’école, Ahlam doit très tôt faire face au destin. Son père souffre d’une maladie, dont les soins, obligent la famille à déménager en France. En raison de ses problèmes de santé, il est alors affecté à l’Ambassade du Maroc, puis au consulat comme attaché culturel. A toute chose malheur est bon, puisque Ahlam a la chance d’étudier à Paris, elle que tout destinait à une vie studieuse dans l’école paternelle: “C’était une chance dans la malchance. Papa avait toujours le sourire aux lèvres lorsque nous lui rendions visite à l’hôpital. Il était heureux, même si c’était marquant de voir, à un jeune âge, son père malade et alité”, confie-t-elle. Dans son récit, elle a gardé un enthousiasme juvénile et une spontanéité d’adolescente, comme ces muses éternellement jeunes et pleines d’esprit. Mais ce n’est pas parce qu’elle vit à Paris qu’elle a une enfance dorée: “En dehors de l’école et de la bibliothèque, ma vie se confinait à la maison, mais nous étions enfants, donc nous restions en famille”, précise-t-elle, coupant court à toute spéculation sur une éventuelle enfance parisienne, ni folle, ni débridée.

Retour au Maroc par la “grande porte”

Le Maroc, c’étaient les vacances, où l’on retrouvait la famille et les amis. C’est donc tout naturellement, que dès que les soins de son père pouvaient être dispensés dans le pays natal, la famille prenait le chemin du retour. “Lorsque j’ai appris qu’on rentrait au pays, je sautais de joie. C’est que je me sentais bien au Maroc”, explique-t-elle, avec une moue réfléchie. Mais c’est à Rabat que la famille s’installe. Ahlam intègre le  Lycée Descartes, dans la continuité d’une scolarité débutée en France. Là, elle découvre un lycée d’élite, avec ses codes et un milieu social unifié. Un changement par rapport à la France, où la mixité était telle, qu’elle côtoyait autant des fils de cadres, que des camarades d’extraction populaire, sans distinction. Ahlam s’adapte et finit par se faire à cet environnement. Elle opte pour un Bac B, que bien entendu, elle décroche sans difficulté. Elle se projette déjà dans l’avenir, fascinée par le journalisme. Le hasard fait que c’est justement sur ce thème que porte un sujet de l’examen, qui lui permet de décrocher la meilleure note.
Nous sommes en 1991, et l’Institut Supérieur de Journalisme de Rabat semble le choix évident. Mais il lui faut une maîtrise pour intégrer l’établissement. Prémonitoire cette solution de repli, puisqu’elle poursuit sa scolarité à l’Institut Supérieur International de Tourisme de Tanger. C’est là qu’elle développera une expertise qui la suivra tout au long de sa carrière. Elle fera ses premières armes dans l’hôtellerie et la restauration, mais ses velléités d’écriture ne l’ont jamais lâchée. Elle trouve une première opportunité à La vie Touristique, puis au Quotidien du Maroc, avant de se fixer à La Vie économique. “On m’a reçue un vendredi pour un entretien, et dès le lundi suivant, j’ai commencé à travailler . J’y suis restée 7 années”. C’est ainsi que, sobrement elle résume cette période cruciale, au sein d’un hebdomadaire, qui tenait plus de l’école que du média. Arrive 2002, quand l’entreprise est rachetée par Aziz Akhannouch et d’autres associés et qu’elle décide de tenter de nouvelles aventures. Cette fois, ce sera 2M où elle pose ses bagages. Au sein de la chaîne nationalisée, elle évolue. Elle aura entre autres, l’occasion de participer à la couverture des attentats du 16 mai.  
Le virage s’opère en 2003, lorsque Ahlam et coup sur coup,  se marie, quitte son emploi à 2M et devient correspondante au Maroc pour le journal français, l’Express.

A l’ombre d’un “grand homme”, il est bon d’être “communiquant”

Commence alors pour elle, une carrière internationale et couvre l’actualité marocaine pour le lectorat de France. Au détour d’une rencontre, elle retrouve Aziz Akhannouch, qui lui propose un emploi à ses côtés. Ahlam quitte alors la presse, pour passer de l’autre côté de la barrière en 2004. Elle commence comme chargée de communication auprès de la présidence de son nouveau patron et homme d’affaires d’envergure. Sa présence doit porter chance, car Aziz Akhannouch est nommé ministre de l’Agriculture, l’année suivante. Ahlam chapeaute alors la communication pour le groupe pétrolier Akwa, le Ministère de l’Agriculture, de la pêche, ainsi que pour la région de Souss Masaa Draâ. Elle ne compte plus ses heures de travail et si le journalisme est un métier prenant, elle passe dans l’addiction au travail. “Je ne me suis jamais autant épanouie que pendant cette période. Mais je n’avais réellement pas de vie à côté,” se remémore-t-elle. Un regret? Pas réellement, si ce n’est celui de ne pas avoir eu cette opportunité plus tôt. C’est l’année 2010 qui marquera la fin de cette expérience. Ahlam quitte ses fonctions auprès d’Aziz Akhannouch pour intégrer Masen. A ce moment, Mustapha Bakkoury vient d’être nommé à la tête de cette entité, nouvellement fondée et aux grandes ambitions : “J’étais la première employée. Nous n’avions même pas de locaux et nous avons été d’abord installés au sein de l’Office National de l’Eau Potable,” développe-t-elle. Ahlam reste à ce poste deux années durant, avant de quitter le Maroc et la communication. C’est une sorte de retour aux sources, puisqu’elle se rend à Paris, affectée au Courrier de l’Atlas, une autre entité du Groupe Caractère, détenu par Akhannouch. Mais, Ahlam prépare déjà sa future carrière et par la même, prend soin de sa santé. Le corps lâche quand on l’a trop sollicité, et elle se refait une santé tout en se formant au journalisme web et à la conception de sites. Elle sera prise de vitesse par Infomédiaire, le 360, Média 24 et H24 au moment où la presse électronique est un raz de marée qui compte changer le visage du journalisme. C’est en 2013 qu’Ahlam rentre au Maroc, et lance son propre portail web dédié au tourisme, Tourisma Post. Depuis, Ahlam Jebbar  mène de front sa carrière de patronne de presse et de mère de famille. Parce que c’est aussi cela, être journaliste au Maroc.

 
Article précédent

B Group (ex-groupe Palmeraie) prend pied dans la production de dattes

Article suivant

Jaguar XJ Relifting de circonstance