Portrait

Abdellatif El Quortobi : Expert comptable, professeur

Abdellatif El Quortobi, Nouveau Président de l’Ordre national des experts comptables

Il a su garder la sveltesse de sa jeunesse, mais à 56 ans, cet expert comptable qui s’est formé en parallèle de sa carrière professionnelle est élu à la tête de l’Ordre après avoir enseigné pendant des années. De formateur de ses confrères, il en est arrivé à les représenter. 

L

es adages populaires sont souvent l’expression du bon sens populaire d’une population donnée. Ils sont certes propres à chaque entrée, à chaque région et ne sont pas pour autant et en fin de compte l’expression d’une certaine sagesse. Quand on se réfère  au parcours de Abdellatif El Quortobi, le nouveau président de l’ordre des Expert Comptables, on ne peut s’empêcher de penser au dicton “Al doum itkob errkham”, qui veut dire que la persévérance finit par triompher. On peut même avoir plus d’une raison de faire le rapprochement, compte tenu de l’itinéraire de notre interlocuteur. C’est qu’il a persévéré dans la même voie, encore et encore, jusqu’à atteindre son but, celui d’exercer le métier qu’il s’était fixé et de se mettre à son propre compte. C’est que le meilleur maître pour tout travailleur n’est autre que lui même. S’il a compris cet adage, l’homme qui préside au Conseil des Experts Comptables n’en est pas moins un cadre formé aussi bien en France qu’au Maroc. 

Il est né en 1958, à Oujda. Dernier né des sept enfants d’un commerçant de la capitale de l’Oriental, il grandira au rythme de l’ indépendance du pays dans une ville à la frontière avec l’Algérie. Oujda est la capitale du Maroc Oriental, à laquelle s’identifie toute la population d’une région et dont le nationalisme est affirmé, presque sourcilleux. Plus que tout cela, la période est celle de la guerre d’indépendance de nos ” frères et voisins” et dont la ville constitue la base arrière avec tous les aléas d’une telle situation. Oujda abrite une forte colonie algérienne et l’Armée de Libération Nationale (ALN) y abrite ses cadres et de fait, son Etat Major. Pour l’anecdote, le président actuel Bouteflika, ainsi que d’autres futurs dirigeants du FLN,  y a vu le jour et a vécu, jusqu’à son enrôlement dans l’ALN. Mais Abdellatif El Quortobi était trop jeune pour la période et n’en garde le souvenir quà travers les récits des anciens. Pour lui, ce sera plutôt l’image d’ une petite ville où il n’y a pas grand chose à faire, et dont les mauvaises langues disent à “Oujda, même les mouches veulent émigrer”. En fait, le Maroc profite de sa nouvelle liberté acquise au prix des luttes, et Mohammed V est auréolé de sa popularité qui ne se dément pas. Par ailleurs, le Maroc commence à peine à vivre le début des malheureuses tensions avec l’Algérie voisine. Les temps ne sont pas encore mornes, mais rien ne présageait l’avenir. 

Une enfance Oujdie 

Le jeune Abdellatif est loin des problèmes des grands et vit une enfance insouciante. Dans la famille, les études sont la priorité des priorités. Ses frères ainés ont tous fait des études, et les parents sont attentifs au parcours universitaire de leur dernier né. L’environnement est donc studieux, et dans la cité, les loisirs sont rares. “Nous lisions beaucoup. A cette époque, il y avait des bibliothèques bien fournies dans les écoles et les lycées. Il y avait également des bibliothèques municipales, ce qui nous incitait à la lecture. Autrement, c’était des loisirs simples, dont le foot entre amis. Mais je n’ai jamais été un grand footballeur”, explique-t-il, sans jamais se départir d’une certaine réserve et d’ajouter, à voix basse, presque pour lui même “pourtant l’équipe locale le MCO a fait les beaux jours du championnat à l’époque”. Il semble être dans le recul, comme si chaque phrase devait être réfléchie avant d’être prononcée. On se plait à deviner un enfant sage, peut-être trop sage pour son âge. La prévenance de ses parents porte ses fruits, et le jeune Abdellatif est studieux, et passe ses classes sans problèmes. Il s’oriente vers des études scientifiques, et dans le système public. Il se rappelle que ce sont des enseignants européens qui dispensaient les cours des matières scientifiques. Il obtient son Bac, option Sciences Expérimentales en 1976. 

 Les études en parallèle de l’activité professionnelle 

Le fameux sésame en poche, Abdellatif s’envole pour Grenoble, ville universitaire française, appréciée par les marocains dont elle a formé nombre d’entre eux. Il poursuit  des études de mathématiques avant de se réorienter vers les sciences économiques. “A cet âge, on ne connaît  réellement ni les contenus des différentes filières, et encore moins les carrières auxquelles elles permettent d’accéder”, explique-t-il. Il poursuit au Maroc son second cycle en économétrie avant de repartir pour la France suivre la filière de l’expertise comptable. Comme souvent à cette époque, Abdellatif est boursier, mais il doit compléter ses ressources par des petits boulots pour arrondir les fins de mois. Ainsi, il travaille dans le street marketing de l’époque, et même dans l’agriculture, dans des fermes expérimentales. Ces premières expériences avec le monde du travail le frottent à la réalité. Alors qu’il est de passage au Maroc, il postule à différents emplois avant de repartir en France reprendre ses études. Une offre d’emploi lui est proposée au sein de l’ERAC à Marrakech, en tant que cadre financier. Sans hésiter, il accepte le job et rentre définitivement au Maroc. Il commence donc dans la vie active.  

Débuts dans l’expertise comptable 

Nous sommes en 1985, et le jeune Abdellatif est déjà marié depuis quatre années. Au Maroc, le travail occupe tout son temps. Mais il s’organise pour poursuivre ses études en parallèle. Il reste à son poste pendant quatre années avant de se lancer dans l’audit. C’est un cabinet international qui le recrute. Il y  apporte sa collaboration onze années durant, et gravit les échelons successifs jusqu’au stade de Directeur d’Audit. C’est en 1999, que, diplômé en Expertise Comptable, Abdellatif se met à son compte et ouvre son propre cabinet. Même si le métier est le même, il doit faire face à une situation nouvelle: “les difficultés sont les mêmes pour tous, à l’époque comme aujourd’hui. Il faut trouver des clients, établir la confiance, mais surtout persévérer jusqu’à se faire une place sur le marché,” analyse-t-il. 

Comme les nouveaux experts comptables, le marché est dur, mais aujourd’hui, il y a plus de nouveaux professionnels qui arrivent que de nouvelles entreprises qui se créent. 

Rapidement, Abdellatif prend des fonctions à l’ordre des experts comptables. il débute dans les instances d’abord en 2003 au Conseil régional de Casa Sud, avant d’être élu en 2008 au Conseil National. Il est alors président de commission en charge de la formation. Après trois mandats successifs, Abdellatif sera élu président de l’Ordre en 2014. Il a su persévérer, jusqu’à trouer le marbre.

 
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