Fin des « Guerres invisibles contre le Qatar »
Coup de tonnerre, l’Arabie saoudite met fin au blocus contre le Qatar. Riyad et ses alliés scellent la réconciliation avec Doha, après trois ans et demi de brouille. Quelles lectures peut-on en faire en termes de géopolitiques ? Le dernier ouvrage de géopolitique d’Adil Mesbahi, préfacé par Claude Moniquet, qui apporte un éclairage nouveau sur cette crise, l’avait pronostiqué dès le début. Le géopolitologue, expert en intelligence stratégique, et spécialiste des nouvelles menaces étatiques ; cybernétiques, informationnelles et économiques, donne ainsi raison à sa prospective que contrairement à la volonté de l’Arabie saoudite en imposant le blocus, le Qatar allait tirer profit de cette guerre économique. Les détails de cette grille de lecture sur-mesure, et dont les conclusions sont diamétralement opposées à la représentation médiatique.
Début juin 2017, le pouvoir d’influence du Qatar est mis à l’épreuve de la puissance Saoudienne.
Le rapport de force auquel on assiste ressemble étrangement à une tempête de sable ; il s’est levé de manière imprévisible, l’on a du mal à y voir clair, il peut durer un temps indéfini et avoir des conséquences regrettables.
Pour comprendre ce conflit, il faut prendre suffisamment de recul historique, mais également de la hauteur. Il faut aussi lever le voile sur les intérêts inavoués des puissances régionales, mais également de la Russie et des puissances occidentales, États-Unis en tête. Enfin, il faut sonder les enjeux géostratégiques, géopolitiques, géoéconomiques, idéologiques et en matière de terrorisme. Sans cette lecture d’ensemble, les conflits et autres problématiques de cette région ne peuvent trouver des explications acceptables.
Une cyberattaque, afin de préparer le terrain
Mi-juillet 2017, s’appuyant sur des sources au sein des services secrets américains, le Washington Post révèle que l’agence de presse officielle qatarie (QNA) a été victime d’une cyberattaque. L’organe avait publié des propos attribués à l’Émir du Qatar, parmi lesquels : « L’Iran, poids lourd régional islamique qu’on ne peut ignorer ». Et malgré un démenti, les médias de plusieurs pays et les réseaux sociaux ont amplifié ces (fausses) déclarations.
La cyberattaque a eu lieu le 24 mai 2017, soit peu de temps après la tournée du Président américain Trump dans les pays du Golfe et sa sortie médiatique contre l’Iran, l’accusant de soutenir le terrorisme islamiste. Les agences de renseignement américaines ont précisé par la suite qu’elles détenaient les preuves, que jusqu’à la veille de la cyberattaque, de hauts responsables émiratis étaient impliqués dans sa planification et son orchestration. Son exécution ayant été sous-traitée par une tierce partie, non révélée.
Une déstabilisation informationnelle, au plus haut niveau étatique
La cyberattaque en question n’est pas un acte malveillant de hackers, mais une agression étatique, commanditée par au moins un État et visant un autre ; le Qatar. Plus qu’une cyberattaque, le Qatar a été victime d’une désinformation au plus haut niveau étatique.
Les Émirats Arabes Unis seraient impliqués dans la cyberattaque visant des sites officiels du gouvernement Qatari, dont l’agence de presse officielle et les réseaux sociaux, assurent plusieurs fonctionnaires de la CIA et du FBI. Ces plateformes ont affiché de fausses déclarations attribuées à l’Émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Khalifa Al-Thani, dans lesquelles il faisait l’éloge du Hamas et de l’Iran, ennemi juré de l’Arabie saoudite et de ses alliés.
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Le succès de cette cyberattaque ne se limite pas à vérifier si l’opération informatique malveillante a été réussie. Le succès dépend de la résonance médiatique provoquée par la désinformation, véritable objectif de l’opération. En ce sens, cette agression contre le Qatar fut un succès, tellement elle a été médiatiquement amplifiée, préparant le terrain à la sanction économique infligée par la suite ; le blocus.
Une guerre économique, le blocus du Qatar
Une cyberattaque, suivie d’une déstabilisation informationnelle, préparant le terrain à une guerre économique, le Qatar a été l’objet de guerres invisibles.
Le commanditaire de l’ingérence cybernétique et de la déstabilisation informationnelle est difficilement identifiable, toutefois, celui de la guerre économique est connu ; il s’agit de l’Arabie saoudite, qui a imposé le blocus au Qatar. Car, il s’agit bien d’un blocus et non d’un embargo ou de sanctions dont le Qatar fait l’objet. Les derniers ont un caractère légal, alors que le blocus est un acte de guerre par lequel un belligérant empêche l’accès ou le départ d’une zone du pays soumis au blocus.
Le Qatar jalousé par des pays de la région, parmi eux, certains se sont joints à l’Arabie saoudite dans ses représailles contre l’émirat influent. In fine, le blocus économique contre le Qatar est consécutif à un conflit fabriqué de toutes pièces, dont l’objectif est de fragiliser l’émirat sur la durée.
A qui profite l’affaiblissement continu des pays de la région ?
A la Russie, aux États-Unis, et à Israël. Les premiers pays, intéressés et offensifs, à la recherche de l’accroissement de leurs puissances, et l’État d’Israël, défensif, soucieux de sa sécurité.
A qui profite l’affaiblissement du Qatar ?
Pour répondre à cette question, nous avons identifié ceux qui avaient intérêt à ce que cet énième conflit régional voit le jour. Notre analyse nous a également permis de démontrer l’importance de la suprématie régionale (entre l’Arabie saoudite et l’Iran), véritable enjeu de ce conflit.
Quelle sera l’’issue de ce conflit ?
La stratégie du pourrissement semble être celle de ceux derrière ces guerres invisibles contre le Qatar. Partiellement affaibli, le Qatar a trouvé des soutiens. Quant à l’issue de ce conflit, elle doit être entre les mains des influents Qataris, qui sans nul doute, transformeront cette crise en opportunité.
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L’ouvrage
Publié en octobre 2017, « Guerres invisibles contre le Qatar » a révélé les enjeux cachés du conflit entre l’Arabie saoudite et le Qatar.
En 2019, l’auteur a poursuivi son éclairage de la région, en dévoilant les enjeux inavoués du futur Roi d’Arabie saoudite ; avec l’ouvrage « MbS ».
L’auteur
Adil Mesbahi est géopolitologue, expert en intelligence stratégique, et spécialiste des nouvelles menaces étatiques ; cybernétiques, informationnelles et économiques. « Expert en Intelligence Economique », titre délivré par l’Ecole de Guerre Economique, Adil Mesbahi est ingénieur grande école Française, formation complétée par un MSc et quatre MBA. Après une longue et riche expérience dans le conseil et la banque, l’auteur est à la fois professeur, analyste et conseiller auprès de Décideurs économiques et Etatiques.
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