Évolution du digital : les avis des pros de la com
La fièvre des réseaux sociaux et des médias communautaires gagne le Maroc. Certaines entreprises marocaines, en quête d’audience sur Internet, l’ont déjà compris et investissent dans la communication et la publicité en ligne. Pour accompagner cet engouement pour la communication digitale, des agences se sont positionnées sur ce créneau. Comment voient-elles l’évolution du digital au Maroc au cours de ces trois dernières années ? Quelle projection pour les trois prochaines années ?
Aissam Fathya : DG de Kenz Media
« Au Maroc, le marché de l’Internet notamment mobile, a explosé en dix ans. Sans s’attarder sur les chiffres déjà connus de la place, les Marocains sont de plus en plus connectés sur leurs téléphones toutes couches sociales confondues. Le marché confirme sa tendance haussière ces 3 dernières années, je dirai même que l’Internet va plus vite que l’évolution économique, même si le Maroc est l’un des pays bien avancés dans le continent Africain. Aujourd’hui, chaque internaute cherche à s’informer pour se forger une opinion et des convictions. Le divertissement reste une part importante dans la motivation de la connexion, sans oublier le partage des expériences. Ce comportement de consommation représente une aubaine pour les marques et les annonceurs les mieux digitalisés. En parallèle à cette révolution dans la consommation de ce nouveau média, l’achat d’espace Internet connaît la plus forte croissance, tous secteurs confondus.
La grande prise de conscience par les institutionnels et les opérateurs privés, a fait que l’intérêt est de plus en plus grandissant pour rattraper le retard en matière de digitalisation et la généralisation de l’accès à internet haut et très haut débit à toute la population, favoriserait davantage la démocratisation de l’accès à Internet pour tous. L’amplification des réseaux sociaux, des contenus digitaux qui sont devenus incontournables et rassemblent une audience énorme et le changement du comportement d’achat s’appuyant sur la source d’information depuis le canal Internet ‘‘boosteront’’ l’accélération de la tendance haussière ».
Nasma Rherras : Managing Director-Morocco de WB Media
« Le média digital a réussi à s’imposer en tant que média incontournable drivé par la transformation de la consommation média des Marocains, positionnant ainsi le digital comme 2ème média après la TV. Ceci a conduit à un changement dans le split de l’investissement publicitaire dans lequel le digital revendique une part de plus en plus importante avoisinant les 20% voire plus, pour les principaux acteurs de l’industrie publicitaire.
A ce jour, nombreuses sont les entreprises qui ont initié leur transformation digitale d’un point de vue ‘’canal de communication’’ autant sur le contenu que sur l’achat d’espace. Toutefois, cela reste l’apanage des grandes structures ou des entreprises dont le business model repose sur le e-commerce, alors que le reste du marché tente de se positionner sur ce média comme alternative à la presse écrite. Ceci dit, cette transformation a permis de dynamiser le secteur de la presse électronique au Maroc et de voir émerger des ‘‘champions nationaux’’. Mais, ce sont les géants mondiaux, notamment Google & Facebook qui bénéficient le plus de cette effervescence, d’abord par leur inventaire sur le marché qui leur permet de pratiquer des prix très compétitifs, mais aussi par leurs offres en termes de ciblage et d’interaction avec les internautes qui permettent de limiter la déperdition et d’engager les consommateurs.
Le digital continuera à driver de plus en plus d’investissements certes, mais avec une évolution en termes d’approches au niveau : du contenu avec de plus en plus de vidéo, d’approche média où le digital sera de plus en plus prioritaire, même sur la télévision et de mode d’achat d’espace avec la montée en puissance du programmatic ».
Amine Bennis : président de Tribal DDB
« Les choses ont beaucoup changé dans le domaine du digital, mais il faut dire que les consommateurs changent plus vite que les marques. En trois ans, les consommateurs se sont très facilement adaptés aux nouveaux outils du digital, que ce soit pour communiquer à travers les réseaux sociaux ou même pour acheter à travers les plateformes de e-commerce. De leurs côtés, les marques ont tenté de suivre cette transformation, mais il faut dire qu’elle se fait plus lentement. Faire du digital nécessite d’adopter un nouvel état d’esprit avec beaucoup plus de réactivité et beaucoup moins de process qu’avant !
Je suis très enthousiaste pour les prochaines années. Je pense que grâce au digital, nous allons voir la naissance de nouvelles personnalités, de nouveaux créateurs de contenu et de marques beaucoup plus créatives qu’elles ne l’ont été jusque-là ».
Hicham Benjelloun : DG de 322 media
« Le marché se porte bien, il évolue chaque année positivement. Le digital c’est à la fois un marché qui regroupe plusieurs métiers et un media. Il se porte bien car les marques au fil des années ont établi un dialogue permanent avec le consommateur via les réseaux sociaux, consultés principalement sur mobile. Le digital ne change pas la dynamique économique d’un secteur d’activité, il canalise d’une certaine façon la demande vers l’offre et vice versa, mais selon des règles différentes. Ce sont les consommateurs qui changent de ‘‘modèle de consommation’’, et ce sera au rôle des marques de s’adapter à ce changement. Malheureusement, plusieurs expériences digitales d’annonceurs se résument à un stigma de trois ou quatre techniques, puisqu’il faut d’abord passer par une première phase d’appréhension des expériences digitales des clients, avant de pouvoir s’adresser à eux de la meilleure manière.
Pour les annonceurs, la finalité est de « ROI-tiser » leurs actions digitales. L’offre d’accompagnement de ces annonceurs doit abonder dans ce sens. Cette offre ne se résume pas aux agences digitales, qui ont le mérite d’être pionnières en la matière, il y a aussi d’autres acteurs qui peuvent accompagner les annonceurs dans cette transformation et qui viennent d’environnements différents : les agences dites « classiques », les bureaux d’études et les bureaux de conseil en management. Plusieurs secteurs sont en train de repenser leur manière de fonctionner. Une marque qui ferme les yeux sur cette transformation ou qui est mal accompagnée, jouera parfois son existence ou sera anéantie par cette révolution de la consommation. L’avenir va se jouer entre les marques qui vont intégrer cette transformation et celles qui, a contrario, continueront à penser que le digital se résume à : un site web + une page Facebook… et quelques « fans ».